Marseille – Rencontre avec Baptiste Amann, artiste associé au Théâtre du Merlan, qui y présentera « …Et tout sera pardonné ?  » les 14 et 15 novembre.

Publié le 12 novembre 2019 à  21h16 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h25

C’était en avril 2011 et ce fut un événement culturel. Antoine Bourseiller était revenu à Marseille présenter dans ce théâtre du Gymnase dont il fut directeur, de 1967 à 1972, une adaptation théâtrale mise en scène du premier roman de Jean Genet, Notre-Dame des Fleurs, produite par le CDN de Nice avec le soutien de La Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent. Parmi les comédiens présents dans cette production, Baptiste Amann, dans la peau du narrateur, frappa les esprits. Sans échanger une seule parole avec ses partenaires, il imposait sa présence, et on avait l’impression qu’il orchestrait chacun des gestes de la troupe, et des paroles prononcées.

Baptiste Amann : écrivain, acteur et metteur en scène qui s’attache au théâtre dans sa forme collective. (Photo Laurent Teyssier)
Baptiste Amann : écrivain, acteur et metteur en scène qui s’attache au théâtre dans sa forme collective. (Photo Laurent Teyssier)

Depuis, Baptiste Amann, comédien surdoué né le 5 février 1986 en Avignon, poursuit son parcours artistique avec la même exigence, multiplie les projets collectifs et personnels en demeurant fidèle à la pensée d’Anne Alvaro , qui l’a dirigé, à savoir que l’acteur est quelqu’un qui, avant tout, écoute, et porte un intérêt particulier au travail d’équipe. Oreille musicale, (onze ans de piano), affirmation que «le théâtre est un lieu, pas une discipline», Baptiste Amman est devenu depuis artiste associé du Théâtre du Merlan de Marseille, et ce, pour trois années. Contacté par Francesca Poloniato, la directrice de cette structure, après qu’elle ait vu le premier volet de la pièce «Des Territoires», intitulé «Nous sifflerons La Marseillaise», dont il est l’auteur, Baptiste Amman privilégie le théâtre du compromis humain sans compromission. Entendez par là être à l’écoute des acteurs qu’il dirige, (il est aussi metteur en scène et a fondé sa compagnie «L’annexe») ne pas aller vers le plus facile, penser par soi-même, ce qui exige que l’on comprenne d’où on travaille, et ne pas se contenter de reproduire ce que le metteur en scène demande. Échange donc, «le couvercle de mon travail est la vulnérabilité, et j’aime la fragilité comme condition de l’existence». Projet ambitieux, «Des Territoires» est construit comme une fresque. La trilogie Des territoires suit les péripéties d’une fratrie réunie au moment de la mort de leurs parents dans le pavillon de la résidence HLM où ils ont passé leur enfance. Au cours de cette réunion familiale imposée, les tensions de la fratrie, autour de la fidélité aux valeurs transmises, de fractures sociales sur fond de programme de rénovation urbaine d’où est né le pavillon de leur enfance, s’invitent dans le dialogue du deuil.

Une plongée sociologique, et psychologique au sein d’un monde disloquée par la mort

Se posera pour Lyn, Benjamin, Samuel et Hafiz, au-delà du chagrin de la disparition de leurs parents, la question de la succession, de la vente de la maison sauf qu’il s’agit d’un pavillon assez humble. Trois moments structurent l’ensemble : la veille de l’enterrement, le jour de l’enterrement, et le lendemain. Chacune des pièces est traversée par un anachronisme : on évoque d’abord la Révolution française avec la figure de Condorcet, La Commune avec Louise Michel, et enfin La Révolution algérienne, avec le procès d’une militante du FLN. «Croiser le discours de personnages ayant une influence sur l’Histoire de leur pays, et celui de simples gens constituant une population invisible, n’ayant pas accès au discours officiel, voilà ce qui structure ce projet », précise Baptiste Amann qui aime travailler avec une bande d’acteurs amis rencontrés à l’Erac (École régionale d’acteurs de Cannes où il a été formé). Dont Olivier Veillon impressionnant dans «Face à la mère» d’Alexandra Tobelaim donné au Jeu de Paume d’Aix du 4 au 6 octobre 2018. «J’envisage l’espace théâtral comme un espace critique, questionner le monde et les gens plutôt que d’apporter des réponses figées», dit-il. «Je ne renonce jamais à me remettre en cause, et jouer comme diriger c’est mettre de l’éthique. Le théâtre comme endroit d’une exigence artistique et morale», ajoute-t-il. Lisant Giono en boucle, privilégiant les auteurs qui ont du souffle, Baptiste Amann précise que son théâtre «c’est un peu de la littérature contrariée par le réel». Aussi les différents volets de sa trilogie «Des territoires », à savoir «Nous sifflerons la Marseillaise», «D’une prison l’autre» et enfin «…Et tout sera pardonné ? » mêlent grandes figures et petites vies, et s’imposent comme une plongée sociologique, et psychologique au sein d’un monde disloquée par la mort. Il y a un engagement physique dans tout ce qu’entreprend Baptiste Amann si bien que son théâtre n’est jamais intellectualisé mais déroulant un fil narratif classique incarne chaque personnage en tant que corps et esprit. Pas étonnant quand on sait qu’il vient du cirque, qu’il s’est sensibilisé au hip-hop et que touche-à-tout de génie, il est acteur autant qu’écrivain. On pourra voir le dernier volet de la trilogie «Des territoires» ce magnifique « …Et tout sera pardonné ?» les 14 et 15 novembre à 20h30 au Merlan. Précisons ici la trame. Soins intensifs, Centre Hospitalier Henri Duffaut. Avignon. Benjamin, blessé lors des émeutes, est en état de mort cérébrale. La question d’arrêter les machines au profit d’un don d’organes se pose au reste de la fratrie. Dans le même temps, l’hôpital accueille le tournage d’un film sur le procès de Djamila Bouhired, une figure emblématique de la Révolution Algérienne. L’actrice, en conflit avec le réalisateur, trouve refuge dans le service de réanimation, et va côtoyer Samuel, Lyn et Hafiz au moment de la décision tragique. De part et d’autre de la fiction, une question se pose à tous ceux dont la situation est désespérée : arrêter le combat ou le poursuivre coûte que coûte ? Avec dans la mise en scène de Baptiste Amann, les comédiens suivants : Solal Bouloudnine, Alexandra Castellon, Nailia Harzoune, Yohann Pisiou, Samuel Réhault, Lyn Thibault, Olivier Veillon, tous heureux de travailler ensemble. Notons que le jeudi 14 novembre à l’issue de la représentation une rencontre sera organisée autour du spectacle. Rendez-vous artistique, et humain de grande ampleur en fait….
Jean-Rémi BARLAND

«Des Territoires»…de Baptiste Amann. Troisième volet « …Et tout sera pardonné ? » à voir à Marseille – Le Zef – Scène Nationale de Marseille – À cour – Site du Merlan – Théâtre – Les 14 et 15 novembre à 20h30. Entrée de 5 à 15 €. Durée 2h30. Réservations au 04 91 11 19 20 ou lezef.org/fr/ – Baptiste Amann poursuit sa route à La Garance, scène nationale de Cavaillon, le 19 novembre.

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