OIP : un monde de l’immobilier pas si serein pour 2019

Publié le 17 avril 2019 à  10h52 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  23h39

Il vient de souffler 25 bougies mais malheureusement, ce nouvel anniversaire ne rime pas avec optimisme. L’Observatoire de l’immobilier de Provence et ses acteurs, en effet, ne cachent pas leur inquiétude quant à la conjoncture pour l’année 2019. En cause, textes juridiques et réglementations pouvant causer de sérieux coups de frein au secteur.

Les membres de l'OIP réunis pour présenter à la fois la conjoncture 2018 et les perspectives 2019 (Photo Carole Payrau)
Les membres de l’OIP réunis pour présenter à la fois la conjoncture 2018 et les perspectives 2019 (Photo Carole Payrau)

25 printemps déjà, et une vocation qui prouve son utilité plus que jamais sur le territoire: conçu comme un outil de cohésion interprofessionnel, l’Observatoire de l’immobilier de Provence, mieux connu sous l’acronyme OIP a tiré sa valeur ajoutée de ce croisement d’éléments statistiques émanant de plusieurs fédérations professionnelles [[Fédérations professionnelles membres de l’OIP : Adil 13, Agam, AR HLM Paca & Corse, Aupa, CCIMP, CFF, Chambre des Notaires des BdR, Chambre des Notaires du Var, CPA, Établissement Public Euroméditerranée, FBTP 13, FBTP 83, FNAIM 13, FNAIM Var, FPI Provence, MPM, Union des Maisons Françaises Paca, Unis Marseille Provence et Corse..]] «D’autres observatoires ont ensuite émergé ailleurs en France, mais nous avons été précurseur. C’est plus souvent le cas qu’on ne le penserait sur Marseille-Provence, puisque par exemple, nous comptons ici même la plus ancienne Chambre de commerce et d’industrie», rappelle Philippe Deveau, actuel président de l’OIP. Un croisement de données nécessaires à l’appréhension de l’évolution de ces secteurs, ainsi que de la conjoncture à venir… Et en la matière, les professions gravitant autour de l’immobilier ne cachent pas leurs inquiétudes, évoque encore Philippe Deveau, mettant l’accent sur «de gros freins actuels, pour l’activité de promotion et de construction. En 2017, ont été votées des lois qui ont modifié beaucoup de choses. Il y a par exemple les APL, revues à la baisse… des obligations de réglementation contraignantes, notamment sur le thermique. Tout cela a fait perdre une grosse capacité d’investissement aux acteurs du logement en 2018». Alors certes, l’année 2017 avait été exceptionnellement bonne en matière de promotion-construction, et il était difficile de se maintenir au même stade. «Et 2018 demeure une bonne année… mais malgré tout bien en dessous de la précédente. Et puis, on observe des disparités importantes». Lesquelles ?

Deuxième coup de frein ?

Philippe Deveau, président de l’OIP, a formulé ses inquiétudes liées à la conjoncture 2019 (Photo Carole Payrau)
Philippe Deveau, président de l’OIP, a formulé ses inquiétudes liées à la conjoncture 2019 (Photo Carole Payrau)

«Le nombre de construction de maisons individuelles a par exemple baissé avec la réduction du prêt à taux zéro (l’APL accession a de même été supprimée en janvier 2018, NDLR) mais pas autant qu’ailleurs. On observe une chute de 3% sur le territoire, versus 10 au national. Mais il faut pondérer cela en disant que le taux de régulation est aussi plus petit qu’ailleurs, puisque 1,2 habitant construit une maison ici contre 4 sur le reste de l’Hexagone. On est dans un Département où on est à la peine, en grande partie à cause du coût du foncier, peu disponible. A Nice, on est carrément à 0,7 en termes de taux de régulation… en 2016, 16 000 maisons ont été construites sur le territoire, contre seulement 9 000 en 2018». Ainsi selon Philippe Deveau, de façon global, le meilleur n’est pas forcément à venir pour les professionnels gravitant autour de l’immobilier. «On a une année 2019 qui démarre très fort, avec des chantiers partout. Mais un deuxième coup de frein s’annonce». En cause, quelques uppercuts portés par la loi de finances 2019. Parmi ces derniers, le rabotage du Crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), la fin de la niche fiscale sur le gazole, ou encore, la rigueur toujours plus grandissante imposée par Bercy aux collectivités en matière de gestion, qui joue forcément sur le volume de la commande publique. Le monde de la construction avait par ailleurs été pénalisé par une demande moins forte en termes de logements sociaux. On observait déjà en 2018 une baisse de 23% quant aux logements locatifs sociaux agréés dans les Bouches-du-Rhône»… et le mouvement risque de perdurer. La commande moins forte, émanant des bailleurs sociaux et découlant d’une réorganisation puisque que de nombreux organismes se regroupent et poursuivront dans cette voie conformément à la loi Elan, n’est pas étrangère à ce phénomène. A tous ces méfaits d’ordre conjoncturel, on ajoute aussi des entraves plus structurelles : «Au niveau administratif par exemple, il faut toujours beaucoup de temps pour obtenir un permis de construire». Et tout cela, mis bout à bout, pèse sur les carnets de commande. «Il faudrait un an de stock pour être serein, il n’y a qu’un trimestre. La part des petits investisseurs a notamment très fortement fondu».

Des réglementations trop contraignantes

Le marché de l’ancien qui enregistrait pourtant un niveau correct en 2018, commence lui aussi à se désagréger, et pour cause : «C’est l’effet Gilets Jaunes. Quand vous ne savez pas ce qui se passe, vous bloquez les décisions… Les éventuels acquéreurs s’interrogent sur leur pouvoir d’achat. D’autant qu’il y a aussi le prélèvement à la source, dont on n’a pas encore mesuré tous les impacts». Le locatif n’est pas mieux loti, avec une faible mobilité et une hausse importante des loyers. «Et puis, avec Airbnb, on observe une transformation de la philosophie des propriétaires mettant leur bien à louer, préférant le caractère moins contraignant du collaboratif et du temporaire. Or c’est dangereux : cela fragilise le tissu local. Par exemple, on ne trouve plus de biens à louer à l’année aux abords du Vieux-Port. Il devient de plus en plus difficile de se loger quand on est résident permanent». Ainsi, les baromètres de l’OIP permettent incontestablement de cerner les mutations du marché, à l’éclairage des nouvelles tendances sociétales. Encore qu’il ne soit pas toujours simple de faire de la prospective, illustre Philippe Deveau. C’est notamment le cas dans le domaine de l’architecture. Car s’il est bien loin derrière, le temps où la préférence des habitants allait à des chambres spacieuses, au détriment de la pièce de vie, la tendance à proposer des grands volumes semble tout autant en train de passer. «Comment va évoluer la configuration des logements ? On ne sait pas. Parce que les réglementations changent aussi… Paradoxalement, nous demandons de la simplification. Actuellement par exemple, tous les logements sont handicapables. Sauf que tout le monde n’est pas handicapé… Et cela joue sur le coût de la construction. Avec les réglementations, le coût d’un logement a augmenté de 25 à 30K€ en dix ans. Ces 30 000 euros supplémentaires font que l’on réduit les surfaces pour que les gens gardent les moyens d’acheter. Donc, pour que le prix reste accessible, on supprime des mètres carrés». Ce que déplore Philippe Deveau : «Il vaudrait mieux redonner du confort aux gens là où ils peuvent l’attendre, c’est-à-dire de la surface dans les chambres et les pièces de vie».

Marseille’s 25 years challenge ?

Enfin, il y a les problématiques d’ordre plus locales. Celle du quartier de la rue d’Aubagne, par exemple, sur lequel pèsent encore de nombreuses interrogations, quant à son devenir. «Que va-t-il se passer», soulève Philippe Deveau, partie prenante pour l’OIP des Assises citoyennes de l’habitat impulsées par la Métropole Aix-Marseille Provence. Et souhaitant «que l’on aille plus loin dans la mise en place d’outils», évoquant notamment le permis de louer et le contrôle technique des logements. Pour autant, le président ne tarit pas d’éloges sur la métamorphose que Marseille a connu «en termes de prix, elle était extrêmement basse dans le passé. Cela a beaucoup évolué et c’est une vraie victoire, cela montre qu’elle est plus attractive. Il y a 25 ans, au moment de l’aménagement du tunnel Prado Carénage, rien qui se construisait, rien ne se vendait. Il n’y avait pas un chantier, pas une opération. Aujourd’hui, une vraie transformation s’amorce, ponctuée par MP2013, l’effet TGV… » Reste à présent, conclut Philippe Deveau, à imaginer le futur, «trouver des points d’accès, des points d’ancrage pour la desserte via métro ou tram. Il faut imaginer de nouvelles façons de donner envie, pour que cette ville poursuive sa métamorphose». Des mutations de villes telles que celle de Tanger, comptant de vraies similitudes avec Marseille – notamment un port, des collines, un front de mer – pourraient prêter ici à inspiration.
Carole PAYRAU

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