On a vu à La Roque d’Anthéron: El Bacha…le grand !

Publié le 21 août 2015 à  18h34 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  19h54

Abdel Rahman El Bacha (Photo Samuel Cortès 06 08 2015)
Abdel Rahman El Bacha (Photo Samuel Cortès 06 08 2015)

Une soirée Beethoven à La Roque d’Anthéron sans y convier Abdel Rahman El Bacha? Inconcevable ! Artiste exemplaire ce pianiste incarne, en effet, l’interprète de ce compositeur dans ce qui se fait de mieux. Ou tout au moins parmi les plus remarquables, lui qui enregistra plusieurs fois l’intégrale des sonates pour piano de Beethoven, la dernière en date étant réalisée pour les éditions Mirare fondées par René Martin, directeur artistique du Festival de piano de La Roque. Il était donc là Abdel Rahman El Bacha succédant au clavier à Rémi Geniet, interprétant après l’entracte le concerto pour piano et orchestre n° 5, « l’Empereur » des concertos beethovéniens si souvent enregistré et dont la version avec Radu Lupu demeure parmi les plus belles avec notamment son deuxième mouvement à tomber par terre. On peut dire qu’Abdel Rahman El Bacha se différencie de ses confrères pianistes par une interprétation analytique des sonates de Beethoven ainsi à l’opposé d’un François-Frédéric Guy (lui aussi remarquable), s’éloignant aussi de la vision très germanique et un peu datée d’un Wilhelm Kempfe ou d’un Wilhelm Backhaus. Avec lui Beethoven devient un compositeur universel, à l’humanité confondante. Impression renouvelée avec son interprétation de ce Concerto n° 5, servi en cela par la direction d’orchestre impeccable bien que très sonore de Robert Trevino, chef américain à la tête du Sinfonia Varsovia. On est subjugués par la beauté de son final, par la manière dont Abdel Rahman El Bacha dépoussière la partition, pour faire éclater des gerbes de compassion. Curieux, toujours les sens en éveil, le pianiste travaille en profondeur les œuvres qu’il joue. Et fait montre d’une originalité réjouissante. Rappelons qu’Abdel Rahman El Bacha qui enregistra un «Gaspard de la nuit» de Maurice Ravel débarrassé de tout lyrisme décoratif fut le seul à ma connaissance à avoir proposé en CD une intégrale de Chopin enregistrée dans l’ordre chronologique de l’écriture des morceaux. C’est aussi pour cela qu’El Bacha est grand !
Jean-Rémi BARLAND

Articles similaires

Aller au contenu principal