On a vu à La Roque d’Anthéron : Trifonov, l’OVNI du piano dans un Liszt d’anthologie

Publié le 6 août 2015 à  23h29 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  19h31

Le pianiste Daniil Trifonov (Photo C. Grémiot - 05 août 2015)
Le pianiste Daniil Trifonov (Photo C. Grémiot – 05 août 2015)

Ralentir phénomène rare ! Ovni du piano même âgé de 24 ans et possédant tous les dons. Élève de Tatiana Zelikman à l’école de Musique Gnessine de Moscou, Daniil Trifonov impressionne par son toucher exceptionnel. Il n’émeut pas forcément, il s’adresse parfois plus à l’intelligence qu’au cœur, comme lors de son interprétation au pas de charge, ce mercredi, des Variations sur un thème de Corelli, opus 42 de son cher Rachmaninov. Rapidité d’exécution, puissance, efficacité, autant de qualités affichées déjà lors de l’enregistrement du Concerto n° 1 pour piano et orchestre de Tchaïkovski sous la direction de Valery Gergiev. On est assez scotchés devant tant de possibilités sous les doigts mais pas franchement convaincus par son sens poétique. Déjà dans la Sonate de sa composition donnée en début de programme on pouvait ressentir cela, d’autant plus que cette œuvre n’est guère novatrice. Après l’entracte, changement de décor ! Daniil Trifonov s’installe au piano pour donner sans s’arrêter les 12 études d’exécution transcendante de Franz Liszt. Une œuvre labyrinthique, gigantesque et épuisante à jouer. Rivé à son clavier, installant avec lui une sorte de combat, faisant rendre gorge aux touches du piano, suant à grosses gouttes, Trifonov relève le défi. Une partie du public qui n’en revient pas tente quelques applaudissements entre les études, vision vite coupée dans son élan par des «chuttttttttt !» réprobateurs et à l’écoute de ce qui se passe paraissent malgré les coutumes en vigueur franchement inappropriés. Ogre des gammes, admirable de justesse et d’intelligence, Trifonov se meut ici en magicien de la musique et en esthète. Il démontre avec tant d’éclats qu’il a réfléchi aux suggestions laissées par Liszt sur la partition, offrant une prestation lumineuse en forme d’exploit physique et intellectuelle. C’est beau, là pour le coup émouvant, et d’une splendeur sonore assez incroyable. Un Liszt d’anthologie pour une deuxième partie de concert. Une soirée à marquer d’une pierre blanche dans ce Festival de piano de la Roque qui a déjà connu tant d’exceptionnels moments musicaux.
Jean-Rémi BARLAND

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