On a vu à l’Opéra Grand Avignon : quand Léonardo Garcia Alarcón restitue la V.O. du « Requiem » de Mozart

Publié le 5 octobre 2014 à  23h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h22

A la tête du New Century Orchestra et du Chœur de chambre de Namur, Léonardo Garcia Alarcón créait ce « Requiem » en 2012 entre les murs chargés d’histoire d’Ambronay.(Photo CCR Ambronay - B. Pichene)
A la tête du New Century Orchestra et du Chœur de chambre de Namur, Léonardo Garcia Alarcón créait ce « Requiem » en 2012 entre les murs chargés d’histoire d’Ambronay.(Photo CCR Ambronay – B. Pichene)

Il est des œuvres auxquelles l’Histoire impose, dit-on, de ne pas toucher. Une forme d’autocensure un tantinet imbécile qui tente d’imposer le passé face à un présent novateur et érige quelques enregistrements en versions définitives. Le «Requiem» de Mozart en fait partie avec des références au disque longtemps restées incontournables. Une lecture très égocentrique de la partition et une interprétation parfois dégoulinante de romantisme et d’accents pompeux, à défaut d’être funèbres, les caractérisent. Depuis quelques années, le retour en grâce de la musique ancienne et la lumineuse résurrection du genre baroque autorise d’autres écoutes pour le public, d’autres lectures de ces œuvres. Et parmi ces dernières, celle du «Requiem» de Mozart effectuée par Léonardo Garcia Alarcón.
Il y a deux ans, à Ambronay, le jeune chef d’orchestre, créait l’événement en offrant aux mélomanes une interprétation de l’œuvre laissant de côté Sanctus, Benedictus et Agnus Dei composés postérieurement pas Süssmayr afin de compléter la messe des morts de Mozart. Trois pièces d’une esthétique différente que Léonardo Garcia Alarcón, à l’instar de prédécesseurs célèbres (Beyer et Maunder) ôte de son programme, tout en y insérant un Amen autographe de Mozart, exhumé en 1960. Ce «Requiem», ainsi que le concerto pour clarinette du même compositeur, en quelque sorte en Version Originale (VO), ont fait l’objet d’un enregistrement (label Ambronay) l’année dernière, et sont aujourd’hui les pièces maîtresses d’une tournée qui faisait escale, ce dernier week-end, à l’Opéra du Grand Avignon, pour ouvrir une nouvelle édition de Musique Baroque en Avignon.
L’occasion d’accueillir, dans une bonbonnière qui a fait le plein à deux reprises (samedi et dimanche), des artistes qui n’y avaient jamais joué. En tout premier lieu, le New Century Baroque, qui réunit, depuis trois ans, des musiciens venus de onze pays d’Europe. Soutenue par le Centre culturel de rencontre d’Ambronay cette formation travaille régulièrement sous la direction de Léonardo Garcia Alarcón avec lequel elle monte des projets d’importance. Ce travail autour de Mozart en est un. Avec le «Concerto pour clarinette», l’orchestre est lumineux à tous les pupitres. Il faut dire que le directeur musical n’a pas d’égal pour relever chaque nuance de la partition, pour mettre en valeur telle ou telle ornementation. Il en résulte un son d’une exceptionnelle pureté pour accompagner le soliste, Benjamin Dieltjens, et son instrument peu commun, la clarinette de basset, telle qu’elle existait du temps de Mozart. Cette dernière possède une grande amplitude, depuis de beaux aigus jusqu’à des basses très longues et profondes. Benjamin Dieltjen utilise à la perfection cette particularité. Il en résulte des solos très mélodieux, empreints de souplesse et de finesse, beaucoup moins secs que ceux livrés par une clarinette moderne. Un moment musical à la fois paisible et fascinant.
Pour le «Requiem», tous étaient rejoints par le Chœur de chambre de Namur, 23 voix qui, depuis trois ans, sont placées sous la direction artistique de Léonardo Garcia Alarcón. On comprend mieux, dès lors, l’adhésion de tous les instants des instrumentistes et des chanteurs à la lecture du chef. On a dit plus haut tout le bien que l’on pensait de l’orchestre, il en va de même pour le chœur. Avec simplicité, sans grand fracas de cuivres, sans ostentation pesante, le «Requiem» est donné avec profondeur et personnalité. Chaque partie arrive avec sa couleur, sa spiritualité. Du Dies Irae puissant et majestueux au Confutatis maledictis électrisant on frise la perfection. Sans oublier le quatuor de solistes, Joélle Harvey, Sophia Patsi, Valerio Contaldo et Josef Wagner qui, avec précision et luminosité, apportent leur pierre à l’édifice. Un édifice construit dans la paix de l’esprit mais aussi, avec une grande et belle énergie positive, par Léonardo Garcia Alarcón.
Un moment de spiritualité hors du temps, un moment musical hors du commun, une musique bien vivante, en version originale, qui a la qualité de ne pas être passée sous les fourches caudines et uniformisantes du romantisme et des ego de certains chefs d’orchestre. Dans sa fosse commune du cimetière Saint-Marx, à Vienne, Wolfi, s’il y est toujours, peut reposer en paix. D’autant plus que son Ave Verum Corpus donné en « bis » par les mêmes interprètes avait tout d’un aller simple pour le Paradis, samedi soir, à l’Opéra Grand Avignon.
Michel EGEA

Musique ancienne à Avignon

Le prochain concert de la manifestation aura lieu à Caumont-sur-Durance, Eglise Saint-Symphorien, le dimanche 23 novembre à 17 heures. Ce concert marquera l’ouverture des Nuits de l’Avent. Au programme, « Les Quatre saisons » de Charpentier. Direction musicale orgue/clavecin : Jérôme Corréas ; solistes Emmanuelle de Negri et Salomé Haller, soprani, Silvia de Maria, Viole de gambe, avec l’ensemble « Les Paladins ». Réservation obligatoire sur le site: Grand Avignon à partir du mercredi 12 novembre. Entrée libre.
Programme complet : Festival de musique ancienne

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