On a vu à l’Opéra de Marseille : délicieux caprices de Marianne

Publié le 31 janvier 2015 à  10h16 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h37

Marianne, Zuzana Markova, la duègne, Julien Bréan et  Octave, Philippe-Nicolas Martin, trois des artisans de la réussite de ces Caprices de Marianne. (Photo Christian Dresse)
Marianne, Zuzana Markova, la duègne, Julien Bréan et Octave, Philippe-Nicolas Martin, trois des artisans de la réussite de ces Caprices de Marianne. (Photo Christian Dresse)

Un opéra bouffe avec un ignoble valet qui se prénomme « Tibia » ne peut être que plaisant… C’est ce que je me suis dit pour me motiver à aller découvrir «Les Caprices de Marianne» de Henri Sauguet à l’Opéra de Marseille. De plus, cette œuvre, créée en juillet 1954 dans la cour de l’Archevêché au festival d’Aix-en-Provence avait donc obtenue la bénédiction de Gabriel Dussurget, le directeur dudit festival à l’époque, et ne pouvait être foncièrement détestable même si, depuis elle n’a guère été affichée par les maisons d’opéra. Enfin, je vous le révèle en confidence et en comptant sur votre discrétion : la présence au casting de Zuzana Markova m’a définitivement convaincu. Et alors ? Et alors ?? Et alors ???
Non rien de rien, non je ne regrette rien, ni la pluie qui tombait, ni les gens qui toussaient, je me suis régalé. Vous comprendrez que la rime m’impose ce « régalé » quelque peu trivial là où une réelle satisfaction intellectuelle aurait dû trouver sa place. Alors, hormis la grande, par la taille et le talent, soprano, quels sont les éléments de séduction de cette production réalisée sous l’égide du Centre Français de Promotion Lyrique et qui parcourt, avec deux jeunes distributions en alternance, une quinzaine de scènes lyriques en France et en Europe. D’abord il y a la mise en scène et les décors. Ici on travaille dans la finesse. Le metteur en scène, Oriol Tomas, a choisi de donner la primeur aux caractères des protagonistes, utilisant avec à-propos et retenue la période de carnaval napolitain où se situe l’action, pour ne pas contrarier la perception des sentiments des uns et des autres. Un travail superbe servi par le décor unique et spectaculaire de Patricia Ruel où la fontaine peut devenir baignoire et, un boudoir une place publique sans heurter, presque naturellement.
Ensuite il y a le texte, «la» qualité du texte du livret écrit par Jean-Pierre Grédy d’après la pièce d’Alfred de Musset. Grâce soit rendue à la distribution de cette première, jeudi soir, qui a mis un point d’honneur à honorer la langue française par un travail important sur la diction. Certes tout ne fut pas parfait à cent pour cent, la difficulté du chant oblige, mais il n’y avait nul besoin de lever la tête pour suivre le déroulé des paroles.
Enfin il y a le drame, alimenté par les ressorts éternels : l’amour impossible, la jalousie, la mort, le désir… « Je ne vous aime pas, Marianne, c’était Cœlio qui vous aimait » et Octave s’en va, pleurant la mort de son ami et laissant la belle Marianne à ses caprices… La partition de Sauguet épouse parfaitement l’action et le directeur musical, Claude Schnitzler, la dirige avec minutie et attention, à la tête d’un orchestre de l’Opéra qui sonne bien. Il est vrai que cette littérature convient tout à fait aux qualités de la phalange musicale.
Sur scène, c’est la première distribution qui joue et chante (elle est aussi à l’affiche ce samedi 31 janvier à 20 heures). Zuzana Markova incarne Marianne avec plus de délicatesse et de fragilité que d’espièglerie et d’inconstance. Vocalement il est difficile d’émettre quelque critique que ce soit, la soprano étant précise, puissante et possédant une ligne de chant idéale. Face à elle, chez les hommes, c’est l’Octave de Philippe-Nicolas Martin qui impose son timbre élégant, sans faille, et son jeu idéal dans l’incarnation du «dragueur» puis de l’ami qui s’humanise au fur et à mesure du développement de l’action.Une prestation superbe. Le Cœlio de Cyrille Dubois est tout de fragilité et de sensibilité; tout à fait le rôle. On l’aurait aimé un peu plus percutant vocalement. A leurs côtés, le reste de la distribution est très homogène et de qualité. Avec une mention pour le mari jaloux, Claudio, incarné par Thomas Dear et la duègne de Julien Bréan. Au final, cette production des «Caprices de Marianne» est une madeleine délicieuse à déguster avec délectation.
Michel EGEA
Pratique. Représentations samedi 31 janvier à 20 heures et dimanche 1er février à 14 h 30. Réservations: 04 91 55 1& 10 – 04 91 55 20 43 et opera.marseille.fr

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