On a vu au Jeu de Paume d’Aix – Christoph Prégardien : transcendant dans les lieder de Schubert

Publié le 10 décembre 2014 à  13h14 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h30

Christoph Prégadien et Michael Gees (Photo Hermann et Clarchen Baus)
Christoph Prégadien et Michael Gees (Photo Hermann et Clarchen Baus)

«Devant le porche à la fontaine, est planté un tilleul ; J’ai rêvé de son ombre tant de rêves charmants». C’est par ce «Der Lindenbaum», un des lieder les plus célèbres de Schubert tiré du «Winterreise» («Voyage d’hiver») que Christoph Prégardien a conclu son magnifique récital donné ce mardi au Jeu de Paume d’Aix. Dans ce poème, écrit par Wilhelm Müller (1794-1827), il est question plus loin d’errance. «Longtemps j’ai dû marcher dans la profonde nuit, et j’ai dans les ténèbres, encore fermé les yeux» peut-on entendre comme dans une plainte. Ces quelques mots résument à eux seuls l’ambiance générale des lieder que le ténor allemand a choisis d’interpréter pour construire ce beau moment artistique. Ne s’appuyant pas du tout, à l’exception du rappel sur le «Winterreise» (qu’il a enregistré avec Andreas Staier et Sylvain Cambreling), Christoph Prégardien a privilégié cependant l’image du voyageur ce «Wanderer» («Vagabond») qui s’impose comme la figure essentielle du lied schubertien. Et tout au long de la soirée a fait resurgir sa silhouette d’éternel déraciné. Intensité de la voix, sobriété des gestes, intelligence du chant, Christoph Prégardien, au sommet de son art, a enchaîné les morceaux en donnant l’impression d’une grande unité entre eux. Superbe dans les quelques extraits du «Erlkönig» («Le roi des Aulnes») notamment avec «Auf der Bruck», ouvrant la deuxième partie du récital, particulièrement émouvant dans le «Nacht und Träume», ce lied qui plait tant aux artistes classiques (le pianiste Alexandre Tharaud et le violoncelliste Jean-Guihen Queyras aimant le donner en rappel lors de leurs concerts joués ensemble). Mais si on doit saluer la performance de Christoph Prégardien qui n’est pas sans rappeler dans l’esprit la manière dont Dietrich Fischer-Dieskau ou Ian Bostridge abordèrent les lieder de Scubert, il convient de mettre en exergue le remarquable travail au piano de Michael Gees. Ce dernier, en totale osmose avec le chanteur, ne surjoue jamais, n’écrase pas la voix du ténor, n’est jamais en retrait cependant et ajoute au concert un supplément d’âme, par une vision de coloriste qui ne fait jamais de la paraphrase. Les deux artistes qui ont l’habitude de travailler ensemble offrent au final un éblouissant moment de grâce formelle, de profondeur sonore. Un miracle de poésie !
Jean-Rémi BARLAND

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