Publié le 8 avril 2013 à  6h00 - DerniÚre mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h10
LâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e relancĂ©e Ă Marseille
Pour la premiĂšre depuis 2008, le plus haut niveau parlementaire de lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e a adoptĂ© une dĂ©claration commune qui fait appel Ă la mise en Ćuvre de liens renforcĂ©s entre les pays de lâUnion europĂ©enne et ceux de lâautre rive de la MĂ©diterranĂ©e. Ce signal fort, qui se veut aussi un message dâespoir pour la jeunesse, place la dĂ©mocratie comme la base de la coopĂ©ration euro-mĂ©diterranĂ©enne.
« Un Ă©norme succĂšs » : tels ont Ă©tĂ© les premiers mots de Martin Schulz, prĂ©sident du Parlement europĂ©en, ce dimanche 7 avril Ă la mi-journĂ©e, pour qualifier la rĂ©union des 42 prĂ©sidents et vice-prĂ©sidents des parlements nationaux et europĂ©en qui venait de sâachever Ă la Villa MĂ©diterranĂ©e Ă Marseille. « Pour la premiĂšre fois depuis 2008 Ă son plus haut niveau, lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e a adoptĂ© une dĂ©claration qui fait appel Ă plus dâactions entre les pays de lâUnion europĂ©enne et les pays de lâautre rive de la MĂ©diterranĂ©e. Nous avons actĂ© la volontĂ© dâapprofondir les liens entre les pays de lâUnion europĂ©enne et les pays de la MĂ©diterranĂ©e », souligne Martin Schulz au sujet de ce premier sommet des prĂ©sidents des parlements nationaux de lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e qui sâest tenu dans le cadre des confĂ©rences de la sociĂ©tĂ© civile organisĂ©es par la Fondation Anna Lindh, quelques jours aprĂšs le Forum des autoritĂ©s locales et rĂ©gionales de la MĂ©diterranĂ©e organisĂ© par le conseil rĂ©gional Provence-Alpes-CĂŽte dâAzur (PACA). Son prĂ©sident, Michel Vauzelle, partage dâailleurs le mĂȘme enthousiasme que le prĂ©sident du Parlement europĂ©en. « En inaugurant la Villa MĂ©diterranĂ©e, je nâosais espĂ©rer quâelle puisse marquer un signe aussi fort dâun renouveau dĂ©mocratique au Nord comme au Sud de la MĂ©diterranĂ©e. Cette journĂ©e place Marseille, notre RĂ©gion et ses habitants au cĆur dâun nouvel espoir pour lâavenir », se rĂ©jouit-il.
Aux yeux de Martin Schulz Ă©galement, « câest un signal fort ». « Il y a eu des temps oĂč on est venu ensemble entre reprĂ©sentants dĂ©mocratiquement Ă©lus et des dictateurs. Aujourdâhui, câest la rencontre des prĂ©sidents de parlement librement Ă©lus. Et ils ont actĂ© le message que la dĂ©mocratie est la base de la coopĂ©ration euro-mĂ©diterranĂ©enne entre les deux rives de la MĂ©diterranĂ©e. Câest un Ă©norme message, on ne peut quâen ĂȘtre fier », se fĂ©licite le prĂ©sident du Parlement europĂ©en. Intervenant le matin mĂȘme pour prĂ©senter la dĂ©claration finale adoptĂ©e jeudi 4 avril, dĂ©jĂ Ă la Villa MĂ©diterranĂ©e, par les autoritĂ©s rĂ©gionales et locales de la MĂ©diterranĂ©e, Michel Vauzelle avait dâailleurs appelĂ© les prĂ©sidents de parlement Ă porter « un message dâespoir et de dĂ©mocratie » Ă lâheure « oĂč la MĂ©diterranĂ©e est assiĂ©gĂ©e par les crises ». « Câest nous qui construisons sans attendre la MĂ©diterranĂ©e des peuples. Au Printemps arabe rĂ©pondra un Printemps europĂ©en. A partir de ce jour, crĂ©ons ensemble le Printemps des peuples de la MĂ©diterranĂ©e. Une autre MĂ©diterranĂ©e est possible. Messieurs les prĂ©sidents, vous le prouvez aujourdâhui », avait-il plaidĂ©.
« Câest un appel aux gouvernements pour agir »
Un appel qui a Ă©tĂ© entendu puisque les 42 prĂ©sidents de parlement ont adoptĂ© Ă lâunanimitĂ© leur dĂ©claration finale. Elle constitue un appel fort aux Etats pour « dĂ©passer les clivages trop nombreux qui brouillent lâappel des peuples et constituent depuis de nombreuses annĂ©es des freins Ă la paix et Ă la prospĂ©ritĂ© ». « Les parlements europĂ©ens sont lĂ pour mettre le cadre de lâaction. AprĂšs câest aux exĂ©cutifs dâagir. Câest un appel aux gouvernements pour agir », insiste Martin Schulz. Et le prĂ©sident du parlement europĂ©en, Ă©galement prĂ©sident en exercice de lâassemblĂ©e parlementaire de lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e, de souligner que « cet essai de relance des actions » est un appel « aux structures existantes ». « Nous nâavons pas besoin dâune structure de plus », juge-t-il.
Martin Schulz Ă©carte aussi lâidĂ©e que la rĂ©solution du conflit israĂ©lo-palestinien devrait constituer un prĂ©alable Ă toute forme de coopĂ©ration euro-mĂ©diterranĂ©enne. « Aujourdâhui, les prĂ©sidents de parlement se sont penchĂ©s sur les points sur lesquels nous pouvions trouver des accords : ce nâest pas le cas du conflit israĂ©lo-palestinien. La semaine prochaine, un dĂ©bat gĂ©nĂ©ral aura lieu sur cette question dans lâassemble parlementaire de lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e : ce sera le premier point sur cette question », justifie-t-il.
Câest donc dans ce cadre que les 42 prĂ©sidents de parlement rĂ©unis Ă Marseille ont tracĂ© les contours de ce renouveau politique de lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e qui peut, selon eux, sâappuyer sur trois dimensions. Il sâagit tout dâabord du maintien des efforts financiers pour accompagner les Printemps arabes suite aux promesses faites par les Etats et les institutions internationales Ă Deauville en 2011. Ils estiment quâil faut Ă©galement remettre la question des Ă©changes Ă©conomiques et humains dans lâensemble euro-mĂ©diterranĂ©en au centre des prĂ©occupations, loin des seules logiques sĂ©curitaires et en prenant notamment en compte les enjeux de la mondialisation. Enfin, ils placent lâaccompagnement des transitions dĂ©mocratiques comme lâenjeu majeur de ces prochaines annĂ©es.
AmĂ©liorer « la visibilitĂ© du cadre de de coopĂ©ration de lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e »
Des prioritĂ©s politiques qui sâincarnent dans les 10 points de la dĂ©claration finale. Elle appelle notamment à « mettre Ă profit » le « vivier dâidĂ©es » que constituent les citoyens rĂ©unis sous lâĂ©gide de la Fondation Annah Lindh et Ă amĂ©liorer « la visibilitĂ© du cadre de coopĂ©ration de lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e ». Ce qui passe par la poursuite des efforts du secrĂ©tariat de lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e « visant Ă crĂ©er des synergies avec les autoritĂ©s publiques, les institutions financiĂšres et le secteur privĂ©, en particulier afin dâidentifier de nouvelles initiatives et de mobiliser les ressources nĂ©cessaires au financement de projets de lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e ». La dĂ©claration estime Ă©galement « prioritaire la crĂ©ation dâun espace euro-mĂ©diterranĂ©en de la formation professionnelle, de lâenseignement supĂ©rieur de la science et de la recherche ». Elle appelle Ă cet Ă©gard à « accroĂźtre le soutien structurel en faveur de la consolidation de lâUniversitĂ© euro-mĂ©diterranĂ©enne et de la mise en Ćuvre de ses programmes dâenseignement supĂ©rieur qui sont dans lâesprit des initiatives de lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e ».
Enfin, cette dĂ©claration commune affirme que « les conflits non rĂ©solus dans la rĂ©gion ne doivent en aucun cas continuer Ă servir de prĂ©texte pour retarder les progrĂšs tangibles des projets de lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e quâattendent les citoyens », tout en appelant « toutes les parties prenantes, dont lâUnion europĂ©enne et la Ligue des Etats arabes, Ă prendre leurs responsabilitĂ©s pour impulser une reprise des nĂ©gociations au Proche-Orient ». Les Etats membres de lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e et les institutions partenaires sont aussi appelĂ©s Ă Ćuvrer « Ă la promotion de la paix, de la stabilitĂ© et de la sĂ©curitĂ© dans la rĂ©gion sahĂ©lo-saharienne et Ă la mise en Ćuvre de programmes de codĂ©veloppement et de mise Ă niveau Ă©conomique et sociale des pays de cette rĂ©gion », estimant quâ« une coopĂ©ration effective et une approche collective (âŠ) sont nĂ©cessaires pour Ă©radiquer le terrorisme et ses connexions avec le crime organisĂ© transfrontalier ».
Une prise de conscience « quâil faut agir » au Nord et Ă lâEst de lâEurope
Martin Schulz juge ainsi que « cette confĂ©rence est une chance pour relancer un projet sous-estimĂ© » au sein de lâUnion europĂ©enne. « Les projets de dĂ©veloppement Ă©conomiques, politiques, Ă©cologiques sont une chance pour crĂ©er une zone de coopĂ©ration Ă©conomique unique qui peut ĂȘtre un modĂšle pour le reste du monde », insiste-t-il. Et le prĂ©sident du parlement de lâUnion europĂ©enne de souligner Ă©galement la nĂ©cessitĂ© pour la rive Nord de se mobiliser sur ces questions. « Le vol aĂ©rien Marseille-Alger dure une heure, par bateau, il faut un jour pour sây rendre. Marseille-Buenos Aires par la mer, câest six jours. Dans le monde du XXI e siĂšcle, les pays de la rive Sud de la MĂ©diterranĂ©e sont des voisins porte Ă porte. Il ne faut pas rater la chance de la coopĂ©ration des deux cĂŽtĂ©s de la MĂ©diterranĂ©e », plaide-t-il.
Il reconnaĂźt quâil existe « un certain nombrilisme europĂ©en ». « Nous reprĂ©sentons aujourdâhui 8% de la population mondiale : 92% ne vivent pas en Europe. Mais les EuropĂ©ens croient que câest lâinverse : câest un grand malentendu », observe-t-il. Mais Ă en croire Martin Schulz, il est en passe dâĂȘtre dissipĂ©. « Le prĂ©sident du Bundestag a dĂ©fendu avec beaucoup de vigueur le fait dâĂ©mettre la dĂ©claration commune. Les prĂ©sidents des parlements polonais, letton, lituanien, danois, suĂ©dois ont aussi pris la parole pour soutenir la dĂ©claration commune. En cinq ans, Ă lâEst et au Nord de lâEurope, il y a eu une meilleure comprĂ©hension du fait quâil faut agir », se fĂ©licite-t-il rĂ©solument optimiste pour que cette dĂ©claration ne reste pas lettre morte.
Le prĂ©sident du parlement europĂ©en insiste aussi sur la portĂ©e de ce qui sâest passĂ© Ă Marseille. « Nous, EuropĂ©ens et partenaires de la rive Sud, qui reprĂ©sentons 800 millions de citoyens, nous nous impliquons pour crĂ©er une zone politique Ă©conomique dans le monde qui puisse rĂ©soudre les problĂšmes du Sahel, des migrations en MĂ©diterranĂ©e, en Ćuvrant pour une agriculture durable et un dĂ©veloppement Ă©conomique et Ă©cologique qui Ă©vitent que les gens sortent en masse car il nây aucune activitĂ©. Cela doit amĂ©liorer la vie de cette rĂ©gion », explique-t-il.
« Je me sens responsable car si nous perdons la jeunesse, nous sommes perdus »
Il pointe aussi lâimportance du message dĂ©livrĂ© aux jeunes. « Ce qui se passe ici doit ĂȘtre la base du futur de notre jeunesse. Nos jeunes ont le sentiment dâĂȘtre perdus, de ne pas ĂȘtre pris au sĂ©rieux avec leurs propres rĂȘves, ce qui les mĂšne au dĂ©sespoir. Il faut prendre au sĂ©rieux ce que les jeunes ont dit : câest le plus important », martĂšle Martin Svhulz. Avant dâinsister : « Au-delĂ de la dĂ©claration, il faut transformer les mots en actions. Je me sens responsable car si nous perdons la jeunesse, nous sommes perdus. » Le prĂ©sident du parlement europĂ©en souligne aussi que si « des actions concrĂštes sont nĂ©cessaires », cela ne se fera pas sans moyens financiers. « De lâargent est nĂ©cessaire pour rĂ©aliser ces projets. Nous devons garantir lâaccĂšs aux crĂ©dits pour les PME. CrĂ©er plus dâemplois notamment pour les jeunes, est une nĂ©cessitĂ© », assĂšne-t-il.
Si le pĂšre allemand de deux enfants, un fils et une fille, qui Ă©tudient « sans difficultĂ© » Ă lâuniversitĂ© dans un pays oĂč « le chĂŽmage est bas mĂȘme pour les jeunes », est si touchĂ© par les prĂ©occupations de la jeunesse qui se sont exprimĂ©es durant cette « Semaine de la MĂ©diterranĂ©e », câest quâil considĂšre que la situation actuelle nâest « Ă long terme pas tenable Ă lâintĂ©rieur de lâUnion europĂ©enne ». « La rĂ©gion la plus riche doit assurer un Ă©quilibre pour quâil nây ait pas de sous-emploi en Espagne, au Portugal, en GrĂšce oĂč lâon a peut-ĂȘtre aujourdâhui la meilleure gĂ©nĂ©ration au plan Ă©ducatif quâont formĂ©e ces pays. Or, elle ne trouve pas dâemploi. Comment un jeune homme ou une jeune femme peut-il avoir confiance dans une sociĂ©tĂ© qui dit aux jeunes quâon nâa pas de place pour eux. Câest une prioritĂ© en Europe », plaide-t-il.
Et celui qui a consacrĂ© la Villa MĂ©diterranĂ©e comme « Centre international pour le dialogue et les Ă©changes en MĂ©diterranĂ©e », tout en saluant la qualitĂ© de lâorganisation de ce sommet assurĂ©e par le conseil rĂ©gional PACA, de conclure : « La meilleure façon de lutter contre les extrĂ©mismes, câest dâĆuvrer pour la justice sociale, lâemploi, une vie de dignitĂ©. Quand la sociĂ©tĂ© ne crĂ©e plus de cadre de dignitĂ©, ses citoyens perdent leur confiance et suivent ceux qui pourront ne pas ĂȘtre obligĂ©s de tenir leurs promesses. LâUnion europĂ©enne doit ĂȘtre lĂ pour crĂ©er plus de justice sociale et plus dâemplois. »
Serge PAYRAU