Paca: Consolider dès aujourd’hui l’industrie de demain…

Publié le 4 janvier 2018 à  12h30 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h46

Pour profiter pleinement de la reprise, l’industrie de Provence Alpes-Côte d’Azur doit relever plus d’un challenge: ceux de la communication, de l’innovation et de l’emploi. Une feuille de route largement évoquée lors du deuxième « Forum de l’industrie de demain » qui vient d’être organisé à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Marseille-Provence sous l’égide d’EDF.

(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)
Un pays en croissance, c’est tout d’abord une industrie solide, performante… et la France en a besoin. Cette conviction, c’est celle affichée par Pierre Dartout, nouveau préfet de région Paca, lors de la deuxième édition du Forum de l’industrie de demain organisé, dans l’enceinte de la CCIMP sous l’égide d’EDF. «C’est le secteur à même de créer le plus de valeur ajoutée. Prenons l’exemple de la Suède : elle a une industrie puissante, elle produit des richesses.» Mais retrouver un secteur secondaire qui performe, cela passe par la prise en compte de défis à prendre à bras le corps dès aujourd’hui. Retrouver de l’attractivité auprès des Français, remédier à la pénurie de main-d’œuvre, ne pas rater le virage de l’innovation sont perçus par les décideurs comme des priorités. Et c’est justement pour se hisser à la hauteur de ces enjeux que la Fabrique de l’avenir a été fondée à l’échelle nationale au printemps dernier. L’idée : permettre aux fédérations industrielles françaises de parler d’une même voix, porter l’avenir du secteur secondaire au cœur du débat alors que la reprise économique s’amorce. Histoire de ne pas louper le coche, faute d’image négative, alors même que les industries françaises cumulent les atouts. Et c’est bien là le paradoxe, énonce Jean-Luc Monteil, président du Medef Paca : «La société civile a le sentiment d’un mal-être par rapport à son industrie, alors que des efforts sont réalisés depuis 30 ans en termes d’exigences environnementales». C’est aussi l’avis de Magali Smets, directrice générale de l’Union des industries chimiques. «On se rend compte, lorsque l’on parle au politique, qu’il a un peu de mal à appréhender la portée de ces messages et reste cantonné dans une approche XIXe siècle. Pour lui, l’industrie c’est indissociable de la pollution chimique. Or, pour que la chimie redevienne la priorité du gouvernement, il faut que les politiques se rendent sur nos sites pédagogiques. De fait, ils vont découvrir les réglementations auxquelles nous nous soumettons, le fait que l’on est une industrie responsable.»

Décideurs économiques et collectivités locales à pied d’œuvre

En écho à cette initiative nationale, la démarche «Industries Méditerranée» a été impulsée l’été dernier. Là encore, le but est de «valoriser le rôle de l’industrie dans l’économie régionale, mettre en lumière les priorités de l’industrie auprès de l’ensemble des acteurs politiques et économiques, améliorer l’image de ce secteur sur le territoire et relever le défi de l’industrie de demain», décrit Gilles Carraz, président de cette nouvelle entité. Son objectif, c’est ni plus ni moins de représenter 20 % du PIB du territoire horizon 2030. Aux côtés des industriels locaux, la CCIMP entend également jouer un rôle dans l’initiation de cette industrie du futur, notamment «en soutenant les grands projets qui forgent l’activité industrielle du futur, en favorisant les réseaux au service du business quotidien de notre tissu industriel… », précise son président, Jean-Luc Chauvin. Le jeu en vaut la chandelle, au vu du potentiel du secteur secondaire à l’échelle de Paca : il représente en effet déjà «165 000 emplois directs, 400 000 emplois salariés directs et indirects, 15 milliards de valeur ajoutée et 31 % de l’emploi salarié privé», indique Renaud Muselier, le président de Région. Mais aussi, quelque 8 700 projets de recrutement par an. C’est justement en mariant croissance et industrie qu’il entend «gagner la bataille de l’emploi. Cela passera par la compétitivité de notre industrie. » Or booster cette dernière, c’est l’objet des douze Opérations d’intérêt régional (OIR) lancées par la collectivité autour des grandes filières du territoire, avec le dessein «d’obtenir des résultats à trois ans et une vision à 20 ans».

Une question de communication

Gagner cette bataille-là, c’est bien. Mais encore faut-il les pourvoir, ces emplois… car le problème de l’industrie se situe davantage au niveau de la demande que de l’offre, les PME et ETI éprouvant des difficultés à trouver de la main-d’œuvre. Pour autant, près de 80 % de personnes y officiant se déclarent heureuses d’avoir choisi ce secteur et le recommandent : il gagne donc à être connu… mais comment le promouvoir ? D’où la nécessité de rendre le monde industriel attractif. «Il faut faire comprendre que l’industrie a changé, que ce n’est plus celle du XIXe siècle. Il s’agit aujourd’hui d’énergies propres, de salaires plus élevés que la moyenne nationale, de formations plus pointues», explique Alexandre Saubot, président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie. Mais les décideurs du monde industriel convaincront d’autant plus quand ils démontreront leur entrée de plain-pied dans le monde de l’innovation. C’est déjà bien amorcé, puisque les grands groupes n’ont de cesse d’enclencher les politiques de modernisation en interne, qu’il s’agisse de solutions clients, de process, de communication interne, de contrôle qualité ou de cybersécurité. «La place du numérique est primordiale. Aujourd’hui, les techniciens de maintenance se promènent dans l’usine pour voir si tout est conforme en se servant d’une tablette. Demain, ils devront être capables d’acquérir des compétences en traitement de data, d’aller vers le prédictif. Nous sommes en train de réfléchir à des formations continues pour les salariés», appuie de son côté Magali Smets. Outre la formation en interne, les majors ont également recours à l’expertise des PMI/TPI, par définition plus flexibles et porteuses de solutions innovantes. Des partenariats propres à intégrer plus rapidement le monde du numérique et de l’IA. «La robotisation dans les métiers industriels participe à l’attractivité du secteur, grâce à elle, les projets recèlent davantage d’intérêt. Par ailleurs, leur coût de revient baisse, ce qui est facteur de relocalisation», observe encore Alexandre Saubot.

De la pédagogie pour conter l’industrie

Pour autant, Muriel Hautemulle, DRH du parc nucléaire et thermique EDF, n’entend pas renier le passé. Pour elle, exposer d’où l’on vient pour mieux définir où l’on va, c’est un discours qui peut faire mouche : «Même si nous n’en sommes plus aux process du XIXe, il faut raconter l’histoire, projeter l’industrie dans un avenir qui est le cœur de l’attractivité. On a des métiers qui ont du sens, qui produisent des choses concrètes et locales. Il faut faire valoir ce travail. » C’est également le positionnement de Magali Smets, qui entend démocratiser le rôle clé de sa branche spécifique : «Il n’y a pas d’industrie forte sans chimie forte, et non pas une chimie d’ailleurs mais des chimies. Elles se trouvent derrière tous les objets de notre quotidien. Smartphone, impression 3D, elle est nichée au cœur de ces innovations. Il s’agit d’une filière d’excellence, elle a la chance de bien se porter, avec des prévisions de croissance en volume de 3 % pour l’année à venir.» Cela n’empêche pas Muriel Hautemulle de prendre la mesure des évolutions à opérer, non seulement en termes de numérique, mais aussi de management : «Si on est très pyramidal, cala rebute les jeunes», observe-t-elle, évoquant la réalité d’un monde du salariat en pleine mutation. «L’approche est différente dans la façon de travailler, le collaboratif prend une place toujours plus grande. Les salariés veulent aujourd’hui être partie prenante d’un projet, et ne se satisfont plus d’être passifs», complète de son côté Pierre Grand-Dufay, président de la commission Économie et emploi de la région Paca.

La formation, un enjeu clé

Mais pour gagner cette bataille de l’emploi, il faut aussi «anticiper les nouveaux métiers et les besoins en compétences », avance encore Renaud Muselier. Or, le maillon qui suit, charnière s’il en est, c’est celui de la formation. Un autre enjeu dont le monde industriel est très conscient. «La réforme de la formation professionnelle est la plus importante du quinquennat. Elle doit savoir prendre en compte deux piliers, l’inspiration générale de l’individu, mais aussi les besoins en compétences et en qualification des entreprises. Il faut organiser le système de façon à donner des perspectives de carrière à tout le monde. L’ascenseur social est un peu arrêté, le meilleur moyen de lutter contre cette désespérance, c’est la formation. Pour ce faire, il faut mobiliser tout le monde économique», reprend Alexandre Saubot. Cela sous-entend de passer outre «le conservatisme et les luttes de pouvoir, notamment pour définir qui va gérer la taxe d’apprentissage. Ne nous trompons pas de combat.» Car, selon le président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie, le politique a une énorme responsabilité quant à l’éducation nationale et à la formation professionnelle. Pierre Grand-Dufay abonde dans son sens : «C’est une réforme qui nous engage tous, on n’a pas encore trouvé le moyen d’inciter davantage les citoyens à se former. Or, les pays les plus formés affichent un moindre taux de chômage. Plus la population le sera, plus la croissance du territoire sera forte et le taux de chômage baissera. Aujourd’hui, à l’échelle de Paca, 80 % des chômeurs n’ont pas le bac. Il faut davantage d’efficience», martèle le président de la commission Économie et emploi de la région Paca. Mais, «accompagner les salariés vers ces nouveaux métiers», comme le préconise Pierre Dartout, cela présuppose enfin bien d’autres impératifs à prendre en compte pour faciliter leur quotidien. Des logements de qualité, proches du travail, ou à défaut des infrastructures de transport performantes à l’échelle d’Aix-Marseille Provence font également partie des chantiers à mettre (enfin) en route. En termes d’habitat, le nouveau préfet évoque le rôle à jouer de l’État, le lien de cause à effet évident entre conduite d’actions spécifiques et efficacité économique. Enfin, sur la question des déplacements, la Métropole, qui a défini sa feuille de route, attend toujours que les fonds abondent de Paris… Plus de 3,5 milliards d’euros pour mettre en place l’ensemble du projet métropolitain. Et s’ils continuent de se faire désirer ?
Carole PAYRAU

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