Parlons sciences: Le boson et le citoyen, une merveilleuse histoire de l’Univers

Publié le 23 avril 2015 à  20h50 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h49

Une vue du LHC grâce auquel  le boson BEH a été découvert (Photo D.R.)
Une vue du LHC grâce auquel le boson BEH a été découvert (Photo D.R.)

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? La question du «pourquoi» revêt une dimension naïve. Cependant, cette question peut revêtir une autre signification, à savoir, la question de la cause. Ainsi, la question prend une tout autre tournure et peut s’exprimer ainsi : «A quoi cela tient-il ?»
D’où venons-nous ? Le scénario que nous proposent les scientifiques sur l’apparition de l’univers et de son évolution est proprement stupéfiant. Il dépasse de loin toute imagination. Il en est ainsi du «vide». En mécanique quantique (qui étudie la physique des particules), le vide n’est pas synonyme de néant. Il est rempli de particules virtuelles, qui disparaissent et apparaissent dans des temps extrêmement brefs. Le vide est rempli d’énergie. Or, Einstein a montré, avec son équation E = MC2 (énergie = masse x par le carré de la vitesse de la lumière) l’équivalence entre la masse et l’énergie. En empruntant de l’énergie au vide, des particules peuvent apparaître.
Mais, la question que se sont posés des générations de physiciens est la suivante. Pourquoi certaines particules sont-elles massives et d’autres de masse nulle (comme la particule de lumière, le photon). Ainsi, des fluctuations du vide auraient provoqué des brisures de symétrie, et l’apparition de particules dotées de masse.
Il fallait donc trouver un mécanisme susceptible d’expliquer l’apparition de particules massives.
Ce mécanisme fut imaginé en 1964 par trois physiciens, Robert Brout, François Englert et Peter Higgs. La particule associée à ce mécanisme fut dénommée le «boson de Higgs» ou boson BEH suivant l’initiale des trois physiciens.
En physique, comme en d’autres domaines (philosophie, anthropologie, mais ceci mériterait d’autres développements), on en est venu à considérer que les rapports entre les objets étaient plus importants que les caractéristiques propres aux objets, autrement dit ce qui compte pour comprendre des aspects de la réalité, ce ne sont pas les «choses» mais les rapports entre elles. Pour caractériser une particule, le plus important est de voir comment elle réagit avec son milieu plutôt que de la caractériser par des propriétés telles que la masse par exemple.
C’est pourquoi, la physique quantique nous explique que la plus petite quantité de matière n’est pas caractérisée par une particule mais par un «quantum d’action». Et c’est la raison pour laquelle les physiciens essaient de donner une explication de l’univers non par les propriétés des particules qu’ils ont découvertes mais par les forces auxquelles appartiennent ces particules. C’est ainsi que l’on explique que l’univers est régi par quatre forces fondamentales, deux nucléaires (faible et forte, responsables de la radioactivité et de la constitution de noyaux d’atomes), la force électromagnétique, responsable de la constitution entre autres d’atomes et la force gravitationnelle qui nous permet de rester stables sur terre sans nous perdre dans les espaces lointains de l’univers.
Un champ quantique constitue le milieu dans lequel la particule évolue.
La question, rappelons le, était de comprendre les raisons pour lesquelles telles particules possédaient une masse et d’autres non. La recherche du boson BEH a pris de nombreuses années.
Le 4 juillet 2012, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (autrefois Conseil européen pour la recherche nucléaire, CERN), installé à la frontière franco-suisse, près de Genève, annonçait qu’une expérience menée par 3 000 chercheurs de diverses nationalités avait permis de découvrir le fameux boson grâce à des collisions de particules produites à grande vitesse dans l’accélérateur de particules , le LHC (Large Hadron Collider).
Les collusions de particules à grande vitesse produisent des énergies telles que de nouvelles particules se produisent, à l’instar des premiers instants de l’Univers où les températures atteignaient un tel niveau que des particules à haute énergie pouvaient apparaître. Ainsi, dans ces accélérateurs de particules, on reproduit l’univers des premiers instants.
Revenons à nos moutons, ou plutôt, à notre champ. Le champ constitue donc le milieu dans lequel évoluent les particules. Or, selon les interactions des particules avec ce milieu, elles se doteront ou non d’une masse. Pour illustrer ce mécanisme prenons un exemple. Imaginons une réception à laquelle participent de nombreux convives.
L’un d’entre eux se trouve à l’extrémité de la pièce et doit la parcourir entièrement pour se servir une collation. Si cet invité est inconnu d’une grande partie de l’assistance, il effectuera le trajet d’un pas rapide et il lui faudra quelques secondes pour effectuer sa traversée et ainsi épancher sa soif. Il évoluera dans un milieu fluide, aérien qui lui laissera toute liberté de mouvement.
Imaginons à présent qu’une personnalité, un «people» effectue le même trajet. A chaque pas, il sera interpellé, on viendra lui serrer la main, bavarder avec lui. Il lui faudra un temps assez long pour effectuer la traversée de la salle. On aura ainsi l’impression qu’il évolue dans un milieu dense, épais comme une sorte de mélasse visqueuse au sein de laquelle il est difficile d’évoluer. Son pas sera ralenti, sa démarche d’autant plus lourde. Cette comparaison nous montre que c’est la manière dont une particule réagit avec son milieu qui va déterminer si celle-ci possède ou non une masse. Or, sans apparition de particules massives, l’univers n’aurait pu avoir sa physionomie actuelle. Pas de matière, pas de gravité. Il n’y aurait pas eu formation de masses gazeuses, qui, sous l’effet de la gravité, s’effondrent, s’échauffent, provoquant ainsi les réactions nucléaires à l’origine des étoiles. Sans étoiles, pas de création d’éléments chimiques indispensables à la vie, et sans la vie, pas de conscience.
D’où venons-nous ? La réponse pourrait bien être : «de fluctuations du vide quantique». La réalité dépasse la fiction. Un vrai conte de fée susceptible de nous émerveiller. On est bien obligé, devant ce spectacle de la nature, de s’exclamer : «Que c’est beau !».
Et cette merveilleuse histoire, nous la devons à de multiples recherches, à des milliers de scientifiques, de techniciens, originaires des quatre coins de la terre, qui ont décidé, afin de faire fructifier la recherche, de travailler de façon solidaire.
De partager les informations sans rétention, sans opacité, sans l’appât du gain.
Le partage des connaissances, dans la transparence, voilà le secret de la réussite. Car la connaissance est un bien commun et comme tous les biens communs, elle s’accroît au fur et à mesure qu’on la partage.
La connaissance est une richesse qui nous fait grandir en humanité, dans l’élaboration de projets qui rassemblent les êtres humains par delà les frontières.
La connaissance fait de chaque femme, de chaque homme, un(e) citoyen(ne) du monde.
Henri GÉNARD

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