Plénière du département des Bouches-du-Rhône : quand la fusion métropolitaine obscurcit l’horizon budgétaire

Publié le 24 octobre 2018 à  9h49 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  19h08

Incertitude, le mot est revenu lors du débat d’orientations budgétaires de la plénière du département des Bouches-du-Rhône comme un leitmotiv… C’est vrai, l’équation de l’avenir de la collectivité comporte plus d’une inconnue. Face aux inquiétudes des élus d’opposition, Martine Vassal a fait montre d’une volonté de cohérence avec l’autre collectivité dont elle a à présent la charge, la métropole Aix-Marseille Provence. Pour ce faire, 300 millions d’euros supplémentaires sur trois ans ont été alloués à la Métropole.

(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)
Il a cristallisé les inquiétudes des conseillers départementaux d’opposition. En effet, le débat d’orientations budgétaires, à l’ordre du jour de la dernière plénière du Vaisseau bleu, a rappelé à ces derniers comme un boomerang le contexte, pétri d’incertitudes, lié à l’avenir de la collectivité. Bien sûr, en termes budgétaires, il n’y a pas péril en la demeure, loin s’en faut. Didier Réault, vice-président délégué aux finances, est ainsi revenu sur «une situation solide, une épargne brute d’un montant de 250 M€, une bonne tenue des ressources fiscales, une capacité à s’autofinancer et à convaincre les banquiers, ce qui permet de conduire des politiques d’investissements». Le département atteint ainsi un niveau d’endettement «de l’ordre de 425 euros par an et par habitant, ce qui est un bon quota». Ainsi, forte de ce constat, la collectivité a décidé d’allouer «300 millions d’euros supplémentaires sur les trois ans à venir aux investissements de la Métropole, notamment sur des sujets telle que la mobilité, précise Didier Réault. C’est un énorme effort pour une collectivité, un effort ambitieux. Dès l’arrivée de Martine Vassal à la Métropole, il a été question de convergence. Nous anticipons ainsi la volonté du gouvernement sur la structuration du territoire. Il y a donc, consécutivement, un travail à mener sur la sécurisation de nos budgets. Nous avons beaucoup travaillé pour trouver des solutions qui permettent d’assurer ce financement sur les trois ans à venir.»

De l’avenir d’une fusion non désirée

Et c’est justement l’évocation de la Métropole qui, semble-t-il, titille la corde sensible chez les conseillers d’opposition. Ainsi, tout en reconnaissant que «malgré les mauvais coups de l’État passés, en cours et surtout à venir, notre situation est saine et nos marges de manœuvre bien réelles», le communiste Gérard Frau n’en dégaine pas moins quelques objections. Ainsi cette belle situation budgétaire devrait permettre selon lui «d’être plus ambitieux dans la réponse aux plus démunis, à ceux qui souffrent dans un pays qui compte 9 millions de pauvres, de renforcer les actions d’insertion, de relever le niveau de l’Allocation personnalisée d’autonomie, qui reste au-dessous des 20 euros, d’aider les associations». Mais pour Didier Réault, «il faut avoir une vraie stratégie. Nous avons fait le choix d’aider les plus en difficultés. Or, la plus grande injustice quand on est en manque d’emploi, ce sont les problèmes de mobilité. Nous devons investir pour que les personnes puissent se rendre à leur travail. Nous privilégions par ailleurs le retour à l’emploi par la formation, les politiques d’insertion par l’emploi. Oui, c’est un choix, nous mettons de l’argent sur la capacité à revenir à l’emploi.» Mais, outre les choix politiques présents, c’est l’avenir qui inquiète Gérard Frau. Car pour ce dernier, on nage dans le flou artistique, à force d’incertitudes : «éventuelle fusion avec la métropole, présidente bicéphale… que d’ambiguïtés ! ». S’il ne s’attarde pas plus que cela sur le «bicéphalisme» de Martine Vassal -qui rétorquera qu’il «lui permet de mieux appréhender la situation», telle qu’elle se présente aujourd’hui-, il devisera en revanche davantage sur ce qu’il lui semble être un «mariage sans enfant désiré». Une fusion entre d’un côté, un Département solide et de l’autre, Aix-Marseille Provence «qui dysfonctionne, traîne deux milliards et demi de dettes… Si elle était effective, avec les retards et les immenses besoins d’une Métropole sans capacités d’autofinancement, que deviendraient les engagements sur les constructions des collèges, de casernes de pompiers, l’aide aux communes, aux associations, aux clubs sportifs… » Le conseiller d’opposition se piquera enfin de prospective, imaginant un futur sans collectivités territoriales, à force de fusions… «Nous ne nous y résolvons pas ! Les compétences majeures du Département doivent rester au Département », martèlera-t-il ainsi.

Taxation effective sur le dépassement

La conseillère socialiste Josette Sportiello quant à elle enfoncera le clou. Notant que malgré la bonne santé financière de l’institution, les dépenses se trouvent en légère hausse et la capacité d’investissement en berne. «Soit l’exécutif reconnaît que toutes les promesses ne pourront pas être tenues, soit elle réalise une gestion prudentielle», appuie-t-elle. Et de pointer du doigt le poste, en augmentation, alloué aux aînés. Laissant traîner sans y toucher l’idée d’une posture clientéliste… «Nous avons fait le choix de nous attacher aux seniors : ils subissent beaucoup financièrement. Il est important d’avoir des actions ciblées sur ces personnes, c’est de notre responsabilité», objectera en retour Martine Vassal. Qu’importe, pour Josette Sportiello, «la bonne santé du Département risque à terme de ne plus être qu’un souvenir. Jusqu’ici, nous étions dans une phase de puissance redoutable, nous allons entrer dans une ère d’incertitude.» Et celle-ci de rappeler à la présidente que cette dernière a refusé de signer le contrat de confiance avec l’État, astreignant les collectivités à une taxation sur le dépassement des dépenses de fonctionnement dans la mesure où celles-ci seraient supérieures à une hausse de 1,2%. Taxation qui de fait, se chiffrerait à 100% du dépassement au lieu des 75% prévus en cas de signature dudit pacte… Une contrainte financière à laquelle le Département va devoir répondre, puisque la DM2 (Décision modificative 2) fait déjà état d’une augmentation de 1,7% par rapport au budget prévisionnel voté le 15 décembre dernier. Pour autant, l’opposition avait bel et bien voté pour le refus de contractualiser en juillet dernier, se rangeant derrière Martine Vassal, rappelle le socialiste René Raimondi… «Nous étions d’accord sur l’aspect inique de ce contrat, nous vous avons suivi.» Mais à présent, celui-ci s’inquiète des «pénalités dues à la non-contractualisation, qui réduiront d’autant les capacités d’investissement». Ce d’autant que le contexte a changé depuis la dernière plénière, rappelant à tous le couperet d’une future fusion entre Métropole et Département. Métropole qui, elle, a signé le pacte de confiance avec l’État, pointe-t-il encore du doigt. Aussi s’interroge-t-il sur le «carcan technocratique» lié à Aix-Marseille Provence : «sera-t-il un boulet qui entraînera au fond les deux institutions ?». Les conseillers d’opposition auraient-ils été si prompts à se ranger derrière Martine Vassal si le refus de contractualisation avec l’État avait été au menu de cette plénière ? Il y a matière à s’interroger…

Investir les concertations en préfecture

Pour autant, Martine Vassal renvoie ces derniers à leurs chères études, leur rappelant qu’ils ne se sont pas positionnés sans connaissance de cause : «La fusion nous est dictée par le gouvernement, il n’y a pas de surprise en la matière. Quand il était candidat, Emmanuel Macron l’a proposée. Et il a confirmé ses promesses à maintes reprises, en ayant de son côté la loi. » De même, rappelle-t-elle: «Je n’ai jamais caché que je voulais être présidente d’Aix-Marseille Provence». Elle les renvoie également… dans leurs contradictions : «Ici, nous n’avons pas voté la contractualisation pour une question de principe. Mais je n’ai pas participé au vote quand il a été soumis à la Métropole, contrairement à certains dans cet hémicycle.» Métropole qui, elle en convient, s’est construite dans des conditions désastreuses. Toutefois, «une continuité républicaine doit se faire. Nous avons choisi de construire le territoire pour demain.» Et d’inviter tout l’hémicycle «à ne pas seulement réfléchir à ce que sera votre poste demain, à comment on va s’appeler. Il faut penser aussi à tout le service au public, pour que toute une population puisse bien vivre. Je suis déterminée à ce que la Métropole soit une métropole de projets structurants.» Pour ce faire, la présidente ne compte pas faire de la figuration dans les concertations relatives à la fusion qui s’annoncent au sein de la préfecture, puisque Edouard Philippe, le Premier ministre, a chargé le préfet de région d’organiser ces dernières. «Nous verrons bien ce qu’il va en sortir et nous prendrons nos dispositions », prévient-elle.
Carole PAYRAU

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