Publié le 10 décembre 2015 à 22h19 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
«Le monde est dangereux à vivre non pas tant à cause de ceux qui font le mal mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire», Albert Einstein
À quoi sert la mémoire ? Pourquoi revenir sur le passé ? Qu’est-ce que cela peut changer aujourd’hui ? C’est pour répondre à ces questions, tellement actuelles, que le Site mémorial du Camp des Milles ouvrira ses portes gratuitement au public du vendredi 11 au dimanche 13 décembre.
Devant les interrogations de beaucoup de personnes aujourd’hui, et face à la montée du terrorisme et des extrémismes racistes, il est apparu nécessaire, à la veille d’une consultation électorale très importante, de permettre au plus grand nombre de visiter ce lieu citoyen et d’y acquérir, s’ils le souhaitent, des connaissances historiques et des clés de compréhension pluridisciplinaires. Pour comprendre comment des idées xénophobes, racistes, antisémites et les crispations identitaires peuvent conduire notre société au pire. Pour rappeler la responsabilité de chaque citoyen face à la montée de ces périls et aux dérives qui menacent le socle des valeurs républicaines et humanistes de Liberté, d’Égalité, de Fraternité, mais aussi de Laïcité, de Dignité et de Justice. Pour démontrer comment chacun, éclairé par l’histoire, peut réagir, résister face à cela. Il est souligné: «Par ailleurs, les responsables de la Fondation multiplient les interventions dans les médias nationaux et régionaux (Le Monde, la Croix, l’Obs, Nice Matin, Var Matin, France Bleu, FR3, France24, la Marseillaise, Destimed, l’Union de Reims…) afin de présenter les résultats des recherches de la Fondation qui peuvent éclairer le présent. Car, aujourd’hui comme hier, ne rien faire, c’est laisser s’enclencher des engrenages dangereux pour la démocratie et pour chacun d’entre nous…Ces initiatives s’inscrivent pleinement dans la suite des rendez-vous citoyens instaurés par le Camp des Milles après les attentats de janvier dernier, et visant à permettre une réflexion sur ces sujets avec divers milieux de la société»
Dans ce cadre et après le rassemblement de jeunes des quartiers prioritaires en présence du Premier ministre en février, a été organisé un Forum national Démocratie, mémoires et vigilance, qui a rassemblé les présidents des grandes organisations antiracistes (avec un Appel national contre les racismes : « Veillons sur les valeurs de la République : Pas une voix pour les candidats du racisme et de l’antisémitisme ! »), puis qui a réuni le lendemain 600 citoyens, associatifs, syndicalistes, collégiens et apprentis qui ont intensément débattu sur les dangers du racisme et de l’antisémitisme pour la démocratie. Puis ce fut en octobre l’inauguration d’une Chaire de l’Unesco Éducation à la citoyenneté, sciences de l’homme et convergence des mémoires, marquée par la présence du président de la République et de la directrice générale de l’Unesco et par un Manifeste des universitaires français et étrangers de la Chaire : «Nous voulons contribuer à revivifier les valeurs démocratiques, contre la tentation de la pureté identitaire qui, par refus de l’altérité, produit des discriminations et conduit inexorablement à la violence de masse».
Autre rendez-vous citoyen important le 29 novembre, une Journée de rencontre interreligieuse rassemblant des centaines de jeunes des trois religions et conclue par une Déclaration nationale inter-religieuse pour la fraternité et contre les extrémismes, signée par le Cardinal Barbarin, archevêque de Lyon et Primat des Gaules, Ghaleb Bencheikh, islamologue et président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, les Pasteurs François Clavairoly, Président de la Fédération protestante de France et Gill Daudé, de l’Eglise protestante unie de France, Monseigneur Christophe Dufour, archevêque d’Aix-en-Provence et Arles, le Recteur Larbi Kechat de la mosquée Adda’wa (Paris 19e), Messieurs Haïm Korsia, Grand Rabbin de France, Reouven Ohana, Grand rabbin de Marseille et Grand rabbin régional et Daniel Dahan, Grand rabbin d’Aix-en-Provence, Monseigneur Georges Pontier, archevêque de Marseille, Président de la Conférence des évêques de France, l’imam Abdessalem Souiki de Marseille-Nord…
Le Site-mémorial du camp des Milles devient ainsi un lieu de mémoire permettant le rassemblement et l’échange sur les leçons de l’histoire, plus utile encore après les horreurs du 13 novembre et devant les tentations extrémistes qui traversent une partie de notre peuple.
Découvrir le parcours muséographique, les actions et missions du Site-mémorial : www.campdesmilles.org Le Site-mémorial du Camp des Milles est ouvert tous les jours de 10h à 19h.
A propos du Camp des Milles:
Le Camp des Milles est le seul grand camp français d’internement et de déportation encore intact et accessible au public. Il vit passer 10 000 internés de 38 nationalités dont de nombreux artistes et intellectuels comme Max Ernst ou Hans Bellmer, des hommes politiques, des journalistes… Son histoire témoigne des intolérances successives, xénophobe, idéologique et antisémite qui conduisirent à la déportation de plus de 2 000 hommes, femmes et enfants juifs depuis le Camp des Milles vers le camp d’extermination d’Auschwitz via Drancy. Ils faisaient partie des 10 000 juifs de la zone dite « libre » qui, avant même l’occupation de cette zone, ont été livrés aux nazis par le gouvernement de Vichy, puis assassinés dans le cadre de la « Solution finale ».
L’ambition du Site-mémorial du Camp des Milles est de rappeler l’histoire tragique dont témoigne le Camp des Milles et de s’appuyer sur l’histoire de la Shoah et d’autres génocides, pour présenter un « volet réflexif » inédit visant à renforcer la vigilance et la responsabilité du visiteur face aux menaces permanentes du racisme, de l’antisémitisme, de l’intolérance et du fanatisme. Contribuant ainsi hautement aux valeurs humanistes de respect, de dignité et de solidarité, il constitue, par les médiations utilisées, une réalisation pédagogique unique au monde sur un lieu de mémoire, aujourd’hui reconnue par l’Unesco.
Les expositions permanentes du Site-mémorial sont organisées, selon le parcours muséographique suivant :
-Le Volet historique présente l’histoire des trois grandes périodes du Camp des Milles entre 1939 et 1942, replacé dans son contexte local, national et européen ; des bornes audiovisuelles reconstituent les destins individuels d’internés célèbres ou inconnus ; d’autres présentent le récit de témoins de cette époque.
-Le Volet mémoriel permet la visite, émouvante, des lieux historiques laissés en l’état. L’immense « four à tuiles » baptisé Die Katakombe par les internés qui en firent un lieu de création artistique constitue l’un des temps forts de la visite avec les espaces où s’entassaient les internés dans les étages.
-Le Volet réflexif présente, pour la première fois sur un lieu de mémoire, des connaissances scientifiques pluridisciplinaires qui permettent au visiteur de mieux comprendre les engrenages et les mécanismes humains récurrents (préjugés, passivité, soumission aveugle à l’autorité…) qui ont conduit et peuvent conduire au pire. Il s’agit ainsi de donner au visiteur des outils de réflexion sur la responsabilité de chacun dans une «montée des périls». Cette section «réflexive» se termine par un «Mur des actes justes», mur présentant la diversité des actes de sauvetage et de résistances aux quatre grands crimes à caractères génocidaires du XXe siècle, contre les Arméniens, les Juifs, les Tsiganes et les Tutsis au Rwanda. Un hommage, et une invitation à la responsabilité individuelle.
Le visiteur peut aussi découvrir l’exposition nationale de Serge Klarsfeld sur les «11 400 enfants juifs déportés de France à Auschwitz» réalisée par l’Association des fils et filles des déportés juifs de France. Il s’agit d’une collection exceptionnelle de documents rares présentée de manière permanente dans les lieux. Cette exposition prend un relief particulier alors que du camp des Milles furent déportés une centaine d’enfants à partir de l’âge de un an. Cette exposition est complétée par celle de l’OSE « Sauver les Enfants » : 1938-1945
Après sa sortie du bâtiment principal, le visiteur accède à une « Salle des peintures » où se trouvent d’immenses peintures murales colorées et ironiques, réalisées par les internés. Le Chemin des Déportés, emprunté à l’été 1942 par plus de 2000 hommes, femmes et enfants juifs conduit enfin au Wagon du Souvenir situé à l’endroit même du départ pour la déportation.