Primaires Citoyennes à Aix : « le candidat adoubé par Jean-Noël Guérini » contre « le candidat de la mairie sortante »

Publié le 17 octobre 2013 à  17h42 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h24

Les échanges ont été vifs ce mercredi soir sur le plateau de LCM entre les deux candidats encore en lice au second tour des Primaires Citoyennes dans la cité du Roy René. Bien que peu de divergences politiques apparaissent entre eux, Jacky Lecuivre a dénoncé les ralliements enregistrés par Edouard Baldo entre les deux tours, y voyant la patte de Jean-David Ciot et Jean-Noël Guérini. L’avocat a répliqué en accusant son rival d’être « le candidat de la mairie sortante ».

(Photo Laurence DELL'AITANTE)
(Photo Laurence DELL’AITANTE)

Six la semaine dernière, ils ne sont désormais plus que deux à briguer l’investiture socialiste pour les élections municipales de mars 2013 à Aix-en-Provence. Et force est de reconnaître que ce duel du second tour entre Edouard Baldo et Jacky Lecuivre, opposés ce mercredi 16 octobre à 20h50 dans un ultime débat sur LCM, n’était pas le casting attendu par nombre d’observateurs, bien qu’aucun favori du scrutin ne se dégageait réellement à la veille du premier tour de ces Primaires Citoyennes dans la cité du Roy René. Toujours est-il que le fait que les trois élus en poste, Jacques Agopian, président du groupe d’opposition socialiste « Agir pour Aix » au conseil municipal, André Guinde, vice-président du conseil général et conseiller municipal d’opposition à Aix, et Gaëlle Lenfant, vice-présidente du conseil régional, aient été éliminés dès le premier tour au profit de deux candidats n’exerçant aucun mandat électif a constitué une réelle surprise.

Le premier qualifié pour ce second tour a donc été Edouard Baldo qui est arrivé en tête dimanche soir avec 26,94% des voix. Agé de 66 ans, avocat depuis 1969, c’est cette même année qu’il a adhéré au PS. Il a été élu conseiller municipal d’Aix en 1977 au côté de Félix Ciccolini, maire d’Aix de 1967 à 1978, dont il fut adjoint à la Culture populaire. Il a ensuite été conseiller dans différents cabinets ministériels, avant de se consacrer entièrement à son métier d’avocat en 1990, où il a notamment compté le groupe Carrefour parmi ses clients. Il est revenu en politique en 2012 à l’occasion des campagnes présidentielle et législative.

Son challenger ce dimanche 20 octobre sera Jacky Lecuivre, assez nettement distancé puisqu’il n’a recueilli pour sa part que 19,32% des suffrages au premier tour. Agé de 61 ans, il a adhéré au PS en 1980. Après avoir servi 15 ans dans la marine, il a été PDG du groupe international Psion puis créateur de start-up. Ce passionné de rugby, qui a également été l’organisateur des Primaires Citoyennes à Aix lors de la présidentielle, n’a jamais été élu en son nom. « Je n’ai jamais été élu tout simplement parce que je n’ai jamais été candidat à aucune élection. Donc, je ne risquais pas d’être élu », tient-il à préciser.

Tous deux ont devancé dimanche dernier Jacques Agopian (17,21%), André Guinde (14,96%), Gaëlle Lenfant (12,34%) et Cyril Di Méo, professeur de Sciences économiques et sociales au lycée militaire d’Aix-en-Provence (9,23%). Ce qui donnera aux électeurs aixois l’occasion de départager définitivement dimanche prochain deux candidats qui se connaissent très bien. « Effectivement puisque mon interlocuteur a été secrétaire de section (NDLR : à partir de septembre 2010) pendant 2-3 ans. On a vécu un certain nombre d’assemblées générales ensemble et on a fait la campagne présidentielle ensemble. Ensuite, on a fait la campagne législative chacun dans une circonscription », rappelle Edouard Baldo. Et Jacky Lecuivre de souligner que « camarades » est « le terme consacré » qui convient pour les décrire, eux qui, pendant trois ans, ont milité ensemble au sein du PS.

« Lundi matin, Jean-Noël Guérini disait : « André, tu te démerdes comme tu veux, mais tu fais élire Edouard Baldo et tu abas Jacky Lecuivre » »

Alors ce mercredi soir, on aurait pu s’attendre à un débat des plus cordiaux entre les adversaires. Sauf qu’une élection quelle qu’elle soit est toujours un combat politique, même entre « camarades ». Et on n’allait pas tardé à s’en apercevoir. C’est Jacky Lecuivre qui mettait le feu aux poudres en se disant « révolté par le marchandage d’arrière-boutique qui a commencé dès la fin du premier tour alors que les résultats n’étaient pas encore annoncés ». Et de pointer « les ralliements » d’André Guinde, Gaëlle Lenfant et Cyril Di Méo à son adversaire du second tour, là où Jacques Agopian ne donne pas de consigne de vote.

Mais pour Edouard Baldo, « ils ne se rallient pas, c’est un rassemblement ». « Il y a des conditions dans un ralliement. Quand le dimanche soir, on vous dit « on vient », c’est un rassemblement, c’est une dynamique, alors que mon ami Lecuivre a téléphoné à chacun sans succès », rétorque l’avocat.

Une version des faits que conteste vigoureusement Jacky Lecuivre qui persiste et signe. « Le premier que j’ai vu dimanche soir a été Alexandre Molina, directeur de campagne de Cyril Di Méo. Il m’a dit : « il est très déçu, abattu, il ne parlera pas avant demain midi ». Et dès le lendemain, j’ai lu dans la presse qu’il rejoignait Edouard Baldo », rapporte-t-il. Il pointe aussi les tractations menées à l’école d’Art, où avait lieu la centralisation des résultats, avec « Jean-David Ciot à la baguette pour poser les conditions du ralliement entre Gaëlle Lenfant et Edouard Baldo ». Enfin, il assure que « Jean-Noël Guérini a convoqué André Guinde pour lui expliquer de rallier Edouard Baldo ». « Oui, lundi matin, Jean-Noël Guérini disait : « André, tu te démerdes comme tu veux, mais tu fais élire Edouard Baldo et tu abas Jacky Lecuivre » », insiste-t-il.

Des accusations face auxquelles Edouard Baldo jouait la carte de l’ironie. « Dommage qu’il n’y ait pas un psychiatre car là on a un cas de paranoïa », réplique-t-il. Et d’assurer qu’il n’avait pas discuté avec le président du conseil général. « Je suis le fondateur du renouveau PS 13, qui met en avant de nouvelles pratiques politiques pour combattre notamment le clientélisme. Alors on ne peut pas raconter n’importe quoi. Après, je laisse les paranoïas là où elles sont ». Il souligne que lui, est resté dimanche soir à l’école d’art avec ses amis, quand son adversaire se rendait à la fédération du PS à Marseille. Ce qui, selon lui, a porté ses fruits. « André Guinde m’a dit : « Je dois rencontrer mes amis ». Gaëlle Lenfant m’a invité le lundi soir et ses amis ont massivement voté pour moi, à l’unanimité. On parle de grand écart ? Moi je rassemble sur le fond. Depuis le début, j’ai eu une déontologie vis-à-vis des autres candidats qui était parfaitement correcte », assène-t-il.

Mais Jacky Lecuivre n’en démord pas. « Gaëlle Lenfant m’a dit : « J’ai eu des propositions d’Edouard Baldo et je vais y réfléchir ». Donc ne venez pas me dire qu’il n’y a pas eu de propositions : c’est un système d’arrière-boutique qui a fait le malheur des politiques dans ce département », tranche-t-il.

« Lui est le candidat de la mairie sortante car Maryse Joissains (UMP) sait que ce ne sera pas très compliqué si elle l’a en face »

Et de poursuivre, toujours sur le thème du « grand écart » : « Le candidat que j’ai en face de moi, depuis début mars, il dit que toute sa campagne était basée sur l’éthique. Sauf que mercredi matin (NDLR : jour de l’enregistrement du débat du premier tour diffusé la semaine passée sur LCM), il a demandé à passer le premier pour se rendre aux obsèques de René Andrès, un parachutiste proche de l’OAS, et dans les bureaux de vote, il accueillait les électeurs musulmans, j’ai une cinquantaine de témoins qui peuvent le certifier, en leur disant en français et en arabe, « je vous ferai une mosquée dès que je serai élu ». Dîtes à quel endroit vous allez la faire. Et ce lundi matin, il distribuait des tracts à l’entrée de la salle Coulange au moment de l’Aïd », dénonce-t-il.

Là encore, Edouard Baldo préfère en sourire. « Vous avez pu constater que je suis le candidat de Guérini, des Pieds Noirs et des barbus : on comprend que je sois arrivé en tête ! Lui est le candidat de la mairie sortante car Maryse Joissains (UMP) sait que ce ne sera pas très compliqué si elle l’a en face », réplique-t-il. Avant de revenir sur le fond : « La République garantit la liberté de culte. Est-ce que c’est normal qu’une catégorie de Français le pratique dans une cave ? Pour moi ce n’est pas normal », résume-t-il. Une véhémence entre les deux candidats qui laisse craindre que le rassemblement n’aille pas forcément de soi à l’issue du second tour des Primaires Citoyennes. D’autant Jacky Lecuivre de remettre une ultime fois sur le tapis « ce qui s’est passé entre dimanche soir et lundi soir ». « Edouard Baldo intronisé par Guérini, c’est la confiscation des Primaires alors que j’avais expliqué qu’il s’agissait d’un vrai moment de respiration démocratique. Au lieu de cela, on investit les candidats du 9e étage du Département ou de la Fédération de la rue Montgrand : on est dans le système », dénonce-t-il. Avant d’énoncer au sujet de l’après second tour : « Le premier tour a été ce qu’il a été. Attendons dimanche soir pour voir qui se rallie à qui ».

Des paroles qui, pour le coup, avaient le don d’agacer Edouard Baldo. « Je comprends que Jacky ait une certaine amertume. Il ne rassemble personne, je comprends, qu’il l’explique de manière aussi désagréable, je comprends moins. Moi, j’ai signé une charte d’éthique, toi aussi, et tu dois respecter ta signature ! Moi, s’il arrivait le premier, je serais le premier à me rallier à lui », explique-t-il. Et Jacky Lecuivre de préciser sa pensée. « Je dis simplement qu’avant de savoir si c’est toi qui te rallierais à moi ou moi qui me rallierais à toi, on va attendre le deuxième tour », conclut-il.

Une faible mobilisation au premier tour

Outre cette passe d’armes, les deux candidats ont unanimement regretté la faible mobilisation de dimanche dernier où seuls 2 811 électeurs aixois, sur à peu près 90 000 inscrits, sont allés voter là où ils étaient 6 000 à s’être déplacés lors des Primaires citoyennes organisés lors de la Présidentielle à Aix-en-Provence. « Mais c’est vrai que pendant six mois, tous les médias en France avaient fonctionné dans cet esprit-là. On avait assisté aux réactions, aux déclarations. Malheureusement, il faut bien reconnaître que la Primaire marseillaise a effacé tout le reste dans le département. Y compris dans les médias et surtout dans les médias », déplore Edouard Baldo. Mais le PS a aussi à ses yeux sa part de responsabilité dans cette faible mobilisation. « Pendant toute la campagne, j’ai rencontré des gens dans la rue qui étaient ravis et qui me disaient : « Bonjour, j’ai vu ce que vous avez fait, c’est bien, mais je ne pourrai pas venir voter ». Pourquoi ? « Parce que je n’ai pas la carte de… ». Les interlocuteurs ne savaient pas s’il fallait qu’ils aient une carte de ceci ou cela », raconte-t-il. Et d’estimer qu’« il y a eu une absence d’action en profondeur, une absence d’action médiatique concernant Aix-en-Provence ».

« Ravi » d’être toujours en lice – « honnêtement, il y a très peu de gens, y compris moi, qui me voyaient qualifier pour le deuxième tour, y compris moi, eu égard à mon manque de notoriété qui a été souvent souligné » – Jacky Lecuivre s’avoue cependant « déçu » de la participation. « On a été capable de ne mobiliser que moins de 3% des Aixois, 97% ne sont pas venus voter », regrette-t-il. Ce qui ne l’empêche de tirer des enseignements du scrutin. « Les quelques électeurs qui sont venus ont certainement voulu manifester que le personnel politique en place l’était depuis trop longtemps », analyse-t-il au regard des éliminations dès le premier tour de Jacques Agopian, André Guinde et Gaëlle Lenfant. Et de souligner : « J’ai été beaucoup sur le terrain, Eddy aussi, et je crois que c’est un peu parce qu’on est allé sur le terrain qu’on a eu ce résultat ». « Les autres candidats, à l’exception de Cyril Di Méo qui avait aussi un peu fait campagne, ont eu une autre stratégie de ne pas faire campagne », plaide-t-il.

Pour Edouard Baldo, cette faible participation n’enlèvera aucune légitimité au vainqueur des Primaires citoyennes à l’heure d’aller défier Maryse Joissains. « La Primaire a été ce qu’elle a été. On a accepté les règles du jeu, on a fait ce qu’on a pu pour que les citoyens viennent voter : 2 800 personnes sont venues voter. Dimanche, peut-être, un certain nombre d’électeurs viendront en plus », espère-t-il.

Les deux candidats ont également affiché pas mal de convergences en termes de stratégies d’alliance avec les autres candidats en lice. Tous deux considèrent François Hamy, candidat d’EELV, comme un partenaire naturel, et tous deux affichent leur réserve au sujet de François-Xavier de Peretti. « Je ne sais pas quelles sont les organisations derrière François-Xavier de Peretti. Donc il y a tout un tas de préalables. J’aimerais bien savoir quelles sont les organisations, car si c’est le Modem, c’est une chose, si c’est les Radicaux de gauche, c’est différent », explique Edouard Baldo.

La gratuité des transports et le centre-ville comme points de discorde

Jacky Lecuivre rappelle pour sa part que « François-Xavier de Peretti n’est plus au Modem depuis longtemps ». « Il n’est plus rien, il est soutenu par l’Union pour Aix qui est une organisation politique », observe-t-il . Au niveau de ses possibles alliances, la seule divergence concerne ainsi le Front de Gauche. Edouard Baldo indique que « la position du PS au plan national sera déterminante » pour lui, Jacky Lecuivre souligne qu’il a « de très bons rapports avec le Front de Gauche sur Aix » et qu’il « les considère comme des camarades ».

Enfin, au niveau des projets, les deux candidats dressent des constats identiques des maux qui touchent la ville d’Aix. Ils pointent ainsi les transports, « un fiasco avéré », « le manque cruel » de logements, et mettent en avant leur volonté de sortir du système Joissains. Deux grandes divergences sont cependant apparues au niveau des solutions proposées lors des échanges. Sur le modèle d’Aubagne, Edouard Baldo plaide pour la gratuité des transports pour diminuer la circulation automobile et lutter contre la pollution, alors que Jacky Lecuivre préfère réserver la gratuité à certaines catégories de voyageurs, comme les chômeurs ou les retraités ayant une faible pension. Autre différence, le centre-ville, « un écrin » qui « ne sera pas la priorité » de Jacky Lecuivre, quand dans le même temps Edouard Baldo, qui estime que les « problèmes de poubelles » y sont légion, veut piétonniser la vieille ville pour en faire une « ville propre ».

Des projets qui sont susceptibles d’être soumis aux desiderata de la future métropole lorsque celle-ci aura vu le jour le 1er janvier 2016. « Un texte créant cette métropole est sorti : c’est un texte accordéon. Moi qui suis juriste, j’attends que les décrets d’application soient sortis. Et je pense qu’ils ne seront pas les mêmes selon que Jean-Claude Gaudin conserve la ville de Marseille ou pas », parie Edouard Baldo, avant d’affirmer que « la métropole va donner une puissance que nous n’avons pas aujourd’hui ».

Aux yeux de Jacky Lecuivre, « aujourd’hui, la messe est dite ». « Le texte a été voté par les deux assemblées. En 2016, la métropole se mettra en place. Nous avons deux ans pour faire une mission de préfiguration afin de définir les prérogatives qui seront gardées et celles qui seront déléguées. Et je me fais fort d’agir pour garder que ce que les Aixois veulent garder, et déléguer ce qu’ils veulent déléguer », résume-t-il.

Reste désormais aux électeurs aixois à départager définitivement les deux candidats ce dimanche lors du second tour des Primaires Citoyennes.

Serge PAYRAU

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