« Princesse Czardas » à l’Odéon de Marseille : l’opérette par excellence

Publié le 4 mars 2017 à  20h53 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h55

La grande scène du deuxième acte avec la quasi-totalité des protagonistes sur scène. (Photo Christian Dresse)
La grande scène du deuxième acte avec la quasi-totalité des protagonistes sur scène. (Photo Christian Dresse)

«Princesse Czardas» de Emmerich Kalman à l’Odéon… De prime abord on pense salons viennois, robes de bal, candélabres et miroirs immenses; on se demande comment a résisté cette opérette aux poids de la centaine d’années qui nous séparent de sa création le 17 novembre 1915 à Vienne. Tout en se remémorant quelques images devenues floues de Marcel Merkes et Paulette Merval venus incarner Sylva et Edwin il y a, hélas, trop longtemps à Aix-en-Provence. A vrai dire, c’est avant tout le casting réuni sur la scène de l’Odéon par Maurice Xiberras et Sophie Duffaut qui nous a donné le courage d’affronter la tempête, de triompher d’un ralentissement sur l’autoroute et de braver la crasse du parking Gambetta pour passer deux heures et demi au cœur du temple de l’opérette en haut de la Canebière. Et bien nous en a pris car nous avons assisté à une représentation exceptionnelle à plus d’un titre. Scéniquement, tout d’abord, avec des décors concept peu habituels dans ce lieu où Jack Gervais a pu développer une mise en scène fluide et dynamique dans un espace pourtant restreint, signant là une production d’une classe folle. De jardin à cour, l’élégance est omniprésente et l’ouverture du rideau au second acte dévoilant un décors somptueux en noir et blanc tirera des « ho » et des « ha » d’admiration de l’ensemble du public. Ces décors d’une modernité de grande facture, nés dans les ateliers de l’opéra de Marseille, sont mis en valeur, de même que l’action dramatique, par des éclairages non moins somptueux dont on peut penser qu’ils sont signés par le metteur en scène puisque aucune mention d’un éclairagiste n’est portée sur le programme. Tour à tour ambiance cabaret, lumière noire ou presque, puis des clartés tantôt douces, tantôt froides donnent à la pièce toute sa puissance. Monsieur Jack Gervais, l’opérette ainsi mise en valeur par votre travail a encore de belles heures à vivre!
Pour garnir la fosse, la direction de la maison a fait des efforts en réunissant 26 instrumentistes, dont un percussionniste venu avec pas mal de matériel, qui aurait pu pousser l’orchestre à chanter comme les sardines «à ce qu’on est serré au fond de cette boite… » Mais le jeu en valait la chandelle et personne ne se plaindra, depuis les musiciens qui ont remarquablement tenu leurs pupitres, en passant par Bruno Membrey, redoutablement efficace dans sa lecture de l’œuvre et profitant de l’occasion pour donner relief et couleurs à cette partition qui recèle de nombreux moments de grande et belle musique, jusqu’au public ravi et séduit par tant de qualité. Même le chœur Phocéen a gagné en puissance et en présence, affichant quelques nouvelles et jeunes voix bien préparées par Rémy Littolf. Impossible de ne pas dire un mot sur les danseurs avec des «girls» impeccables qui ont fait s’accélérer notre rythme cardiaque (Laetitia Antonin, Mylène Mes et Estelle Lelièvre-Danvers qui signe aussi les chorégraphies de la production) et des «boys» athlétiques à souhait. Enfin, il y a la distribution pour laquelle nous avions décidé de nous déplacer en première intention; elle a tenu ses promesses. Dans le rôle titre, Laurence Janot excelle. Phrasé, ligne de chant, projection, beauté et classe: rien ne manque chez cette artiste que nous avons plaisir à retrouver ici régulièrement. Stasi, c’est la toute frêle Julie Morgane, dont la finesse n’occulte en aucune façon sa personnalité. La demoiselle est réjouissante dans son jeu et sa gouaille vocale est de bon aloi. Comme à l’habitude, Simone Burles, comédienne hors pair, a été parfaite, en Agathe cette fois-ci. Du côté des hommes, Régis Mengus est un Edwin plus que charmant à la voix de baryton limpide et puissante. A ses côtés, le Boni de Grégory Juppin est omniprésent. Il faut dire que le garçon est un excellent comédien et se sert plutôt bien de sa voix. Philippe Ermelier est un solide Feri, massif et puissant, Jacques Lemaire un Eugène convainquant et Bernard Maltère un Léopold crédible. Enfin, Antoine Bonelli, notaire et noble, vient apporter sa touche à l’excellence de cette production dont on se dit que bien des théâtres en France pourraient l’inviter tant elle met en valeur le genre et l’œuvre. Des après-midis comme ça, on en redemande.
Michel EGEA
Pratique. « Princesse Czardas » deuxième représentations ce dimanche 5 mars à 14h30 à l’Odéon, 162 La Canebière. Il reste encore des places.

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