Publié le 31 juillet 2019 à 17h52 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 12h06
Ce sont des gens émus, très émus, hommes femmes confondus, de tous âges, que l’on a découverts à l’issue de la pièce «Nos années parallèles» donnée tout le mois de juillet au Théâtre Buffon d’Avignon….Stéphane Corbin se souviendra longtemps de ce festival Off 2019. «Merci et bravo», pouvait-on entendre unanimement dès le rideau tombé. Reconnaissons que tout cela était plus que légitime. Tiré de sa pièce qu’il publie chez LamaO éditions -petite structure dirigée par Fany Souville, qui s’intéresse aux musiciens se mettant à écrire (ce qui est le cas de Stéphane Corbin)-, ce moment de théâtre renvoie tant d’émotion que le spectateur en est submergé. Deux êtres y échangent fragments de récits, expressions de soi, propos sur la liberté et l’accomplissement de son identité, dans des monologues successifs entrecoupés parfois mais rarement de dialogues passés au crible des arcanes de la mémoire. Lui, c’est le fils -prodigieux Alexandre Fraitouni bouleversant, drôle, et d’une intelligence de jeu assez exceptionnelle-. Elle c’est la mère -Valérie Zaccomer, actrice inoubliable au sommet de son art-. Une femme courageuse, inventive, terrassée par un cancer qui, depuis l’au-delà, confie à son fils tout ce qu’elle n’a pas pu ou su lui exprimer. Un fils mal dans sa peau, homosexuel assumé d’abord avec peine puis, avec un réel courage face aux humiliations subies. Mais qu’on ne s’y trompe pas «Nos années parallèles» ne parle finalement que d’amour, et ne manque ni d’humour, ni de grâce formelle. Fluide, aérienne, ne surlignant jamais les choses, la mise en scène de Virginie Lemoine apporte au jeu des comédiens, au texte de Stéphane Corbin une dimension dramatique évidente mais aussi un aspect de comédie non négligeable. «Mon langage initial était la musique, explique-t-il, J’ai perdu ma mère et je me suis dit que si l’on ne parlait pas en mots des gens morts, c’était comme s’ils disparaissaient une seconde fois. D’où l’écriture de cette pièce dans un langage à la fois familier et poétique. D’où les instants de joies passées ne sont pas gommés». Aussi rit-on avant que de sortir définitivement ses mouchoirs lors d’un dernier quart d’heure poignant. «Virginie Lemoine, insiste-t-il, est une amie intime, autant que mon double artistique. Avec elle, outre « Nos années parallèles », nous avons travaillé sur « Quand je serai grand je serai Nana Mouskouri » la pièce tirée du roman de David Lelait-Helo, interprétée par Didier Constant, dont elle a réalisé l’adaptation, et la mise en scène et à laquelle j’ai participé en tant que compositeur. « Défenseure » des animaux, humaniste et passionnée de théâtre, Virginie est aussi la marraine des « Funambules » qui est un collectif luttant en chansons et en musique par le biais de récitals donnés contre l’homophobie.»
Lutte contre l’homophobie
Créé en réaction contre les manifestations s’attaquant au mariage pour tous, «Les funambules» s’est doté d’un nombre important d’artistes venus les soutenir en interprétant des chansons parlant d’homosexualité écrites par entre autres Alexis Michalik, (l’auteur de la pièce «Edmond» qui, en septembre sortira «Loin», son premier roman en forme de chef-d’œuvre), le dramaturge Pierre Notte, associé à Jean-Michel Ribes au Théâtre du Rond-Point, Julian Paris, Pierre Corbin, le père de Stéphane et François Corbin, frère de Stéphane. Ce même Stéphane réalisant toutes les musiques. Sur le double album enrichi d’un DVD du spectacle on peut entendre Virginie Lemoine, les acteurs ou actrices Pierre Richard, Camille Cottin, Grégori Baquet, Jean-Claude Dreyfus, Alexandre Fraitouni, bouleversant avec «Quinze ans» tandis que les divines voix de Julie Ferrier, Annie Cordy, ou Dave se mêlent au groupe. Plus de 130 chanteurs différents et pas forcément connus ont sur scène permis aux Funambules de suivre ce que l’on appellera une carrière Live. Certains d’entre eux, avec Stéphane Corbin au piano ont joué «Les Funambules» à « la Luna » durant le Off d’Avignon. Là encore énorme succès qui n’a pas empêché Stéphane Corbin de rester humble. «Je ne voulais pas avec « Les funambules » raconter ma propre homosexualité alors je me suis dit qu’en confiant les textes à écrire à des personnalités multiples hétérosexuelles ou non, je réussirai à rendre mon propos universel. Car, j’insiste je poursuis avec « Les Funambules » le projet de parler d’amour libre, libéré, décomplexé». Stéphane Corbin est également coach vocal de l’actrice Sylvia Bruyant, metteure en scène et interprète de «Fin de service» d’Yves Garnier donnée à la Luna tout le mois du Off, Stéphane Corbin qui a signé les arrangements de ce thriller très réussi semble infatigable. Et ce n’est que justice que donnant tant d’amour aux autres, il en ait reçu en abondance à la sortie de «Nos années parallèles», qui demeurera comme l’un des chocs absolus du Off d’Avignon 2019.
Jean-Rémi BARLAND