Rencontres Euroméditerranéennes du crowdfunding à Marseille: Une journée pour imaginer la finance participative de demain

Publié le 6 novembre 2015 à  20h16 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  20h43

Les enjeux du crowdfunding en débat dans le cadre de la Semaine économique de la Méditerranée (Photo Philippe Maillé)
Les enjeux du crowdfunding en débat dans le cadre de la Semaine économique de la Méditerranée (Photo Philippe Maillé)

Les 2e Rencontres Euroméditerranéennes du crowdfunding ont offert ce jeudi des pistes de réflexion; des informations sur ce phénomène qui ne cesse de se développer. Une manifestation, initiée par Popfinance, qui invite à aller plus loin avec une «Finance fiction» qui a conclu la journée mais, surtout pas, la réflexion, bien au contraire. Elle a permis, après une introduction vidéo de Michel Rocard, d’assister aux interventions de François Morin, économiste, Jérome Kerviel, Samuel Raymond, Banque Mondiale (USA), et Adrien Aumont, Kiss Kiss Bank Bank. Il revenait alors à une homme de la science (fiction) de conclure, ce que fit avec brio un Alain Damasio jovialement glaçant. Le crowdfunding bouscule la finance traditionnelle en plaçant le citoyen au cœur des décisions d’investissement sur des projets souvent à fort impact social. L’émotion, l’empathie pour certains projets se trouve décuplée sur les médias sociaux. «Nous passons de la Banque Centrale Européenne à la Banque Citoyenne Universelle», avait lancé lors des premières rencontres, un brin provocateur, Arnaud Poissonnier, président de Babyloan. En intégrant pleinement les nouvelles technologies pour faciliter la mise en relation directe entre financeurs/financés, permettre plus de transparence et utiliser au mieux l’intelligence collective le crowdfunding s’inscrit comme un outil d’avenir. «Cependant les choses ne se font pas d’elle-même si bien que nous croyons dans la capacité d’un petit nombre d’acteurs très motivés susceptibles d’être à l’origine des plus grandes révolutions, tout l’intérêt des rencontres réside ici», explique Popfinance qui construit un réseau collaboratif pour la promotion et le développement du crowdfunding avec les entrepreneurs, les organismes d’appui à l’économie, les porteurs de projets, les décideurs politiques, les banques, les financement et les citoyens impliqués.

«C’est aujourd’hui le prêt et le crowdfunding en participation au capital qui explosent littéralement»

Dans les faits ce sont des investissements de plus en plus conséquents qui vont dans le crowdfunding. En France les derniers chiffres du baromètre par Finance Participatif France évoquent plus de 1,7 million comme le cumul de financeurs ayant soutenu un projet. Les fonds collectés au premier semestre ont encore doublé pour s’élever à 133 M€. «Alors que le crowdfunding en don portait jusqu’alors ces bons chiffres c’est aujourd’hui le prêt et le crowdfunding en participation au capital qui explosent littéralement avec beaucoup d’investissement dans les projets immobiliers et les start-up notamment», est-il souligné

«Retrouver la sagesse, la voie de l’auto-contrôle dans les finances »


Michel Rocard invite «à retrouver la sagesse, la voie de l’auto-contrôle dans les finances». Et, pour cela, à ses yeux, il importe «d’avoir un régulateur». François Morin poursuit en considérant que les moyens évoqués ne sont pas à la hauteur des enjeux. «La crise financière et la crise énergétique sont liées et impactent une crise sociale et politique». Rappelant: «Les plus grandes banques sont à l’origine de la crise de 2007-2008 et elles seront à l’origine de la prochaine qui sera encore plus redoutable car les États sont exsangues». Il met en exergue la puissance des principales banques : «Les quatre premières réalisent plus de 50% des transactions de change, les 10 premières 90% ». « Elles abusent de leur position dominante, dénonce-t-il, et vont nous précipiter dans la prochaine crise». Elles renforcent, selon lui, leur pouvoir sur les États surendettés: «La croissance n’est pas là, la dette si».

L'économiste François Morin (Photo Robert Poulain)
L’économiste François Morin (Photo Robert Poulain)

Pour François Morin, il y a plus grave : «La monnaie est devenue un bien privé. Les taux de change et d’intérêt sont manipulés par des banques à dimension systémique car tous les États, à l’exception de la Chine, ont perdu la maîtrise de leur argent». Après ce constat, grinçant, l’intervenant propose quelques pistes et, notamment, une réforme du système bancaire mondial : «Il faut revenir à une organisation internationale du système monétaire et financier avec une monnaie commune mondiale». Selon lui : «Le retour à une monnaie nationale serait une erreur».

«Je suis le méchant qui a participé à la spéculation»

Jérome Kerviel (Photo Robert Poulain)
Jérome Kerviel (Photo Robert Poulain)

Jérôme Kerviel lance: «Je suis le méchant trader», pour évoquer la spéculation. «J’ai l’impression que l’on a découvert son existence en 2008 mais voilà longtemps qu’elle existe. En 1936 d’ailleurs, Keynes la comparait à un concours de beauté. Un journal avait en effet lancé un concours où, sur 100 filles, il fallait trouver, pour gagner, les six qui réuniraient le plus de suffrage. Les gens ne votaient donc pas en fonction de leur ressenti mais de ce qu’ils pensaient être celles du plus grand nombre. Et bien c’est pareil pour la finance, on ne choisit pas en fonction des fondamentaux mais de ce que l’on pense que les hommes vont faire». Et la crise n’a rien changé: «Je vois des traders qui m’expliquent que la seule chose qui a changé c’est que les produits sont de plus en plus complexes et que les contrôleurs peuvent venir, ils ne comprennent rien à ce qui se fait ». Dans ce système, toxique, il considère que le crowdfunding peut créer du lien, «contourner le système bancaire traditionnel». Mais, ajoute-t-il: «J’imagine que les banques analysent tout cela et auront bientôt des filiales crowdfunding».

«Le crowdfunding n’existe pas»

Samuel Raymond, Banque Mondiale (USA) (Photo Robert Poulain)
Samuel Raymond, Banque Mondiale (USA) (Photo Robert Poulain)

Le problème, pour Samuel Raymond, c’est que «le crowdfunding n’existe pas». «Il est vrai que les particuliers peuvent participer mais les acteurs principaux sur les plate-formes américaines sont les banques, les fonds de pension, les gros investisseurs», avance-t-il.
Adrien Aumont, Kiss Kiss Bank Bank (Photo Robert Poulain)
Adrien Aumont, Kiss Kiss Bank Bank (Photo Robert Poulain)

Adrien Aumont raconte l’épopée de Kiss Kiss Bank Bank : «Nous voulions simplement aider les musiciens à faire de la musique». Parle d’un monde paradoxal : «On n’a jamais écouté autant de musique; il y a une crise, on n’a jamais consommé autant de presse, de d’audiovisuel, de livre et ces secteurs sont en crise». «Nous sommes, poursuit-il, dans un monde qui change et, lorsqu’un modèle se crée, il a besoin d’un mode de financement adapté. La deuxième révolution industrielle a vu la création de la banque de détail, la troisième voit le crowdfunding».
L'écrivain Alain Damasio (Photo Robert Poulain)
L’écrivain Alain Damasio (Photo Robert Poulain)

Pour le meilleur ou pour le pire ? Alain Damasio invente un monde, en 2030, où le crowdfunding tient une place prépondérante dans une France présidée par Marion Marechal-Le Pen, où l’impôt même est remplacé par le crowdfunding ce qui fait que l’Éducation n’a plus de financements, etc. etc. Décidément les outils ne sont que des outils, il dépend de l’être humain de les maîtriser.
Michel CAIRE

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