Suez et Aix-Marseille Provence mettent les gaz vers l’énergie verte

Publié le 20 mars 2018 à  17h00 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h59

D’ici janvier 2019 au pied des calanques, le territoire de la métropole Aix Marseille Provence aura son unité de projection et d’injection de biométhane. Le projet est ambitieux, il se construit avec le groupe Suez et va nécessiter pas moins de 9,2 millions d’euros d’investissement.

La construction, au pied de la calanque de Sormiou, de la plus grande unité de production et d’injection de biométhane en France (Photo Carole Payrau)
La construction, au pied de la calanque de Sormiou, de la plus grande unité de production et d’injection de biométhane en France (Photo Carole Payrau)
L'usine de traitement des boues d'épuration est implantée dans la calanque de Sormiou depuis 1987(Photo Stéphane Lavoué)
L’usine de traitement des boues d’épuration est implantée dans la calanque de Sormiou depuis 1987(Photo Stéphane Lavoué)

Pionniers de la transition énergétique

La construction, au pied de la calanque de Sormiou, de la plus grande unité de production et d’injection de biométhane en France à partir du traitement des eaux usées ne peut être meilleure illustration de la voie dans laquelle s’engagent conjointement la métropole Aix-Marseille Provence et le groupe Suez, via sa filiale Seramm (Service d’assainissement Marseille métropole). Pour ce dernier, la volonté est affichée : «augmenter de 30 à 50 % notre production de biométhane en France d’ici 2020, en partenariat avec nos clients collectivités et industriels», avance Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez. Une ambition partagée sur le territoire de la métropole, plus que jamais engagé dans la voie de la production d’énergie verte. Il faut dire que l’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit ni plus ni moins de gagner l’indépendance énergétique rappelle Alexandre Gallese, élu au bureau de la métropole chargé de la stratégie environnementale, du Plan Climat et de la prévention des risques. «La question de l’énergie est sensible : la facture de la métropole en la matière, c’est 8 Mds€, or nous n’en produisons que 7 %. Ce qui signifie que l’on importe de l’énergie qui sera de plus en plus chère. Produire de l’énergie propre permettra donc d’obtenir un coût de facture à la baisse.» Ce projet est ainsi pour les élus présents lors du lancement officiel des travaux de construction, «la démonstration concrète que la Métropole peut avoir un sens», renchérit de son côté Roland Giberti, vice-président d’AMP délégué à l’eau et à l’assainissement.

Au cœur de l’économie circulaire

Une Métropole rejointe par d’autres acteurs pour financer cette nouvelle infrastructure, ainsi que le rappelle le préfet de région Pierre Dartout : «Si nous sommes tous d’accord sur les objectifs, ils ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre. Pour faciliter cette mise en œuvre, il faut un solide partenariat. Et tout le monde s’est mobilisé aux côtés de l’entreprise pour favoriser cet investissement.» Il se répartit ainsi entre la Métropole (2,65 M€), le Seramm (2,38 M€), l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (2,52 M€), la Région Sud Paca (800 k€) et l’Ademe Paca (640 k€). Soit 9,2 millions d’euros pour jouer ambitieusement la carte de l’énergie verte. Car, c’est «une autre dimension» qui se dessine, martèle Hervé Madiec, directeur régional Suez Eau Paca. «Nous avons déjà réalisé ce type de projet à Annecy ou Strasbourg, mais pas à une telle ampleur.» La volonté à présent, c’est donc de changer d’échelle, afin que ces unités «deviennent des sites de ressource et que l’on s’inscrive dans l’économie circulaire». Circulaire, le mot ne peut être mieux choisi. Ainsi le qualifie également la conseillère régionale et métropolitaine Béatrice Aliphat, évoquant «un projet basé sur un mix énergétique et des filières courtes». Tout part, en effet, des foyers marseillais, rejetant des eaux usées prises en charge par Géolide, soit un volume traité de «200 000 m3 par jour», rappelle Roland Giberti. Les eaux propres seront rejetées en milieu naturel, tandis que les boues – 40 000 tonnes par an prises en charge, complète celui qui est aussi maire de Gémenos – seront évacuées vers l’usine de Sormiou. Au pied des calanques s’effectuera ainsi la récupération de l’énergie émanant des boues, épaissies, digérées par dégagement de biogaz dans les trois digesteurs de l’usine réhabilités. D’autres étapes, celles qui nécessiteront de nouveaux équipements, permettront enfin d’épurer, d’opérer une filtration membranaire et d’odoriser ce biogaz pour en faire un biométhane de type H, conforme donc aux spécifications de GRDF. Et réinjecté ainsi en direction des foyers marseillais…

2 500 foyers alimentés

L'unité de production et d'injection de biométhane de Suez devrait alimenter, dès le 1er janvier 2019, près de 2500 foyers marseillais (Photo Altivue)
L’unité de production et d’injection de biométhane de Suez devrait alimenter, dès le 1er janvier 2019, près de 2500 foyers marseillais (Photo Altivue)

Il faudra un peu moins d’un an pour reconfigurer l’usine de traitement des boues, la mise en production étant prévue pour le 1er janvier 2019. A l’issue de ces travaux, le biométhane obtenu pourra être «compressé et réinjecté dans le réseau de GRDF. Un appel d’offres sera lancé afin qu’un acteur le rachète», poursuit Hervé Madiec. Une opération gagnante qui du fait de cette vente n’impactera pas la facture des résidents de la Métropole et permettra donc un «retour sur investissement», observe encore Béatrice Aliphat. Il se chiffrerait à 1,7 M€ par an. En termes de capacité, cette unité de traitement permettra de produire 2,3 millions de Nm3 annuels et d’alimenter ainsi en énergie verte près de 2 500 foyers, soit en moyenne près de 8 000 personnes. Toutefois, Suez voit plus grand : l’installation est dimensionnée pour une extension future à 3,8 millions de Nm3 par an. Une performance qui fera de l’unité de Sormiou la plus importante de France. De quoi lui permettre d’alimenter alors en sus, en GNV à l’année, quelque 150 bus de ville. Finalement, l’intérêt du projet est transverse, il apporte sa pierre à l’édifice des nombreux domaines dans lesquels la Métropole entend apporter de l’efficience, rappelle ainsi Jean-Claude Gaudin, président d’Aix-Marseille Provence et maire de Marseille : «transports, développement économique, transition énergétique, amélioration de la qualité de vie, voici un large panel des registres sur lesquels nous activons les leviers d’intervention d’Aix-Marseille Provence».

Cap sur le vertueux, un pari gagnant

Mais le bénéfice se pose surtout en termes de respect environnemental. En effet, l’unité de Sormiou augmentera de 35 % la part de biogaz valorisable et génèrera une diminution des émissions de CO2 de l’ordre de 30 %. Bref, un projet bien dans la veine des objectifs définis par la Loi pour la transition énergétique et la croissance verte, qui fixe à 10 % la consommation de gaz renouvelable en 2030. Ainsi le territoire de la Métropole se met-il au diapason de ces ambitions. Elles vont de pair avec celles du groupe Suez, qui envisage de «devenir une des grands acteurs du biogaz et du biométhane», avance Jean-Louis Chaussade, anticipant ainsi la problématique de raréfaction des ressources, qui «va impacter les modes de vie du XXIe siècle, avec le réchauffement et l’accroissement de la population». Le cap est mis sur le vertueux, la stratégie s’avèrera vraisemblablement gagnante car synonyme aussi de levier de croissance, en France comme au-delà des frontières. «Suez est une société internationale qui a besoin d’avoir des racines françaises. A Marseille, nous allons mettre en avant notre savoir-faire qui sera ensuite exporté à l’international», conclut le directeur général du groupe.
Carole PAYRAU

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