Tribune d’Eric Delbecque: La France n’est pas en déclin : ce sont ses élites qui cultivent l’impuissance…

Publié le 25 janvier 2017 à  13h23 - Dernière mise à  jour le 29 novembre 2022 à  12h24

Les élections présidentielles approchant, c’est une bonne période pour parler posément des thèses sur le «déclin» français… Ce sont des perceptions (nourries par contre par des réalités) qui nourrissent le succès de thèses aussi différentes que celles de La France qui tombe (Nicolas Baverez), du Suicide français (Eric Zemmour) ou de Situation de la France (Pierre Manent), pas une réflexion raisonnée sur nos forces et nos faiblesses. Ce déclinisme se transforme dès lors en idéologie parce qu’il traduit un pessimisme, une peur de la disparation lente de la communauté nationale.

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Formuler dans un premier temps le concept d’impuissance française, c’est combattre la sensation fausse du déclin, croire qu’il existe des solutions, et en finir avec les verrouillages idéologiques (et les dispositifs opérationnels qui en dérivent) empêchant la naissance ou l’émergence d’alternatives. Partir de l’impuissance française, c’est militer pour la puissance française, c’est-à-dire pour un développement, un dynamisme et une influence réaffirmés (mais revisités). C’est aussi refuser l’idéologie pour rassembler sur des principes, des valeurs et des objectifs, et non sur des dogmatismes qui empêchent de regarder notre pays et le reste de la planète tels qu’ils sont ! Ce qui nous prive par la même occasion de la capacité de discerner les chemins de l’espoir.

En fait, l’impuissance française est organisée, fabriquée, plus ou moins consciemment, par nos élites. A les écouter, rien n’est possible… Les contraintes extérieures (internationales), les blocages intérieurs, le poids d’infinies données quantitatives (toutes défavorables à la France selon elles), ne nous laisseraient plus qu’une seule option : nous plier à la loi des plus influents du moment (Etats-Unis d’abord, Chine ensuite), faire preuve d’un éternel suivisme, sans jamais imaginer comment nous pourrions prendre l’initiative. Trouver des solutions innovantes, sortir des sentiers battus, leur paraît également insurmontable. La sclérose bureaucratique, adossée à la doxa de la technocratie de l’Union européenne (Commission en tête), fait des ravages…

Un exemple particulièrement concret sert ici d’illustration : l’organisation de l’Etat et la haute fonction publique. L’énergie et la créativité y sont quasi systématiquement étouffées, avec méthode. Les solutions inédites proposées par certains sont écartées par principe, simplement parce qu’elles n’ont aucun précédent… L’appel aux compétences du privé s’avère extrêmement rare, alors même qu’il existe dans le recours aux contractuels de haut niveau (en général CDI et CDD de droit public) des possibilités insoupçonnées (points de vue originaux, comportements dynamiques, méthodes indexées sur la performance et le résultat, goût prononcé – contrairement aux idées reçues – pour la construction d’un intérêt général, etc.). Pour cette raison entre autres, le monopole de l’ENA sur la direction de l’Etat est chaque jour un peu plus insupportable pour l’écrasante majorité de la nation.

De la même manière, les partenariats public/privé sont la plupart du temps insuffisamment explorés, alors qu’ils forment une des clefs du développement économique et de la conquête de marchés (à cet égard, les pôles de compétitivité s’affirmèrent comme une expérience capitale faiblement exploitée, sous-évaluée et maladroitement stimulée). Le travail commun entre l’Etat (stratège et partenaire), les entreprises et la société civile s’affirme pourtant comme le cœur même de cette « union nationale » que chacun appelle de ses vœux ! C’est là qu’il faut la trouver, et non dans l’éradication de toutes les différences et sensibilités politiques, intellectuelles, morales ou culturelles.

Autre perspective. Les économistes sont légion à affirmer que l’engagement insuffisant de la France dans la voie de l’apprentissage et de la formation professionnelle entrave grandement l’amélioration de la situation de l’emploi. De la même manière, ils mettent en cause l’efficacité de Pôle emploi. Une plus grande implication des entreprises peut seule nous autoriser à avancer dans ces domaines. Pourtant, nos scléroses idéologiques, les réflexes bureaucratiques, nous empêchent d’admettre ce qui crève les yeux.

La même réticence à la coopération marque le domaine de la sécurité. Au lieu d’avancer décisivement dans le travail collaboratif entre les forces publiques de sécurité (DGGN, DGPN, polices municipales) et les sociétés privées (régulées de manière appropriée), on continue de tergiverser en agitant de faux débats idéologiques (du type : « les sociétés privées témoignent de l’abandon des fonctions régaliennes », ce qui s’affirme comme une contre-vérité absolue). Ceci alors même que ces entreprises pourraient, par ailleurs, jouer un rôle non négligeable d’ascenseur social pour des jeunes issus de la diversité ou en situation d’échec scolaire.

Face à l’immobilisme administratif ou bureaucratique en général, c’est précisément l’esprit d’innovation (et non celui de déconstruction stérile) constitutif du modèle start-up, familier aux TPE et PME, qu’il faut urgemment et massivement promouvoir. C’est une véritable philosophie d’action. Le chemin sera long…

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Eric DELBECQUE, Président de l’ACSE, coauteur avec Christian Harbulot de : L’impuissance française : une idéologie ? (Uppr)
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