Tribune de Jean-Marc Coppola – Code du travail : mort sur ordonnances

Publié le 6 septembre 2017 à  10h01 - Dernière mise à  jour le 29 novembre 2022 à  12h30

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Le Medef en rêvait depuis longtemps : Macron, en bon serviteur de la finance, est en train d’exaucer ses vœux les plus ultralibéraux. Rappelons-nous en 2007, cet éditorial d’un vice-président du syndicat patronal, Denis Kessler, réclamant le détricotage du modèle social français issu du Conseil national de la résistance pour, disait-il, gagner en compétitivité. Sarkozy avait alors entamé la sale besogne, Hollande, trahissant les valeurs et les idéaux de la gauche, a poursuivi particulièrement avec la loi El Khomri, et Macron se disant ni de droite, ni de gauche, lui compte bien libérer le grand patronat afin qu’il puisse gagner un maximum de profits sans être inquiété ni par la loi, ni par la justice prud’homale, ni par des statuts et conventions collectives, ni même par les syndicats de travailleurs.

Inversion de la hiérarchie des normes par la loi qui n’a plus de valeur première et recours aux référendums bidons avec chantage à l’emploi ; licenciements facilités avec des indemnités plafonnées pour licenciement illégal ; représentation des salariés affaiblie par la suppression des CHS-CT (Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et par la fusion des autres instances représentatives du personnel CE et DP ; flexi-précarité pour tous par l’extension des contrats de chantier et contourner les embauches en CDI ; tels sont les cinq projets d’ordonnances qui dynamiteraient la protection des travailleurs et instaureraient un régime où la dérogation devient la règle.

Au risque d’être traité d’excessif, j’ose parler d’un recul de société de plus d’un siècle, puisque le Code du travail date de 1910 avec tous ses enrichissements et jurisprudences au fil de l’évolution du droit du travail. La ministre du Travail, avocate des actionnaires qui a touché un million d’euros de stock-options, l’a avoué lors de la présentation du texte de 200 pages le 31 août dernier, il s’agit pour elle de «changer l’état d’esprit du Code du travail» et son entourage de préciser : «Le rôle de la norme sociale n’est pas de combattre les inégalités -sous entendu entre employeurs et employés- mais de créer d’abord les conditions de la liberté de produire». Liberté de produire à n’importe quel prix, dans n’importe quelles conditions.

L’ambition est claire et les premières ordonnances élaborées dans le plus grand secret dans les cabinets du Président de la République et du Premier ministre, discutées ni avec les parlementaires, ni avec les organisations syndicales, sont le premier étage de la fusée de démolition de l’Histoire sociale de notre pays. Doivent suivre celles concernant l’assurance chômage, la formation professionnelle et l’apprentissage. Sans parler des retraites qui à défaut de nouvelle réforme, pour l’instant, se verront baissées par l’augmentation de la CSG à charge des retraités. Il s’agit bel et bien de transférer de manière massive les richesses produites par le travail, des poches des travailleurs vers les profits des actionnaires. Et pour se faire, toutes les contre-réformes y passent, y compris sur la protection sociale. Cette dernière n’est d’ailleurs pas annoncée comme telle. En effet comment ne pas comprendre que le tour de passe-passe de baisser les cotisations sociales (patronales) pour soi-disant donner du pouvoir d’achat aux salariés se traduira par une baisse des prestations sociales, qui in-fine coûtera plus cher aux affiliés qui devront de plus en plus avoir recours aux assurances ?

Comment ne pas comprendre que si l’abandon du RSI (Régime social des indépendants) qui pourrait être une avancée pour les affiliés concernés, risque de se traduire par une arnaque avec un élargissement du nombre d’auto-entrepreneurs qui, dorénavant, paieraient la TVA, cet impôt si injuste ? Nous sommes dans une étape supplémentaire de la fiscalisation de la protection sociale. Autant dire qu’il faut rapidement stopper ces pourfendeurs des droits, des lois et des garanties collectives. Alors que les 40 entreprises françaises cotées en Bourse voient leurs bénéfices augmenter de 26,5% en passant de 41,3 milliards d’euros au premier semestre 2016 à 52,2 milliards d’euros cette année, il est grand temps de taxer ces bénéfices pour les reverser dans les investissements pour l’industrie française et pour sécuriser et protéger les personnes et l’environnement.

La mobilisation des salariés s’organise avec un premier rendez-vous le mardi 12 septembre, non seulement pour s’opposer à ce recul de société mais pour faire valoir des propositions de progrès social par un véritable dialogue social, par exemples avec de nouveaux droits pour les travailleurs, une grande réforme de la fiscalité pour une juste répartition des richesses, des investissements publics dans la recherche et la production… L’histoire récente en 1995 avec Juppé (retraite) et en 2006 avec Villepin (CPE), a montré que les luttes populaires et unitaires peuvent faire capoter les ambitions funestes des gouvernements qui tournent le dos à l’intérêt général et aux biens communs.

Jean-Marc Coppola est Conseiller municipal PCF de Marseille- ancien vice-président de la région Paca

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