Covid-19. Tribune en vers du Dr. Jack Bouhours : « Témoin sans masque »

Publié le 24 avril 2020 à  20h39 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  12h47

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Au début de l’hiver
A l’autre bout de la terre
Un virus d’une famille connue a muté
Et a proliféré.
Alors que sur place l’épidémie progressait
Et que les décès se multipliaient
Nos responsables se voulaient rassurants
Et tenaient des discours lénifiants.
L’épidémie a pris la dimension d’une pandémie
Et les discours se sont adaptés à nos pénuries.
Pour en justifier le manque criant pour le personnel de santé
Le port des masques n’était plus d’une grande efficacité.
A la télé, des journalistes, côte à côte, non protégés,
Discouraient des heures, suffisants, enflammés et inspirés
Sur une question hautement existentielle,
Totalement débile dans le contexte et mortelle,
Devait-on réduire les spectateurs des épreuves sportives,
Était-il possible de les renvoyer à une période moins craintive ?
Il est vrai que les décisions successives des autorités
Brillaient essentiellement par leur légèreté,
Par exemple en décidant, au début, la limitation
A 5 000 spectateurs pour les réunions et compétitions.
Apparemment nous avions affaire à un virus savant
Qui avait acquis des neurones en mutant,
Jusqu’à 5 000 il restait inoffensif
A partir de 5001 il devenait agressif.
Témoin indifférent des promesses assurées du gouvernement
Face à la réalité des moyens insuffisants accordés aux soignants,
L’hiver, lui, s’en foutait royalement
De tous ces humains inconséquents
Qui, de parasites terrestres confirmés,
Étaient devenus des parasités.

A l’aube d’un printemps
Au soleil renaissant
Où les couleurs se réveillent,
L’imaginaire s’est fracassé
Sur une réalité dans laquelle le rêve s’est noyé.
En mettant fin aux atermoiements désorientés
Et aux recommandations contradictoires réitérées
Nos gouvernants ont pris les difficiles bonnes décisions,
Fermeture de tous les lieux où les gens peuvent se concentrer
A l’exception des tabacs et des commerces d’alimentation,
Confinement chez eux des personnes, mesure absolument appropriée,
Même si, ici, elle ne réduira pas le volume d’infection
Elle écrête la vague de contamination
Évitant aux services de soins d’être totalement dépassés
Et diminuera ainsi le nombre de décès.
Cette mesure a mis au jour des comportements problématiques
Systématiquement révélés dans toutes situations dramatiques :
Egos un peu démesurés de chercheurs réputés
Qui se contredisent et s’affrontent sous nos regards interloqués,
Dégradation de voitures de soignants épuisés
Rejetés par des personnes qui ne se pensent pas infectées,
Ventes de masques de protection illégales,
Hausse des violences conjugales.
Comportements d’individus minables et désespérants,
Compensés humainement par des gestes épatants
Tels les applaudissements à 20h adressés,
Des fenêtres et des balcons, au personnel de santé.
Mais il ne faut pas oublier les autres acteurs de la nation
Conducteurs, forces de l’ordre, postiers, tout le circuit de l’alimentation…
Et garder une pensée solidaire pour tous les gens dans la misère
Et les habitants jeunes et moins jeunes des quartiers galères.
Témoin indifférent de la quantité de personnes en réanimation
Et du nombre de morts en désespérante augmentation,
Le printemps, lui, s’en foutait royalement
De tous ces humains déconcertants
Héros méconnus du quotidien,
Sales cons reconnus ou vauriens.

Au cours de l’été
Dont rien n’a freiné la frivolité,
Où les feuilles frémissent aux caresses des vents
Où les cigales s’enivrent à cœur chantant
Où quand la lumière se fane
Émanent de la terre
Les parfums du mystère
Et des ombres diaphanes,
La tempête cruelle s’adoucit
L’horizon brumeux s’éclaircit.
Les vagues déferlantes s’émoussent sur les rives meurtries
En restant soumises à des tourbillons de vents subits.
La virulence du virus semble s’être un peu adoucie
Mais des épisodes sporadiques locaux ont resurgi.
Par paliers, après des tests sérologiques effectués,
Les employés reprennent par région leurs activités.
Les gens, hésitants, renouent des contacts entre eux,
Pour un certain nombre trop imprudemment,
Oublieux des prières qu’ils adressaient il y a peu,
Trop heureux d’être vivants
Ou délivrés de cette solitude invivable
Et affamés de ces liaisons sociales irremplaçables
Pour lesquelles la pandémie aura souligné
Le rôle essentiel des réseaux sociaux pour les alimenter.
Beaucoup se noient dans la fête
Jusqu’à s’abrutir dans l’ivresse.
Témoin indifférent de l’incompréhension de nouvelles priorités
Et d’un retour à un temps toujours moins vrai,
L’été, lui, s’en foutait royalement
De tous ces humains imprudents,
De ces humains irraisonnés
Qui, de cette épreuve, n’ont pas trop retirés

Au cours de l’automne et de l’hiver
Où les rêves se désespèrent
Où les couleurs de l’horizon se ternissent
Où les oiseaux de la fantaisie s’éclipsent
Où les jours plus insouciants se raccourcissent
Où les parfums de la vie s’affadissent
Où le spleen surfe sur les vagues grises
Où l’amertume ne lâche pas prise,
Le virus s’est domestiqué
Les prières sont oubliées
Les nuages se sont déchirés
Et libèrent des pluies un peu alcoolisées
Qui, de sources de froideur,
Sont devenues fontaines de chaleur
Où la vie se boit avec avidité
Malgré un soleil trop faible pour brûler.
Le désespoir s’est endormi
La mélancolie glisse au ralenti
Espoir d’un avenir accroche cœur
Par-delà l’oubli faussement salvateur,
Parce qu’une bonne partie des gens,
Quel qu’en soit le continent,
N’ont d’autre choix que la vie au quotidien
Et à un futur qui se mesure du lendemain au mois prochain
Et qui, de ce drame, qui aura encore plus révélé les inégalités,
En sortiront plus démunis, plus blessés et plus révoltés,
Portes ouvertes à tous les extrêmes
Autoroutes à tous les anathèmes.
Chez les personnes confrontées à un deuil non fait,
Chez celles un peu inadaptées et exclues de la société,
Chez de nombreuses, fragiles psychologiquement,
Et celles qui n’ont pu suivre leur traitement régulièrement,
Le confinement a révélé ou enraciné des blessures enfouies ou avérées
Qui vont nécessiter des traitements individuellement adaptés.
Mais pour tous, alléluia,
Des représentants des cieux sont là,
Qui, après cette période d’horreur,
N’ont pas l’intention de perdre les bénéfices de leur dur labeur.
C’est le ring de catch des règlements de compte politiques
C’est l’O.K Corral des règlements de compte économiques.
D’un côté l’équipe du Président élu par la nation
De l’autre les représentants divisés de l’opposition.
Rassurez-vous, il n’y aura ni réanimation ni mourant,
Ils se tirent dessus avec des balles à blanc.
Pour le gouvernement aux accents patriotiques,
Avec l’aide de tous les chers Français à remercier,
La France a gagné la guerre,
Pour les opposants aux accents démagogiques,
Qui n’ont fait tout au long que se protéger et critiquer
L’état a conduit la France à la misère.
Opposition à la mémoire curieusement défaillante
Qui a oublié qu’elle parlait de coup d’état fatal
Si le gouvernement, malgré la situation contaminante,
Décidait d’ajourner les élections municipales.
Chance d’élection favorable
Au diable les risques de contamination,
Fenêtre d’élection immanquable
Au diable la survie en réanimation.
« Mais c’est de la tactique politique » ! Minables !
« Mais on ne savait pas » ! Irresponsables !
La stratégie politique agressive dans un temps aussi blessé
Excuse-t-elle l’absence d’un minimum de dignité,
D’un peu de respect pour tous les gens concernés ?
Ce comportement mérite-t-il d’être pardonné et oublié ?
Cela n’exonère pas les représentants de la nation
D’une honnêteté douteuse dans leur communication
Et d’une irresponsabilité sur le rôle des masques de protection
Même si peu de monde aurait pu prévoir cette situation.
La pensée élastique et démagogique
Ne légitime pas la justification systématique.
Regarder le peuple au fond du cœur
Sans le prendre pour une mosaïque de crétins,
Des affolés agités qui ne comprennent rien,
En tenant un langage vrai
En reconnaissant une impréparation fondée,
C’est le véritable courage, c’est la grandeur.
Si certaines vérités peuvent être source d’anxiété gérable
L’incertitude fluctuante induit des crises d’angoisse invivables.
Sans aucun parti pris
Sans soutenir aucun parti
Qui aurait pu, au mieux, faire face de la même façon ?
Personne mais chacun joue sa propre partition,
Ils doivent assurer leur élection ou réélection.
Le débat ne sera jamais clos, loin de là,
La politique est leur boulot, ils ne vivent que grâce à ça.
Témoin indifférent du combat entre des individus peu vertueux
Que bien peu de monde respectent si ce n’est entre eux,
De la guerre économique qui fait rage
Et aboutira comme d’habitude à une distribution sans partage,
La Terre, elle, s’en fout d’eux royalement
Mais, pour une fois, pas plus que nous simples citoyens lambda,
La Terre attend sans impatience et avec détachement
Une pandémie prochaine beaucoup plus grave d’un virus mutant
Qui, au moins temporairement, la soulagera
Sans que nous en retenions le moindre enseignement,
Encore une fois….
Mais pas la dernière fois.

Le 27 mars 2020

Le Dr. Jack Bouhours est l’auteur du livre « la pandémie de grippe aviaire est inévitable» – Écrit en 2006 sorti en janvier 2008 chez Chiron éditeur.

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