Tribune libre de Caroline Pozmentier : pour une sécurité solidaire en Méditerranée

Publié le 20 avril 2015 à  18h44 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h49

Caroline Pozmentier, adjointe au maire de Marseille, déléguée à la Sécurité Publique et Prévention de la Délinquance face aux événements tragiques qui touchent les réfugiés de s’inscrire dans une sécurité solidaire en Méditerranée. Marseille, Porte de la Méditerranée, devant marquer par son exemplarité.

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Le politique est confronté à deux risques : celui de céder à l’émotion et, celui de l’exclure de sa pensée. Alors, oui, comment ne pas dire son émotion, devant ces personnes qui viennent de laisser leur vie en Méditerranée. Comment ne pas se rappeler des propos du Pape, devant le parlement européen, évoquant «la Méditerranée devenue un cimetière». Comment ne pas dire «Plus jamais ça». Comment ne pas se dire qu’il est urgent de réfléchir, de trouver des réponses. Comment ne pas poser la question de la sécurité. Des personnes, sur la rive Sud, sont prêtes à mettre leur vie en péril pour en bénéficier un peu, eux qui subissent l’insécurité de la guerre, l’insécurité de la misère. Comment croire que la négation ou des barbelés pourront régler le problème ? Comment croire que l’écho de ces souffrances n’a pas d’écho ici. Dans la tourmente actuelle, au-delà de la solidarité, c’est d’une politique euro-méditerranéenne dont nous avons besoin. C’est aussi de sécurité. Mais de quoi s’agit-il au juste ?
La sécurité est aujourd’hui une question centrale, tant en matière de politique intérieure, européenne, internationale. Nous sommes confrontés à de vrais drames, de vrais enjeux. Certains utilisent le terrorisme pour tenter de piéger nos démocraties. D’autres, passant parfois par des filières criminelles, tentent de fuir la misère, les conflits. Et il en est, ici, qui utilise la sécurité pour développer un discours anxiogène, déconnecté des réalités mais qui n’est que haine de l’Autre.
Rappelons-le, les chiffres de la délinquance diminuent à Marseille. Cela est-il suffisant? Il faut toujours aller plus loin. Surtout, il faut bien que les citoyens et les élus des collectivités locales puissent considérer qu’une politique de sécurité est l’affaire de tous ici et partout d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Il ne s’agit pas de dire que chacun doit se transformer en délateur ou se replier sur soi-même mais devenir un acteur engagé. Habituée par son histoire à s’ouvrir aux innovations, Marseille, porte de la Méditerranée, doit marquer par son exemplarité. Sur la sécurité, elle a aujourd’hui investi des moyens considérables dans l’humain : renfort et modernisation de sa police municipale, déploiement de la vidéo-protection, coproduction de sécurité, politique de prévention ferme de la délinquance par le rappel à l’ordre et le suivi personnalisé. Des moyens ? Nul ne peut nier les efforts de la ville de Marseille en ce domaine; mais aussi, gouvernementaux ? Et là le compte n’y est toujours pas. Nous devons construire à l’échelle des territoires une politique commune pour contrôler et coordonner avec cohérence les flux migratoires.
Enfin, sécurité et éducation ne sont pas à opposer. L’éducation, les armes intellectuelles qu’elle fournit, est la première réponse, le premier rempart à la violence. C’est en ces termes que se pose la question de la sécurité : elle doit restaurer la confiance pour combattre la barbarie qui veut se muer en modèle.
Face à des comportements de plus en plus violents étalés sur la toile, des moyens de communication qui ont bouleversé l’information, les hommes politiques doivent faire preuve de courage et d’innovations. Le courage de dénoncer et combattre la violence et d’écouter la vérité. Le courage d’être clairs et de rappeler sans cesse que l’ordre et l’autorité ne sont pas des insultes aux libertés, tout au contraire, ils en sont une composante. Dans notre mission que nous ont donnée les urnes, aucun compromis n’est acceptable si nous voulons que la société des Nations libres et éclairées ne soit plus en danger imminent. Le vivre-ensemble n’a plus d’écho auprès de notre jeunesse, parlons leur de respect mutuel, offrons leur l’opportunité d’être acteurs.
Le courage de donner aux nouvelles générations la fierté d’être Français et cela sans ignorer leurs racines. Et, favoriser la compréhension de l’apport que leur famille a donné, parfois dans la douleur, à la Nation.
Le courage, en particulier dans notre région, de renouer avec l’histoire du berceau de notre civilisation: la Méditerranée. Le courage d’en être fiers.
Le courage de faire de cette mer un espace économique moderne propulsant ses ressortissants à l’échelle de l’Europe et du monde; puisant dans ses cultures, dans leurs différences mais aussi leurs convergences, des pistes de réflexions aux enjeux que posent la mondialisation. Le courage d’instruire l’Histoire de donner un socle commun aux jeunes générations. Car, comme l’indique l’historien Marc Bloch «L’ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent : elle compromet, dans le présent, l’action même».
Personne ne quitte son pays de gaieté de cœur et les départs irrégulièrement organisés des migrants, appauvrissent leur pays d’origine et n’apportent rien aux pays, aux villes et aux régions où ils s’échouent, si ce n’est de l’insécurité et le désespoir. Mais, encore une fois, il ne s’agit pas d’interdire pour interdire, c’est tout autant inhumain qu’inefficace. Cela doit s’inscrire dans une politique d’innovation sans complexe pour rassembler et fédérer sur la formation professionnelle, universitaire, facteur de codéveloppement prenant acte de la réalité des territoires dans leur dimension économique mais aussi environnementale.
Le citoyen doit être au cœur de la politique de notre région euro-méditerranéenne. Un citoyen fier de son identité au service de la Paix et du respect mutuel dans un espace de civilisation partagé combattant la barbarie et l’humiliation.

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