Tribune libre de Jean-Marc Coppola : « TAFTA, ça passe ou ça se casse

Publié le 2 mai 2016 à  21h08 - Dernière mise à  jour le 29 novembre 2022 à  12h31

Jean-Marc Coppola (PCF-FdG) -conseiller municipal de Marseille, élu des 15/16 et ancien vice-président de la Région Paca- apporte dans sa Tribune des éclairages sur le Traité Transatlantique: plante le décor, dénonce, alerte…

Jean-Marc Coppola  (Photo Philippe Maillé)
Jean-Marc Coppola (Photo Philippe Maillé)

Au moment où s’ouvrait le 13e cycle de négociations sur le traité transatlantique ou Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP en anglais ou TAFTA traité de libre-échange transatlantique), le président Barak Obama entamait sa tournée européenne en VRP du projet de domination impériale des États-Unis.
Deux raisons à la tenue de ce sommet européen, la première est l’urgence pour le capitalisme de conclure ces négociations qui n’en finissent plus, avant la fin du mandat du Président américain, au risque de reprendre les négociations avec la prochaine administration américaine, dont on ignore encore qui ce sera. Idem pour la France en 2017. La deuxième raison tient aux réticences européennes de la France, l’Allemagne, l’Italie et la Grande Bretagne, pour des motivations diverses et de circonstance. Si je prends la France, François Hollande, atlantiste et libéral n’a pas subitement pris conscience des dangers de TAFTA, mais après le revers sur la révision constitutionnelle, l’empêtrement dans le sujet brûlant de la loi El Khomri, et les sondages qui le mettent au plus bas, il ne souhaite peut être pas s’ouvrir un nouveau front de mécontentement. L’Allemagne, elle, n’est pas très pressée car elle est également engagée dans des échanges de coopération avec la Chine et a ainsi plusieurs fers au feu. Mais il est clair que les résistances exprimées par plusieurs ONG rendent plus difficile la tâche des gouvernements qui auraient souhaité plus de confidentialité, pour ne pas dire d’opacité sur ces négociations. Peut-être également la crainte de nouveaux scandales après le Panama Papers en a échaudé plus d’un.

Voilà pour la stratégie du moment

Sur le fond et si le projet aboutit, il instituera la zone de libre-échange la plus importante de l’Histoire, couvrant 45,5 % du PIB mondial, 850 millions de consommateurs, où marchandises et investissements vogueraient librement par-dessus l’Atlantique. A côté de ce traité, la loi Macron c’est du «pipi de chat». Le projet de loi El Khomri de la «nioniotte», non pas que ces lois ne soient pas dangereuses, si évidemment et je suis de ceux qui combattent ces lois libérales de déréglementation et de casse du Code du travail, mais le TTIP est le traité le plus diabolique qui soit. C’est le Traité européen puissance X, extrêmement dangereux pour nos vies quotidiennes. Les politiques d’austérité entrainent une crise de débouchés pour les multinationales. Les exemples sont nombreux dans l’agriculture, l’alimentation, les services publics et la culture. TAFTA permettrait d’instaurer un vaste marché de libre-échange entre l’UE et les États-Unis, allant au-delà des accords de l’OMC en visant le démantèlement des droits de douane restants. Il conduirait à niveler des règles sociales, économiques, sanitaires, culturelles et environnementales, en Europe et aux États-Unis. La production de lait et de viande avec usage d’hormones, la volaille chlorée et bien d’autres semences OGM, commercialisées aux États-Unis, pourraient arriver sur le marché européen. Une telle architecture juridique limiterait les capacités déjà faibles des États à maintenir des services publics (éducation, santé, etc.), à protéger les droits sociaux, à garantir la protection sociale, à maintenir des activités associatives, sociales et culturelles préservées du marché, à contrôler l’activité des multinationales dans le secteur extractif ou encore à investir dans des secteurs d’intérêt général comme la transition énergétique. Ça c’est pour le fond de manière très synthétique. Et pour la démarche, un jeu d’enfant. Personne ne le voit, ou si peu, car c’est comme l’idiot qui regarde le doigt, quand le sage désigne la lune, on nous fait regarder Daesh au lieu de nous battre contre un des plans les plus dangereux de ce début de XXIe siècle. Et pour ne choquer personne, je préviens juste qu’il faut éradiquer Daesh et le terrorisme (fruit du capitalisme moderne et non d’une religion), mais on nous confine dans un état de guerre volontairement pour ne pas voir le reste.

Réfléchissons un instant

Le 11 septembre 2001 a été un formidable cadeau géostratégique pour Pékin. Une anecdote illustre parfaitement ce paradoxe. Après la prise de Bagdad, la Maison-Blanche s’est rendu compte que, pour reprendre les exportations de pétrole irakien, elle avait besoin d’une résolution de l’ONU légitimant l’invasion. A l’époque, Kishore Mahbubani, qui raconte ce fait réel, siégeait au Conseil de Sécurité en tant que représentant de Singapour. Quand l’administration Bush a obtenu l’adoption des textes qu’elle souhaitait, il a félicité ses amis diplomates américains. A sa grande surprise, ils lui ont dit : «Nous devons tout à Pékin». Les dirigeants chinois avaient donné très facilement leur feu vert à l’occupation américaine. Pourquoi cette faveur ? Pour que Washington s’empêtre en Irak et ne s’occupe pas de la Chine. Et c’est ce qui est arrivé. Au-delà des espérances de Pékin. En échange du vote chinois, George Bush a même, quelques semaines après, fait pression auprès du président taïwanais afin qu’il renonce à ses velléités d’indépendance.

Et des guerres en Irak est né Daesh, la boucle est bouclée.

Ils nous promènent pour faire prospérer le capitalisme, qui lui, se moque de qui gouverne, l’essentiel est qu’il continue de prospérer. L’élection en Autriche avec l’extrême droite en tête dimanche dernier en est la meilleure preuve.
TAFTA est une arme de domination du capitalisme au moment où le monde devient plus incertain, avec un renversement majeur du rapport des forces économiques et donc géopolitiques, il a besoin de conforter une valeur sûre pour lui, les États-Unis.
Est-ce pour autant le bon calcul dans un pays où tout bouge aussi dans le meilleur – des jeunes progressistes donnent de la voix – comme dans le pire avec ce triste et dangereux personnage qu’est Donald Trump ? L’avenir le dira, mais tout dépendra de l’implication des peuples. Pour conclure, si l’on peut se féliciter des résistances aux négociations en cours, la meilleure réponse à apporter à Barak Obama, est par exemple qu’en France, François Hollande rende des comptes sur cet accord transatlantique et qu’il organise un référendum sur ce sujet qui nous concerne tous.

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