Tribune libre de Marc La Mola : « Blanchir plus blanc que blanc »

Publié le 1 octobre 2017 à  11h20 - DerniÚre mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h46

Lorsque l’on connaĂźt le chiffre d’affaires moyen du trafic de stupĂ©fiants dans la citĂ© phocĂ©enne ou que l’on tente de l’estimer on obtient trĂšs vite des sommes astronomiques voire vertigineuses faisant perdre pied Ă  n’importe quel trafiquant et encore plus Ă  nous pauvres contribuables disciplinĂ©s effrayĂ©s Ă  l’arrivĂ©e de notre tiers provisionnel.

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Je ne citerai que la citĂ© de la Castellane, dans le 16e arrondissement de Marseille, oĂč le chiffre moyen journalier atteint allĂšgrement les 50 000€ pour servir de base Ă  une estimation «à la louche» de ce que gĂ©nĂšre la vente de drogue et laisser aller votre imagination ainsi que votre calculette sur le chiffre gĂ©nĂ©rĂ© sur l’ensemble des citĂ©s Marseillaises.

C’est ainsi que rĂ©cemment les limiers de la PJ Marseillaise ont mis un terme Ă  un systĂšme de blanchiment d’une partie de cet argent se faisant entre nos quartiers et le Maghreb. Saisissant plus de 800 000€ destinĂ©s Ă  ĂȘtre transfĂ©rĂ©s pour ĂȘtre transformĂ©s en devises locales, les policiers, saisis par les douaniers, pensent avoir mis Ă  mal une combine au fonctionnement presque parfait. Le blanchiment de la plus grosse partie des revenus du deal se faisant ainsi permet aux citoyens que nous sommes d’oublier que le reste se fait en terre marseillaise.

Et oui n’en dĂ©plaise aux autoritĂ©s se cachant derriĂšre leur petit doigt ou derriĂšre les quelques saisies de drogue hyper-mĂ©diatisĂ©es, l’économie parallĂšle gĂ©nĂ©rĂ©e par le trafic de came fait vivre un pan entier d’une population et nombre de commerces.
Si Ă  cela on rajoute ce que me disaient, dĂ©pitĂ©s, les bailleurs sociaux chaque fois que je dĂ©mantelais un trafic de citĂ© Ă  savoir que les loyers n’allaient pas ĂȘtre versĂ©s pendant quelques mois, il est aisĂ© de comprendre que de l’argent sale alimente non seulement des commerces mais aussi des institutions elles mĂȘmes sous perfusion des collectivitĂ©s.

Est-ce une cécité sévÚre qui frappe les autorités ou une complicité implicite mise en place pour acheter une paix sociale et générer des bénéfices pour parvenir à maintenir des commerces qui, sans cette clientÚle douteuse, ne subsisteraient pas ?
Je l’ignore mais pour avoir ƓuvrĂ© dans ces quartiers durant de nombreuses annĂ©es je peux affirmer que la cane blanche et le labrador ne sont pas les Ă©quipements indispensables des Ă©lus locaux.

Le pouvoir rĂ©galien ferme aussi les yeux en laissant la dauphine se dĂ©pĂȘtrer d’une situation qu’elle a laissĂ© s’implanter. Par passivitĂ© et par choix Ă©lectoraux ou en favorisant EuromĂ©diterranĂ©e et le stade vĂ©lodrome, mais aussi par manque d’anticipation d’une situation criminelle, Marseille est aujourd’hui connue non seulement pour sa bouillabaisse et son Vieux-Port mais aussi par la qualitĂ© de son «shit» et le langage de ses Kalachnikovs.

Quelle ville magnifique ! s’écrient les touristes en regardant la façade bien ripolinĂ©e par une Ă©quipe d’élus vieillissants et s’accrochant Ă  leurs siĂšges comme des moules Ă  un rocher. Cette façade uniquement vue depuis le pont d’un bateau de croisiĂšre, ce visage illusoire d’une ville malade et surendettĂ©e dissimulĂ© sous une couche de blush si Ă©paisse qu’un simple coton Ă  dĂ©maquiller ne suffirait pas Ă  retirer.

Mais ce phĂ©nomĂšne n’est pas endĂ©mique et nous pouvons donc trouver des situations similaires dans d’autres dĂ©partements et aux pĂ©riphĂ©ries d’autres agglomĂ©rations. Certes mais devons-nous accepter d’ĂȘtre devenus des blanchisseurs d’un argent sale que nous faisons semblant de croire propre et, pour une fois, ne plus faire la politique de l’autruche chĂšre Ă  Marseille ?

AprĂšs tout l’argent n’a pas d’odeur me direz-vous, alors pourquoi refuser cette manne financiĂšre puisqu’elle sert Ă  maintenir une Ă©conomie parallĂšle, des investissements et mĂȘme, certaines mauvaises langues l’affirment, des aides consĂ©quentes pour faire des campagnes Ă©lectorales.
Allez continuons Ă  blanchir plus blanc que blanc !

Marc La Mola [[Marc La Mola a Ă©tĂ© flic durant vingt-sept annĂ©es. AprĂšs des dĂ©buts Ă  Paris, il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers Nord pour y exercer. C’est aussi lĂ  qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire, Ă  la tĂȘte d’un groupe d’enquĂȘte de voie publique, il a traĂźnĂ© dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touchĂ© du doigt la misĂšre et la violence de ces secteurs de la Ville. Marc La Mola a sans doute trop aimĂ© son mĂ©tier et c’est en 2013 qu’il dĂ©cide de mettre un terme Ă  sa carriĂšre. Il retourne Ă  la vie civile pour Ă©crire. Il est aujourd’hui auteur, romancier et scĂ©nariste. Chez Michalon Éditions il a publiĂ© : «Le sale boulot, confessions d’un flic Ă  la dĂ©rive», «Un mauvais flic, lettre ouverte Ă  Manuel Valls», «Quand j’étais flic  ». Ces trois tĂ©moignages relatent les moments forts de sa carriĂšre et ses diffĂ©rentes prises de position. C’est chez ce mĂȘme Ă©diteur qu’il publiera en mars 2017, «Police, Grandeur et DĂ©cadence» dans lequel il explique comment la police en est arrivĂ©e Ă  descendre dans la rue pour manifester son mĂ©contentement. Il est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar Ă  l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar a repris du service dans «Vallis Clausa», deuxiĂšme volet des enquĂȘtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturĂ©. Il est aussi scĂ©nariste et a signĂ© l’écriture de plusieurs synopsis optionnĂ©s par des maisons de production. Il enseigne Ă©galement l’écriture de scĂ©narios Ă  l’École supĂ©rieure du cinĂ©ma Cinemagis de Martigues (13)]]

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