UIMM Alpes-Méditerranée: Plan Aéro, portes ouvertes, le monde industriel blinde sa stratégie RH

Publié le 18 avril 2018 à  13h05 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h46

Maintenir en poste le personnel qualifié malgré les éventuels revers du marché et susciter dès aujourd’hui de nouvelles vocations pour mieux envisager l’avenir : c’est le double défi relevé par le monde de l’industrie en termes de Ressources Humaines (RH). Exemple avec la filière aéronautique, qui expérimente depuis un an, à l’initiative de l’Union des Industries et des métiers de la Métallurgie (UIMM) Alpes-Méditerranée, un Plan nommé Aéro.

Thierry Chaumont, président de l’UIMM Alpes-Méditerranée (Photo Robert Poulain)
Thierry Chaumont, président de l’UIMM Alpes-Méditerranée (Photo Robert Poulain)
Il n’a pas de plomb dans l’aile… Le moins que l’on puisse dire en effet, c’est que le plan Aéro, lancé l’année dernière par l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) Alpes-Méditerranée, semble remplir son office. Il faut tout d’abord rappeler le contexte et le pourquoi de ce dispositif. «C’est parti d’un constat un peu dur pour le monde de l’aéronautique et notamment pour les deux grands acteurs régionaux de la filière. Il y a Airbus Helicopter, qui a subi un véritable trou d’air. En gardant certes une part de marché importante sur la commande d’hélicoptères à l’échelle mondiale, sauf que le marché, lui, s’est divisé par deux», indique Thierry Chaumont, président de l’UIMM Alpes-Méditerranée. Évoquant un autre géant de l’aéronautique, Dassault aviation qui a, lui aussi, affiché un bilan en berne, «Il a connu quelques beaux succès avec la vente de rafales mais a souffert sur le segment de l’aviation d’affaires». Et, quand les donneurs d’ordre toussent, ce sont tous les sous-traitants qui s’enrhument… C’est pourquoi la branche a jugé nécessaire la mise en place de ce Plan Aéro. Plan qui poursuit plusieurs objectifs : le maintien de l’emploi des PMI et TPI du territoire. «Car, le jour où l’activité va redémarrer, il n’y aura plus de main-d’œuvre si ces dernières auront été contraintes de licencier». Une mésaventure connue, par exemple, pour mémoire dans les années 90 par le secteur du BTP, frappé de plein fouet par la crise et obligé de se séparer de ses effectifs… Avec la reprise de la décennie 2000, il avait fallu susciter à nouveau les vocations. Et reconstituer un vivier de personnel qualifié, cela demande du temps. Le monde industriel a souhaité ne pas en perdre en anticipant la question. Mais outre le maintien de l’emploi, le plan Aéro a également pour objet une montée en gamme des savoir-faire des sous-traitants. « Il est important que ces compétences soient toujours là. A savoir que les donneurs d’ordre sont aussi en attente d’innovation, de R&D, ils souhaitent que leurs sous-traitants aient des niveaux de compétences équivalents à ceux qu’ils peuvent trouver dans leur propre entreprise. On parle notamment d’industrie du futur, de robotique ou de cobotique, puisque de grands groupes se sont déjà robotisés, mais aussi de réalité augmentée, de réalité virtuelle, d’impression 4D… Il est donc nécessaire que les sous-traitants appréhendent ces nouvelles technologies».

7 504 heures de formation

C’est donc par le financement de formations adaptées que le plan Aéro, bâti par L’UIMM Alpes Méditerranée avec quatre organisations syndicales de salariés de la branche, CFDT, CFE-CGC, CFTC et FO, remplit ces objectifs. Un an après sa mise en place, le bilan est positif : lors de ce premier exercice, le plan a permis à quelque 1 147 stagiaires issus d’une petite trentaine d’entreprises de bénéficier de 7 504 heures de formation. Ce pour un montant global de près de 1,5 M€. «Un point important, c’est que tous les coûts inhérents à la dispense de ces formations sont pris en charge dans le cadre du plan», précise Thierry Chaumont. Le contenu de ces dernières peut viser l’amélioration des compétences métier ou de la performance industrielle, les nouvelles technologies évoquées plus haut… ou encore la diversification. Histoire de leur souffler un autre positionnement stratégique : «Certains sous-traitants sont confrontés à de graves difficultés. Nous voulons donc faire en sorte d’aider ceux qui en ont la possibilité d’adapter et de transférer leurs compétences afin de travailler dans d’autres secteurs d’activités. Le naval par exemple». Le plan Aéro dure deux ans. Ce premier point d’étape vient donc d’être réalisé, «avec les organisations syndicales salariées. C’est un projet que l’on mène ensemble, en définissant les priorités, les axes de formation, il montre l’importance du dialogue social en Région. Mais, le Plan a aussi été bâti avec l’UIMM nationale, il est donc regardé en haut lieu avec beaucoup d’attention». Pourrait-il donc être dupliqué sur d’autres territoires ? «Il est pour l’heure mis en place sur les Bouches-du-Rhône, le Var et les Alpes de Haute Provence. Mais un même accord vient d’être signé dans les Alpes Maritimes». Pour l’heure, si le plan, sur le territoire d’Alpes-Méditerranée, se trouve prorogé sur une deuxième année, «rien ne s’opposerait à le prolonger de nouveau. Mais, nous espérons que la stratégie de diversification que nous insufflons aux sous-traitants fera son œuvre, et que le trou d’air connu par la filière va prendre fin», formule Thierry Chaumont. Avec la reprise observée par nombre de décideurs économiques en région, ce n’est pas chose impossible…

Un mot : séduire

Outre le maintien dans l’emploi des forces vives du secteur ce, malgré les vicissitudes du marché, c’est tout l’ensemble du monde industriel qui doit faire face à un autre défi : susciter les vocations. En effet, selon une étude de l’Insee et de la Direccte parue en février 2013, avec 141 000 emplois industriels, soit 8,7 % des emplois salariés régionaux contre 13,9 % au niveau national, Paca est peu industrialisée. Elle figure au 7e rang des anciennes régions françaises pour l’emploi industriel et au 5e pour la valeur ajoutée industrielle, alors qu’elle occupe le 3e rang pour l’importance de sa population et du PIB. Par ailleurs, 90,2 % des 24 234 établissements industriels opérant dans la région emploient moins de dix salariés…. Mention peut mieux faire, donc : «Une industrie forte est essentielle à la compétitivité de l’économie française», rappelle Thierry Chaumont. Difficile notamment de développer des services de support s’il n’y a pas de secteur secondaire. Pour autant, susciter les vocations n’est pas chose aisée, l’industrie pâtissant encore aujourd’hui d’une image négative… injustement, il faut bien le dire. Car, on est aujourd’hui bien loin de celle du XIXe siècle, même si c’est cette conviction-là qui marque encore l’imaginaire collectif. «Il s’agit aujourd’hui d’énergies propres, de salaires plus élevés que l’ensemble de l’économie française (15% supérieurs), de formations plus pointues», développait récemment Alexandre Saubot, président de l’UIMM nationale. Certes… Mais comment faire passer le message ? En multipliant les rencontres avec les recrues potentielles. C’est pourquoi du 26 au 30 mars dernier, quelque cent acteurs du secteur ont fait découvrir leur activité aux collégiens, lycéens et étudiants à l’échelle de l’Hexagone. Sur les Bouches-du-Rhône et les Alpes de Haute-Provence, ce sont quinze structures qui ont ouvert leurs portes à 496 élèves issus de 20 lycées et collèges. L’occasion de montrer que l’industrie se modernise et peut être «sexy»… Mais aussi qu’elle offre des débouchés non négligeables, bien loin du phénomène de précarité : près de 90% des professionnels du secteur secondaire sont en effet en CDI.
Carole PAYRAU

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