CMAR Paca : la contribution des artisans au Grand débat national

Publié le 18 mars 2019 à  9h07 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  23h37

Ils ont à cœur de montrer qu’ils ont leur place dans cet élan participatif, qualifié par certains d’ «historique» : le 12 mars dernier, les artisans du territoire se sont réunis dans les locaux marseillais de la Délégation territoriale des Bouches-du-Rhône de la Chambre de métiers et de l’artisanat de Provence-Alpes-Côte d’Azur pour apporter leur contribution au Grand débat national. Mais les échanges ont aussi permis de dresser le constat de professions en souffrance.

Les artisans de la région sont venus en nombre pour contribuer au Grand débat national (Photo C.P.)
Les artisans de la région sont venus en nombre pour contribuer au Grand débat national (Photo C.P.)

Les artisans ne comptent pas pour du beurre, et c’est notamment pour le montrer qu’ils entendent mettre la main à la pâte de Grand débat national initié par le gouvernement. Ils avaient déjà commencé à contribuer à cet élan participatif via la plateforme mise en ligne par la Chambre de métiers et de l’artisanat de région Paca, ils ont pu le faire le 12 mars dernier de visu, dans les locaux marseillais de la Délégation des Bouches-du-Rhône. «Nous représentons 33% du tissu économique marchand de la Région et plus de 300 000 actifs. C’est nous qui faisons battre le cœur des villes, qui créons des emplois non délocalisables. Nous sommes les artisans du made in France. Pour autant, nous ne sommes pas souvent au centre des débats. On se sent délaissés, au bout d’un discours politique». Et ce ressenti, l’auteur de ces mots, Jean-Pierre Galvez, président régional en Paca, n’est pas le seul à l’éprouver. Selon les premiers retours de la plateforme mise en ligne à l’occasion du Grand débat, 84% des artisans estiment en effet que leur travail n’est pas reconnu à sa juste valeur et 53% dénoncent un manque d’équité dans la fiscalité. Par ailleurs, ils déplorent tous le manque de considération de l’Éducation nationale, qui oriente dans les métiers de l’artisanat par défaut. «On oppose ainsi deux jeunesses», observe justement le président. La salle elle aussi abonde, se retrouve dans ce sentiment d’abandon. Tel cet artisan peintre, revendiquant la recréation d’un ministère entièrement dévolu à l’artisanat, à l’instar des experts-comptables ayant formulé le même souhait à l’égard des TPE. «Cela fait 50 ans qu’on nous dit que l’on est merveilleux… Or il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour», avance-t-il.

Des revendications enfin entendues ?

A contrario, des preuves de ce sentiment de n’être que la cinquième roue de la charrette, les artisans en ont plein la musette. Toutefois, l’écueil possible de ce genre d’échange, c’est justement de tourner en boucle sur ses seules doléances. Encore faut-il transformer ça en énergie positive pour faire émerger de réelles propositions… Il est vrai que le débat s’est beaucoup focalisé sur les constats, certains pas forcément nouveaux. Poids des charges fiscales et patronales, étau des normes entravant la compétitivité, problématique des travailleurs détachés, concurrence déloyale des microentreprises et de l’industrie étrangère des produits manufacturés bas de gamme, misères du canyon entre offre et demande en termes d’emploi ont en grande partie cristallisé le dialogue. Toutefois, outre l’heure des constats, quelques suggestions ont émergé. Certaines certes difficiles, voire impossibles à envisager, comme la préférence locale dans les appels d’offres avancée par deux participants, qui va à l’encontre de la libéralisation imposée par les lois européennes. Comment durcir la législation lorsque cela se joue à contre-courant de Bruxelles…? Certaines carrément fantaisistes, comme celle de ce cuisinier, proposant de faire barrage aux travailleurs détachés en leur imposant d’être à jour de leurs vaccinations, notamment les onze qui ont été imposées aux nouveaux nés par la ministre Agnès Buzyn… Puis d’autres ont été remises sur le tapis. De quoi faire s’élever une voix dans la salle, demandant si ces futures remontées d’informations seront enfin entendues, puisque maintes fois formulées… Au registre des vœux, plusieurs impératifs : tirer les salaires par le haut et fixer des rémunérations motivantes et incitatives, d’un niveau bien supérieur à celui des indemnités, aides sociales et autres minima sociaux, cadrer une mise en place de l’intéressement aux bénéfices pour les salariés, défiscaliser pour mieux redistribuer -mais l’assemblée s’accorde pour dire qu’il faut tout de même payer des impôts et des charges, elles ont leur utilité… l’important étant de trouver un équilibre pour chacun puisse vivre de son travail-, moduler les charges en fonction de l’activité comme c’est le cas pour les microentreprises, réglementer davantage pour ne pas souffrir de la concurrence déloyale de ces dernières, renforcer la protection aux frontières en riposte aux offensives commerciales low cost -mais cela peut-il se faire sans Bruxelles, là encore), mieux accompagner les artisans voulant eux aussi s’exporter…- Enfin, il y a les idées venues tout droit du contexte de ces derniers mois, toujours sur la problématique du niveau des salaires : «Les employeurs apprécient de verser la prime Macron à leurs salariés. Ne pourrait-on trouver ici une forme de pérennisation ?» soulève-t-on dans l’assistance.

Préserver les secteurs des effets papillon ?

Et puis, on retiendra surtout de ces échanges le cri de professions qui souffrent. Jacques Bianchi, président de la Fnamac (Fédération nationale artisanale des métiers d’art et de création du bijou, de l’horlogerie), l’illustre parfaitement. «Les horlogers ne peuvent plus travailler car ils n’ont plus accès aux pièces détachées. La Suisse veille, les grandes maisons prennent soin de s’accaparer le circuit complet, de la création à la réparation, en passant par la fabrication et la vente. On s’est battu, l’Europe nous a écoutés. Nous avons aussi heurté la porte de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), mais pas grand-chose n’a été fait. Il faut libéraliser le marché de la réparation», demande-t-il, arguant que sa profession n’est pas la seule à souffrir de cet état de fait : c’est aussi le cas des mécaniciens, des ascensoristes… Les métiers de bouche ne sont pas mieux lotis. «A cause des supermarchés qui salarient à 800 ou 900 euros en rayons boulangerie et traditionnel, qui implantent des terrasses pour que les clients puissent consommer, les boulangeries font de même pour rester compétitives. Et cela a un impact énorme sur les snacks et les petits restaurants. Il faut recadrer les choses», appuie un restaurateur. De quoi faire bouillonner un boulanger, juste derrière lui : «Il faut se mettre aussi à notre place, nous menons actuellement un combat contre les chaînes. Certaines ne font que du pain, et pour le reste vendent des surgelés. Résultat des courses, nous avons des artisans boulangers en difficulté, en liquidation». In fine, des témoignages qui font prendre conscience de l’ampleur de la tâche de l’équipe gouvernementale. Mettre en place des mesurettes rustines déconnectées les unes des autres et seulement destinées à calmer l’ire populaire ne suffira pas. Pour renforcer le tissu économique de l’Hexagone, il faudra bel et bien le considérer dans son ensemble, avec les possibles effets papillon qui lient les uns aux autres les différents secteurs. Et ce, sans se départir de la prospective… dont la France ne maîtrise pas totalement la culture, loin s’en faut.
Carole PAYRAU

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