Claude Brasseur est parti faire du camping…au Paradis

Publié le 24 décembre 2020 à  7h00 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  12h21

«Maman, ça va encore être une année compliquée», lançait Claude Brasseur dans le film «Camping» où il incarnait un beauf avec casquette et propos franchouillard. Un rôle de composition en fait, tant l’acteur qui vient de disparaître était tout le contraire.

Claude Brasseur a tiré sa révérence (Photo capture d'écran du Film La Boum)
Claude Brasseur a tiré sa révérence (Photo capture d’écran du Film La Boum)

Né le 15 juin 1936, de son vrai nom Claude Pierre Espinasse, fils de Pierre Brasseur et Odette Joyeux ayant eu pour parrain Ernest Hemingway (excusez du peu), Claude Brasseur était l’élégance même et surtout la pudeur incarnée. Homme de théâtre qui débuta sur les planches en 1955 dans le «Judas» de Marcel Carné, passage dans le IN d’Avignon, mis en scène en 1967 par Roger Planchon, dont «Tartuffe» en 1967, l’acteur demeure un inoubliable « Sganarelle » dans le «Dom Juan» de Marcel Bluwal avec Michel Piccoli dans le rôle titre.

Il savait mélanger les genres et offrir des prestations de qualité à la fois dans des œuvres d’auteur que dans des productions populaires.

A la télévision on retiendra aussi son interprétation de Vidocq toujours signé Bluwal durant lequel il entendait un «Je t’aime François» d’anthologie prononcé par la comédienne Danièle Lebrun, alias la baronne Roxane de Saint-Gély, experte en divines trahisons, et où il affrontait le stupide inspecteur Flambart, irrésistible sous les traits de Marc Dudicourt. Mais c’est au cinéma qu’il explosa avec La Boum, lui qui jouait le père de Vic et qui offrait avec la sœur de la copine Pénélope (la fillette d’alors est devenue depuis danseuse émérite), une scène drôle à souhait. «Je suis la sœur de Pénélope on s’est parlés au téléphone, mais je ne suis plus du tout amoureuse de vous», entendait-il montrant toute la force de son jeu, même dans les silences, Claude Brasseur ayant une tête impayable et imposait sa présence sans prononcer une seule parole. Ce qu’il faisait très bien au théâtre d’ailleurs. L’atteste son face à face avec Michel Bouquet , dans « A torts et à raisons», ce dernier incarnant le chef d’orchestre Furtwängler interrogé en dénazification par un officier américain qu’il jouait dans une succession d’écoutes réciproques. Cette pièce de Ronal Harwood mise en scène par Marcel Bluwal fut un des grands moments théâtraux du Jeu de Paume d’Aix. On aurait pour reprendre l’expression de Guitry «entendu voler un impresario» quand Bouquet entrait sur scène enlevait chapeau et manteau avant que de se placer devant Brasseur. Présence physique presque inouïe des deux acteurs, et force est de constater que Claude Brasseur était aussi exceptionnel au théâtre qu’au cinéma. De ses films retenons «La guerre des polices» César du meilleur acteur, «Un éléphant ça trompe énormément» César du meilleur second rôle, « Nous irons tous au paradis », « Le viager », « Chouchou », où il savait mélanger les genres et offrir des prestations de qualité à la fois dans des œuvres d’auteur que dans des productions populaires. Au théâtre encore citons sa rencontre homérique avec Claude Rich dans «Le souper» de Brisville (il était Fouché face à Talleyrand), et surtout ses deux pièces avec Michel Aumont…

Christophe Lidon : «Claude Brasseur a envahi notre imaginaire au fil du temps»

Michel Aumont avec qui Claude Brasseur a joué « Dieu est un steward de bonne composition» une pièce exceptionnelle mais mésestimée du grand Yves Ravey, écrivain de Besançon qui compte parmi les auteurs les plus subtils de la littérature française. Aux côtés de Judith Magre les deux acteurs se heurtaient à une histoire de succession où, comme d’habitude en peu de mots Yves Ravey parlait d’exil. Si la pièce qui, créée au Rond-Point à Paris fut donnée à Marseille au Théâtre de Gymnase (co-producteur du spectacle), du 31 mai au 15 juin 2005 n’eut pas le succès qu’elle méritait. Ce n’est pas en raison du fait que les trois comédiens n’avaient pas l’âge du rôle, mais à cause de la mise en scène sanguinolente et excessive à souhait d’un Jean-Michel Ribes prompt à en rajouter. Pas de cela chez Christophe Lidon qui mit en scène Claude Brasseur jouant Clemenceau et Michel Aumont dans la peau de Claude Monet dans la pièce «La colère du Tigre» de Philippe Madral créée le 5 septembre 2014 au Théâtre Montparnasse de Paris. Aumont-Brasseur de nouveau réunis pour le meilleur du meilleur. A cette occasion Christophe Lidon déclara : «Claude Brasseur a envahi notre imaginaire au fil du temps. Tout amateur de cinéma et de théâtre connaît la richesse de sa palette, sa capacité à incarner des personnages très différents. Il est amical, et on a tous envie de l’avoir pour ami.» Bel hommage pour cet enfant de la balle qui a passé le témoin de la comédie à son fils Alexandre Brasseur avec qui il a joué «Mon père avait raison» de Sacha Guitry. Dans une mise en scène de Bernard Murat. «Mon père ne m’a jamais particulièrement incité à faire du théâtre et ne m’a jamais tenu de grands discours sur l’art dramatique», confiait alors Alexandre. Qui ajoutait : «En revanche, en regardant vivre ceux que vous aimez, vous vous en imprégnez peu à peu. Et un beau jour, cela vous apparaît comme une évidence, et vous savez que c’est le métier que vous voulez exercer». Bel hommage qui montre que Claude Brasseur immense acteur était aussi un éveilleur et un passeur à qui Bedos, Piccoli et Dabadie ont dû faire une haie d’honneur, quand ils ont vu arriver au Paradis leur éléphant préféré.
Jean-Rémi BARLAND

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