Dhune : une application pour mieux cerner la maladie de Parkinson

Publié le 22 octobre 2018 à  22h38 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  19h08

Le programme de recherche répondant au nom de Dhune et ciblant les pathologies neurodégénératives a décidé cette année de se focaliser sur les approches et thérapies non médicamenteuses. Dans ce cadre est développé le projet ParkEvolution, destiné à étudier la motricité fine des victimes de la maladie de Parkinson.

Lancés depuis février 2018, les ateliers gratuits de Capoeira destinés aux malades de Parkinson font également partie des thérapies non médicamenteuses proposées dans le cadre du programme de recherche Dhune (Photo Dhune)
Lancés depuis février 2018, les ateliers gratuits de Capoeira destinés aux malades de Parkinson font également partie des thérapies non médicamenteuses proposées dans le cadre du programme de recherche Dhune (Photo Dhune)
Mieux cerner les évolutions de la motricité fine chez les patients atteints de la maladie de Parkinson : voilà toute l’ambition du projet ParkEvolution, lancé dans le cadre du programme de recherche Dhune, axé quant à lui plus largement sur les maladies neurodégénératives. Pour ce faire, il cible plus précisément les approches et thérapies non médicamenteuses. C’est notamment dans le cadre de Dhune que sont organisés depuis février 2018 des ateliers de capoiera gratuits pour les patients atteints de la maladie de Parkinson… Avec ParkEvolution, les réponses permettant de lutter contre cette pathologie prennent un tour plus technologique. S’il fait intervenir diverses structures, comme les instituts Carnot Star et Carnot Inria, et notamment les chercheurs Alexandre Eusebio (Institut des Neurosciences, et APHM, Service de Neurologie et Pathologie du Mouvement) et Géry Casiez (Inria Lille), ce projet numérique est à la base le fruit de la réflexion d’une troisième enseignante chercheuse, Laure Fernandez, œuvrant au sein de l’Institut des Sciences du Mouvement Humain. «Je travaille sur ce qui concerne la motricité fine, c’est-à-dire les mouvements des membres supérieurs de précision, et répondant plus précisément au conflit entre vitesse et précision. Par exemple écrire, insérer une clé dans une serrure, utiliser la souris d’ordinateur… Dans la maladie de Parkinson, cette motricité-là est très largement dégradée».

Les manques actuels

Mais c’est surtout un constat qui va amener Laure Fernandez à prendre le chemin de l’innovation et à se rapprocher de ses deux confrères pour leur exposer son idée. «La motricité du malade de Parkinson était déterminée via une échelle d’évaluation clinique, nommée UPDRS. Il s’agit d’un test pratiqué une fois par an. En discutant avec les neurologues, je me suis aperçue de certaines critiques émises sur ce test». Tout d’abord, la fréquence : une fois par an, c’est bien trop peu pour appréhender la motricité du sujet en termes d’évolution. Par ailleurs, il s’agit d’un test score, il n’y a donc pas d’enregistrement du comportement en tant que tel, ce qui sous-entend une part de subjectivité. Plus préoccupant encore, «comme les patients se déplacent en centre hospitalier pour passer ce test et qu’ils ne le réalisent pas dans leur environnement naturel, leurs résultats ne reflètent pas toujours de façon juste l’état de leur motricité au quotidien. Le patient rentre chez lui muni d’un traitement qui ne convient donc pas… » Ainsi Laure Fernandez trouvait-elle intéressant d’ajouter à ce test UPDRS de l’analyse comportementale différente, d’enregistrer de la motricité fine chez le patient et surtout, de recueillir ces données de façon quasi continue.

Un curseur passé au crible

Le concept de ParkEvolution consiste donc en une application. «Le sujet la télécharge sur son ordinateur… Ce peut être des patients mais aussi des sujets sains, ce qui nous permet de réaliser des comparatifs. Une fois la manœuvre opérée, l’application permet d’enregistrer les mouvements de déplacement du curseur sur l’écran, qui sont les conséquences de l’utilisation de la souris. Tout cela est transmis en tant que données d’analyses. Toute une batterie d’algorithmes a été conçue pour caractériser ce contrôle de la motricité fine». Contrôle fiable de surcroît, puisque réalisé en milieu écologique, c’est-à-dire chez le sujet. Les utilisateurs finissent donc par oublier que leurs mouvements sont enregistrés. Les domaines d’application, quant à eux, sont pluriels. Tout d’abord, ParkEvolution permet de répondre à un objectif de recherche scientifique fondamentale. « L’idée, c’est d’obtenir de la data de masse pour caractériser l’analyse de la motricité fine sur la base de données comportementales. Nous sommes en contact avec France Parkinson pour disposer d’un nombre suffisamment important de sujets. L’idée est de lancer l’application avec 200 à 300 sujets, l’objectif étant d’atteindre idéalement le millier. Une vingtaine de patients l’ont téléchargée à ce jour…»

Personnaliser les protocoles

Il y a ensuite un intérêt à cette solution en termes d’e-santé, relative notamment au passeport santé. «Sur la base des données analysées, il serait possible de classer les patients en grandes catégories de dégradation de la motricité fine. Ces indications pourraient être inscrites sur leur passeport santé à direction des neurologues. Ce serait donc des données objectives pour le praticien, afin de l’aider au niveau de la prescription médicale». Autres professionnels susceptibles de trouver un intérêt dans ParkEvolution, kinésithérapeutes et ergothérapeute. S’ils suivent pour l’heure faute de mieux des protocoles standards, ils pourraient utiliser les données de l’application afin d’envisager, selon le patient, une approche plus personnalisée. «D’autant que la maladie de Parkinson peut présenter des symptômes très spécifiques, divergents selon le patient», observe Laure Fernandez. Et que des patients concernés, ce n’est pas ce qui manque, puisque le taux de prévalence de cette pathologie reste non négligeable. Elle touche entre 150 000 et 200 000 personnes en France et figure au second rang des maladies neurodégénératives cause de handicap moteur chez l’adulte après la maladie d’Alzheimer… Environ 25 000 nouveaux cas sont recensés chaque année. Enfin, l’équipe de chercheurs pourrait réfléchir, sur la base de ces données, à un système d’exploitation plus adapté aux patients. «Pourquoi ne pas installer des environnements informatiques comportant la mention *Park… De quoi proposer une aide au contrôle de la souris : algorithme qui filtre les tremblements, grossit les icônes… Des pistes sont envisagées avec l’Inria, qui est très intéressée. Par exemple, une application visant à écrire un texto sans trembler». Il s’agit donc d’un vrai modèle économique qui est développé là… Mais la création d’une entreprise n’est pas la priorité de Laure Fernandez, qui se définit avant tout comme chercheuse et dont «le but est avant tout d’aider les patients».

Recherche de financements

Mais avant de pouvoir effectivement améliorer leur quotidien, il faut des financements pour poursuivre dans le projet. Quatre dossiers ont été déposés… «Nous n’avons pas encore attaqué le traitement des données, il faudra pour cela faire appel au machine learning. Pour l’heure, nous avons collaboré avec un ingénieur qui a codé l’application, réalisé un an de travail auprès de patients tests, multiplié les réunions hebdomadaires par skype entre membres du projet pour statuer sur les avancées de ParkEvolution… » Par ailleurs, il a fallu poser les jalons afin de pouvoir anonymiser et crypter les données, avec l’obligation de passer par un comité d’éthique. «La Cnil nous a demandé de modifier certaines choses, de ménager un accès au serveur qui soit sécurisé, il y a un cahier des charges contraignant à respecter». Enfin, une déclaration d’invention, qui est un pré-brevet, a également été déposée. «Nous sommes suivis par la SATT Sud-Est, notamment pour cet aspect propriété intellectuelle», précise l’enseignante chercheuse. Dans l’idéal, Laure Fernandez envisage d’impulser la phase de machine learning dès janvier 2019. Et espère que dans un an, les algorithmes de machine learning aient été mis en place.
Carole PAYRAU

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