Publié le 28 janvier 2023 à 19h35 - Dernière mise à jour le 8 juin 2023 à 15h21
Depuis dix ans elle parcourt le monde pour lancer un appel à la paix. Latifa Ibn Ziaten est la mère d’Imad Ibn Ziaten, ce jeune militaire abattu par le terroriste Mohammed Merah à Toulouse le 11 mars 2012. Depuis ce drame elle a transformé son chagrin en combat. Hier, elle était invitée par l’association CLCV (Consommation Logement et cadre de Vie) de Font-Vert dans le 14e arrondissement de Marseille, lors d’une galette des rois. L’occasion de parler de l’islam devant des mères de famille et des enfants du quartiers.
« L’islam est une foi, pas une identité »
Connue sous le surnom de mère courage, Latifa Ibn Ziaten a connu l’indicible : la mort de son fils, tué par Mohammed Merah. Il est le premier à tomber sous les balles du terroriste dans son périple meurtrier. Tué parce qu’il est un soldat de la République honnie. Cette mère de famille aurait pu se résigner, rester prostrée, elle a choisi de partir au combat, d’essayer de comprendre. Alors elle a traversé la France pour se rendre à Toulouse et rencontrer les jeunes des cités. Elle découvre une jeunesse qui s’estime abandonnée et décide de lui tendre la main. Elle crée l’association «Imad pour la jeunesse et la paix ». Ses paroles sont dites avec une force de conviction rare. Devant des mères de familles du quartier elle en appelle à leur responsabilité dans le devenir de leurs enfants. «Aujourd’hui les jeunes sont perdus à cause de nous. Tu es arabe, tu es musulman, n‘oublie pas d’où tu viens… Mais qu’est-ce que ça veut dire ! On ne peut pas éduquer nos enfants comme cela. L’islam n’est pas une identité, pas une nationalité, c’est une foi qu’on pratique personnellement», rappelle Latifa Ibn Ziaten en fixant son auditoire. Musulmane, Franco-marocaine, elle enchaîne avec un discours de combat. Elle attaque ceux pour qui les lois de l’islam sont supérieures aux lois de la République «On doit apprendre les valeurs du pays où on vit, les valeurs de laïcité, le respect, le vivre ensemble qu’on soit musulman, chrétien, juif ou athée, on est frère et sœur.» Venant d’une mère courage, très charismatique, les mots portent.« Je suis admiratif »
Presque toutes les religions étaient représentées lors de ce rituel de la galette des rois. Bruno Benjamin, le président d’honneur du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (Crif) marseille Provence, ne cache pas son admiration devant le combat de cette femme. Il fait partie de ceux qui ont organisé sa venue. «Si on avait été dans son cas on se serait peut-être terré. Ses paroles ont un poids au regard de son vécu. Elle a un courage infini. Quand on vit une histoire sombre, il faut qu’il y ait des témoins, des grands témoins. Ce sont des mémoires vivantes. Elle en fait partie. Elle a pris sur elle pour rencontrer les uns et les autres et apporter sa voix».« Le combat est difficile »
Nora Braïa est à la tête de l’association des locataires de Font-Vert. Pour elle, c’est un grand plaisir que Latifa soit là. «On la connaissait par la télé, dans les médias, là sa présence nous conforte. Elle a un grand cœur et c’est une combattante. En tant qu’association, en tant que mamans on se bat pour ces jeunes. C’est difficile, souvent ils sont perdus, il faut les aider. Il faut que les politiques nous soutiennent».« J’ai une grande responsabilité »
En 10 ans l’association de Latifa Ibn Ziaten a essaimé à travers le monde. A chaque fois ses paroles résonnent car précise-t-elle: «sinon j’aurai arrêté». «On a besoin, poursuit-elle, de se mettre tous ensemble pour faire avancer la paix, la haine, le mal c’est vite fait. La paix est plus difficile à construire. Il faut du courage, faire des efforts». Aujourd’hui elle estime avoir une grande responsabilité. «C’est une mission. Tous ces jeunes m’attendent. Je ne peux pas reculer et je n’ai pas le droit de m’arrêter tant que j’ai la santé». On vous avait dit c’est une combattante !
