Monseigneur Aveline de retour du pèlerinage islamo-chrétien des Sept-Saints en Bretagne

Publié le 13 août 2015 à  19h31 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  19h31

Monseigneur Aveline, l’évêque auxiliaire de Marseille, rentre de Bretagne où il ne s’est pas rendu pour du tourisme mais pour participer au pèlerinage islamo-chrétien qui se déroule dans les Côtes d’Amor, à proximité de Lannion, dans la chapelle des Sept-Saints. Une chapelle bâtie sur la base d’un dolmen situé dans le hameau des Sept-Saints en Vieux-Marché. Un pèlerinage qui a vu le jour en 1954 à l’initiative de Louis Massignon, érudit, professeur au Collège de France qui, selon ses propres dires, est venu au catholicisme par l’Islam, explique Mgr Aveline qui raconte l’histoire de ces Saints évoqués tant dans le catholicisme que dans le Coran, leur célébration en Bretagne et ce pèlerinage. Mgr Aveline vient ainsi de vivre des moments de rencontres rares et précieux en ces temps où tant aspirent au repli, au rejet de l’Autre. Entretien.

Monseigneur Aveline, Evêque auxiliaire de Marseille a participé au pèlerinage islamo-chrétien des Sept-Saints en Bretagne (Photo Philippe Maillé)
Monseigneur Aveline, Evêque auxiliaire de Marseille a participé au pèlerinage islamo-chrétien des Sept-Saints en Bretagne (Photo Philippe Maillé)
Mgr Jean Marc Aveline et Ghaleb Ben Cheikh  (Photo D.R.)
Mgr Jean Marc Aveline et Ghaleb Ben Cheikh (Photo D.R.)
Mgr Jean Marc Aveline au pélerinage des 7 Saints, illuminé par le grand feu du Pardon (Photo D.R.)
Mgr Jean Marc Aveline au pélerinage des 7 Saints, illuminé par le grand feu du Pardon (Photo D.R.)

Comment se sont déroulées ces journées?
J’ai été invité par l’association qui organise cette manifestation et par l’évêque de Saint-Brieuc en tant qu’évêque auxiliaire de Marseille, engagé dans le dialogue islamo-chrétien et membre de la Conférence des évêques de France pour le dialogue inter-religieux. La cérémonie a commencé le samedi après-midi par un colloque, auquel ont pris part des représentants des religions monothéistes et un agnostique avant une messe, en soirée, suivie d’une procession et d’un feu de joie. Le dimanche, après la messe solennelle une procession s’est rendue à une fontaine, où s’est déroulée la cérémonie musulmane, à savoir la lecture de la sourate 18 du Coran avant le partage du lait et des dattes. Après un repas en commun, j’étais invité l’après-midi à participer à un débat sur le « Vivre la fraternité » avec Mohammed Loueslati, imam responsable des aumôneries musulmanes des prisons de l’Ouest, et le docteur Joël Le Roux, fondateur de l’association « Source des 7 dormants ». Puis, à 16 heures, le maire de la commune, Gérard Kerneca a inauguré le premier des sept piliers du « vivre ensemble ».

Mais qui sont ces sept dormants ?
Ces sept jeunes hommes, ont été emmurés vivants dans une grotte en 250, sur les ordres de l’Empereur Dèce parce qu’ils étaient chrétiens. Puis, en 458, alors que l’Empire devient chrétien avec Constantin, l’un des jeunes, selon l’histoire, se réveille, il va au village faire des courses. Sa tenue, l’argent qu’il utilise, tout laisse apparaître qu’il n’est pas de cette époque. Certains commencent à parler de résurrection, le jeune homme lui-même, ne veut pas y croire. Une foule se met à le suivre. Il demande à aller seul dans la grotte pour ne pas effrayer ses amis. Il les rejoint, et là, les sept s’endorment définitivement. Il faut replacer cette histoire dans son contexte historique. En 448, l’Église fait face à une hérésie qui remet en cause la résurrection. Il faut également souligner la richesse religieuse Éphèse, à proximité de cette grotte des Sept Dormants se trouve celle où serait morte Marie-Madeleine, et c’est également dans cette ville que Saint-Jean a écrit son Évangile. Et, le récit de la 18e sourate du Coran « La Caverne » évoque le récit de Jeunes Dormants avec quelques différences. De ce fait les Sept Saints sont célébrés au Maroc, en Algérie et en Égypte.

Comment ces Saints arrivent-ils en Bretagne où ils sont vénérés depuis de nombreux siècles?
Cela est dû soit au fait que des Bretons se sont rendus là, à l’époque des Croisades, soit parce que des commerçants sont venus jusqu’en Bretagne en suivant la route de l’étain, l’Histoire ne permet pas de trancher pour le moment. Et sans Louis Massignon, cette manifestation n’existerait pas. Il est né en 1883 à Nogent-sur-Marne et mort en 1962 à Paris. Sa famille, aisée, possédait une propriété à côté de Saint-Brieuc. Il est agnostique. Très tôt, il est attiré par le désert et part en 1904 en expédition au Maroc. Il ne parle pas arabe, son guide en profite pour le voler. Il décide alors d’apprendre cette langue ce qu’il fait au point de devenir un érudit. En 1907 il part en Égypte participer à des fouilles, en 1908, lors de fouilles, il tombe malade, il va mourir, des musulmans le veillent, vont le sauver. C’est pour lui une expérience et il se convertit au catholicisme. Il se marie. Passe la première guerre mondiale en Macédoine, au sein de l’Armée d’Orient. Puis il deviendra professeur de sociologie musulmane et devient un pionnier du dialogue islamo-chrétien. Il s’installe en Bretagne à la retraite, découvre le pardon des sept Saints, greffe dessus le pèlerinage islamo-chrétien, en 1954 donc. Il obtient alors du Général de Gaulle le transport gratuit de travailleurs musulmans qui le souhaitent de la région parisienne. Cela n’existe plus depuis longtemps mais la tradition se perpétue.
Propos recueillis par Michel CAIRE

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