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samedi 26 août 2017
- (Photo Robert Poulain)
Le 73e anniversaire de la Libération de Marseille se déroulera ce dimanche 27 août à 10 heures Char Jeanne D’Arc, Place du Colonel Edon (7e arrondissement) en présence du maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin et Yves Rousset, Préfet délégué pour l’égalité des chances, représentant le Préfet de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Préfet des Bouches-du-Rhône Cette cérémonie sera suivie d’une messe solennelle célébrée en la Basilique Notre-Dame-de-la-Garde par l’archevêque de Marseille.
Le 29 Août 1944, Marseille est libérée.
Cette date marque le début de la bataille de France avec les deux débarquements, en
Provence et en Normandie, qui ouvrent de nouvelles lignes de front. Avec l’appui des Forces Françaises Libres du Général de Gaulle, dix-mille Goumiers marocains qui participèrent aux opérations de la 1ère armée française dans le Sud et l’Est de la France, les noyaux de la résistance intérieure, déjà bien organisés, des grandes villes du sud, comme Marseille, sont enfin libérées.
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Cérémonie de commémoration du 73e anniversaire de la Libération de Marseille ce dimanche à 10 heures , 16 août 2018, 16:24, par Elie Boissin
Bonjour
Commémoration... oui, sans doute suis-je un des seuls survivants de cette minute où le char Jeanne d’ Arc a été touché de plein fouet....je me souviens et je l’ai écrit dans un de mes bouquins.
Prenez quelques instants, juste le temps de cueillir quelques éclats de la mémoire d’un évènement historique auquel j’ai assisté...Vous pouvez lire l’extrait du bouquin ci-joint :
"Il n’y avait pas bien longtemps, deux mois au plus, je cherchais encore des yeux, la Basilique de Notre Dame de la Garde au loin sur sa colline, et aujourd’hui en cette chaude matinée de printemps je la découvre, là devant moi, immense et bienveillante, comme l’arbre majestueux sous lequel on vient se réfugier.
A moins de trois cents mètres plus bas, au pied d’une petite route extrêmement pentue, sur le côté gauche en montant, avant le domaine des pins et des roches, un bâtiment d’un étage, un peu en longueur avec de multiples fenêtres, indique la limite des habitations.
Je suis debout serrant très fort la main de ma mère qui me regarde, puis son regard se tourne vers cet immeuble à la façade grise comme les nuages des jours d’hiver. Je sens la main que je ne veux pas lâcher, se fermer un peu plus sur la mienne et je devine contre moi le corps entier se raidir, incapable de se mouvoir à nouveau. Une étrange sueur vient de naître entre ces doigts qui savaient parfois si bien glisser dans mes cheveux, juste avant de m’endormir, quand le mistral hurlait contre les volets de ma chambre.
Nous venons de faire deux pas, ensemble, un peu comme des soldats à la manœuvre et, je revois encore le bras revêtu d’une manche noire, couleur deuil, se tendre vers la sonnette de la porte, salie par une couche de mauvaise peinture marron écaillée par endroit. J’entends encore cette cloche qui s’est mise à sonner. Elle n’avait rien d’engageant, elle tintait comme si elle était fêlée, ou alors, c’étaient mes oreilles qui devaient avoir encore un peu d’eau salée de ma dernière glissade sur un rocher habité par la traitrise.
Quand la porte s’est ouverte, je n’ai pas eu l’impression d’apercevoir le paradis, mais une de ses starlettes, vêtue d’une longue chasuble grise et d’une immense cornette blanche. Sur son buste, pas de décolleté donnant accès aux seins que je prie le mieux, mais au patron de tous les autres, cloué sur une croix de bois, usée par tous les baisers reçus. Reçus parfois, mais plus souvent donnés par les petits monstres vivants dans cet établissement pour se faire pardonner d’un mot parfois gros, échappé d’une longue habitude prise dans la rue.
Pour voir au-dessus de la cornette j’ai levé la tête et mon regard a accroché une longue inscription, facile à déchiffrer car à l’époque on savait lire déjà à la communale : « Orphelinat Santa Maria ».
Tout était dit.
Quand la porte s’est refermée, c’est ce jour-là que j’ai entendu des sanglots énormes que ma mère ne pouvait plus retenir. Elle qui affrontait toutes les misères quotidiennes n’avait pas pu accepter de nous voir séparés.
Toi ma mère, je sais où tu te trouves maintenant blottie au creux d’un gros nuage blanc, pareil à nos couettes d’aujourd’hui, et pour la première fois de ta vie, sur la terre et le ciel, où tu peux enfin connaître le repos. Dis-toi bien que tout au long de mes errances, mon amour pour toi n’a jamais connu de pause même si souvent, le monde nous séparait. Tu as sans le savoir, forgé en moi, la force de ne jamais renoncer. Merci !
Voilà des semaines que j’apprends à courir entre quatre murs dans une cour minuscule qui ne voit pas vraiment le soleil, ou alors si peu que ma peau halée de méditerranéen se transforme en visage pale. On m’initie au latin, puis à servir la messe comme un vrai enfant-de-chœur, rassurez-vous je n’ai pas fait carrière.
« Si tu continues le diable va sortir de la glace, la luxure est un bien vilain défaut ! »
« Quand j’ouvre la porte, sœur Céline court devant et vous la suivez le plus vite possible vers le jardin de l’autre côté de la route, vous sautez derrière le petit mur de pierres en vous allongeant, les mains sur la tête »
Aujourd’hui encore j’entends la répercussion de nos pas, où, chaussés de galoches, nous avions droit à une sortie promenade qui irrémédiablement nous conduisait à la messe. Oui, souvent revient dans ma tête les phrases d’une chanson dont les paroles écrites il y a bien des lunes, me donnent encore le frisson, même là, en ce moment où j’écris je ne peux m’empêcher de les murmurer « …en casquettes à galons dorés, en capotes à boutons dorés, tout au long des jeudi sans fin, voyez passer les orphelins…On dit qu’ je suis de la mauvaise graine car un jour j’ai écrit je t’aime sur les murs de l’orphelinat … »
On ne peut pas avoir aimé un orphelinat. J’en ai détesté l’uniforme, déjà il était trop grand pour moi comme tous les uniformes que l’on m’a obligé à porter.
Dans le froid des hauts plafonds et des vitres branlantes, chaque fois que je glisse un peigne dans mes cheveux en regardant le résultat dans un miroir de la salle des lavabos, j’entends derrière mois une voix de cornette me dire :
Jusqu’au jour où ce n’est point le diable qui fait son apparition, mais la bataille pour la libération de Marseille.
Dernier bastion de l’ennemi, la basilique de Notre Dame de la Garde.
Malgré qu’aujourd’hui mes souvenirs soient un peu flous dans les détails j’en garde pourtant des images bien précises. Il reste en ma mémoire des heures et des instants où les cœurs des enfants de l’orphelinat battaient comme une vieille horloge déréglée.
Depuis le matin sur la colline voisine au-dessus de nous, ça tire de tous les côtés. Dans le dortoir on nous a fait rapprocher tous les lits en fer les uns contre les autres, histoire de nous abriter si le toit venait à s’écrouler. Allongés face contre terre, nous ne pouvions même pas fixer, histoire de nous distraire, la face cachée de nos paillasses.
Vers la fin de la matinée, la mitraille se déchaîne. Un bruit énorme résonne encore dans ma tête car le char d’assaut de l’époque n’était pas équipé de silencieux, ni pour le moteur et encore moins pour ses chenilles. A l’instant où un obus a frappé une muraille à moins de cinquante mètres de chez nous, les religieuses nous expédient dans l’escalier, nous font stopper contre le mur-mètre derrière la porte d’entrée. Je pense que nous étions à peine une dizaine d’enfants, plus les sœurs catholiques. La plus âgée des deux nous donne un ordre :
Mains sur la tête…le petit mur…j’espère que ce n’est pas pour nous mettre encore au piquet !
C’est la seule fois où je vais avoir le plaisir de découvrir une bonne sœur soulever ses jupons jusqu’à la taille et foncer comme un coureur de cent mètres.
Entre deux rafales de mitrailleuse, la porte s’ouvre et tout le monde se précipite en courant. Nous sommes tout près du petit mur quand une déflagration étourdissante retentit et nous nous trouvons propulsés à moitié dans les airs, à moitié roulant sur le sol derrière le mur les uns sur les autres. Pour ma part j’ai atterri un peu sur la tête et beaucoup sur l’épaule. Un autre à côté de moi a l’air d’avoir tout pris sur le nez, il pisse le sang. J’avoue que je n’ai pas le moral, même pour voir si les jupons des bonnes sœurs sont toujours relevés.
Un peu plus bas de l’endroit où nous avons traversé, de longues flammes montent de la route. D’autres explosions aussi fortes que la première retentissent venant toujours de l’engin touché à mort. On court à nouveau, mais cette fois vers le fond du jardin. Le char d’assaut a été stoppé net dans son avance par un obus. On dirait qu’il vient d’être projeté en arrière contre une muraille éventrée. On entend des cris. Je revois aujourd’hui, deux silhouettes courir mais je suis incapable de dire s’ils sont en uniforme ou non. La fumée épaisse et la poussière soulevée par l’explosion brouillent ma vue.
Nous sommes le 25 août 1944 et le blindé, qui se consomme sous nos yeux se nomme « Le Jeanne d’ Arc ».
En fin de journée, deux ou trois hommes, impossible encore de préciser, viennent nous chercher en demandant s’il y a des blessés. Quand nous avons ordre de retourner dans notre bâtiment, plusieurs heures se sont écoulées, pendant ce temps la bataille a fait rage à deux pas de la basilique.
Le soir même, Notre Dame de la Garde était redevenue marseillaise.
Quelques jours plus tard ma mère me tenait à nouveau par la main et nous franchissions ensemble, dans l’autre sens, la lourde porte de bois, moins colorée qu’au jour de mon arrivée, des balles en avaient explosé tout un côté.
Les restes du char étaient entourés de curieux expliquant comment les choses s’étaient passées sans en avoir été les témoins, ça je peux l’affirmer. Et si de mon côté je sautais de joie, ma mère elle, offrait une nouvelle prière à la Bonne Mère pour m’avoir épargné. Nous nous sommes regardés et sans un mot nous avons longuement pleuré, dans la joie de nous retrouver.
C’est chouette des larmes de joie ça fait oublier les rires forcés.