12e journée de l’Immobiler à Marseille : Quand le monde de l’immobilier bâtit la solidarité, réduit la fracture Nord/Sud…

Publié le 21 juin 2018 à  12h03 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  18h51

La dernière journée de l’immobilier a permis de braquer les projecteurs sur une floraison de projets, ils verront le jour d’ici 2019 à 2022 dans les 15e et 16e arrondissements de la Cité phocéenne. Mutants, solidaires, ces futurs édifices feront la part belle à l’inclusion sociale, à l’insertion ou au vivre ensemble. Et si l’avenir stratégique de Marseille se jouait côté Nord ?

(Photos K.A. et Carole Payrau)
(Photos K.A. et Carole Payrau)
Non, immobilier et solidarité, ce n’est pas un oxymore. C’est en tout cas ce que le programme de la 12e journée qui lui était dédiée s’est employé à démontrer le 7 juin dernier. Car il peut l’être, solidaire. Tout comme mutant, explique le président du Club de l’Immobilier Marseille-Provence, Fabrice Alimi : «Autant parfois, il est plus simple d’utiliser les tractopelles et de raser, autant dans d’autres cas, il semble plus judicieux de réhabiliter l’existant et de lui redonner une nouvelle vie ». Il s’agit donc d’un immobilier qui se réinvente, non seulement dans sa bâtisse, mais aussi et surtout dans ses usages. Les entrepôts mutent ainsi en éco-quartiers, en fab lab, en hébergements collaboratifs ou en supermarchés d’un jour nouveau, parce qu’autogérés. Et cela, c’est la magie actuellement à l’œuvre dans les quartiers Nord de Marseille. Cette nouvelle édition de la journée de l’immobilier avait à cœur de mettre en exergue les projets en gestion de ce côté-ci de la cité phocéenne, entre rue de Lyon et avenue de l’Argilité. Ils ont pour noms « les Fabriques », « Cloître Saint-Jérôme » ou encore « Village Mirabeau » et ils devraient redonner une nouvelle impulsion aux 15e et 16e arrondissements phocéens. En bien, cela va sans dire. C’est en tout cas le but visé par Euromed II. Une nouvelle tranche «au potentiel fabuleux», observe la présidente d’Euroméditerranée, Laure-Agnès Caradec, notant l’importance d’une entrée par l’économie et évoquant par ailleurs «le projet d’implantation d’une cité scolaire internationale. L’opération doit redonner espoir aux gens qui vivent ici, leur permettre d’en tirer une plus-value».

Le fief des makers

C’est ainsi l’objectif de celui qui portait encore récemment le nom d’ilot XXL et désormais rebaptisé les Fabriques. La société éponyme, créée avec Linkcity et Bouygues Construction, a été retenue, à la faveur «d’un projet très axé sur le développement économique», explique sa directrice Anne Villard. Et si depuis l’automne 2017, on a largement eu le temps de découvrir la configuration de ce futur éco-quartier – pour mémoire, 14 ha, dont 240 000 m2 de surface plancher proposées aux promoteurs du territoire, de l’habitat mixant recours aux énergies renouvelables, connectivité, nouveaux usages, ces derniers impulsés notamment par l’implantation de makers, designers, artistes, ou artisans. Des start-up seront aussi de la partie, à l’instar de « la Compagnie des bocaux, qui installera sur place son laboratoire de production », annonce encore Anne Villard-, la Journée de l’immobilier a été l’occasion de pointer du doigt les premières mutations à l’œuvre. Ça se passe au 77, rue de Lyon. Là, un hangar bientôt réhabilité va se métamorphoser en Fablab dès cet été, en accueillant ses premiers makers, ceux-ci disposant des lieux et des équipements pour un tarif mensuel de 200 à 300 euros. Son nom : « Ici Marseille », petite sœur de la fondation « Ici Montreuil ». «58% des Français souhaiteraient devenir artisans. « Ici Marseille » est donc le lieu pour se lancer, puisque l’objectif de ce fablab, c’est de développer une activité économique autour du savoir-faire des makers, mais aussi de permettre aux Marseillais de venir ici faire rénover leurs meubles, réparer leurs équipements ou d’en acheter de nouveaux», explique Nicolas Bard, co-fondateur de la fondation francilienne, qui vise sur cette nouvelle manufacture l’accueil de 250 makers.

Nouvelles vies d’un cloître et d’une caserne

Autre projet immobilier mutant, le cloitre Saint-Jérôme, qui abritera derrière ses murs un pôle d’entrepreneuriat social. Une douzaine de structures y éliront domicile, un restaurant assorti d’une ferme urbaine, des entreprises (dont la pépite d’Emmanuelle Champaud, Totem Mobi) et des start-up… «3 millions d’euros ont été engagés depuis décembre, tout sera terminé en août prochain», avance le cofondateur du projet Arnaud Castagnède. Enfin, du côté de Consolat, l’historique caserne Mirabeau, construite en 1942 et destinée à l’hébergement des sapeurs-pompiers va, elle aussi, connaître ce changement de karma. Cédée à Pascal Roll et Julien-Alexandre Courchet, promoteurs immobiliers positionnés initialement sur des programmes typés luxe, celle qui va prendre à présent le nom de « Village Mirabeau » n’en constitue pas pour autant une erreur de casting. «Nous avons été séduit par l’architecture des lieux, réalisée par le célèbre Rozan, la charpente en béton comme on n’en fait plus aujourd’hui. Nous avons eu le désir de réaliser quelque chose d’atypique, de recréer l’esprit village », indiquent les deux associés. Pharmacie, crèche, commerces seront ainsi aménagés à proximité des bâtiments, soit près de 140 logements T2 et T3. «La commercialisation est lancée ce 7 juin, en même temps que cette nouvelle édition de la journée de l’immobilier. Les travaux ont déjà commencé, la livraison est prévue pour l’été 2019».

Une fibre sociale et collaborative

Des projets qui ne se contenteront pas seulement de redessiner ce périmètre-ci de la cité phocéenne. Puisque la fibre sociale s’y trouve également bien ancrée. Ainsi le « Village Mirabeau » devrait voir «la création par le chef Thierry Marx d’une école seconde chance de la cuisine, appelée « Cuisine mode d’emploi ». Probablement un potager urbain verra le jour pour alimenter cet établissement », poursuit Julien Alexandre Courchet. Le positionnement sur l’insertion du « Cloitre Saint-Jérôme « est également avéré, rappelle Arnaud Castagnède : «Obtenir un bail sur le cloître, c’est s’engager à accepter le modèle social du lieu, qui consiste à intégrer dans ses équipes des jeunes à former, dans les corps de métiers représentés in situ». Même logique aussi avec « Ici Marseille », qui prévoit, entre autres sources de revenus, «des activités de formation, notamment en lien avec les entreprises d’insertion, avec l’objectif de qualifier 50 décrocheurs et sans emploi par an. Il s’agit de la formation entrepreneur maker », précise Nicolas Bard. Cette fibre sociale et collaborative pourrait s’étendre jusqu’aux habitudes de consommation les plus élémentaires : un projet de supermarché coopératif et participatif devrait également voir le jour côté Nord. Il aurait pour nom « Supercafoutch »… Le principe vient tout droit de New York, où « la Park Slope Food Coop » a vu le jour en 1973… En 2016, elle comptait 17 000 membres pour 45 millions de dollars de chiffre d’affaires. Le principe : «Les coopérateurs sont propriétaires de leur supermarché, choisissent les produits et s’engagent à consacrer trois heures par mois à cette grande surface», explique Pierre Blanc, l’un des porteurs du projet, revenant sur ses fondamentaux : «Nous voulons créer une communauté de consommateurs, proposer des prix justes, faire cohabiter des produits de grande conso et des produits de circuits courts, nous engager à respecter nos fournisseurs dans une logique de commerce équitable local ». L’objectif est donc de faire changer d’échelle celle qui n’est encore qu’une épicerie située porte d’Aix (avec quelque 500 coopérateurs tout de même) et donc de trouver une surface entre 500 et 1 000m2.

En finir avec le sans-abrisme

Ainsi la solidarité se tisse ici et là sur le territoire… Elle s’illustrera encore prochainement avec les maisons partagées Simon de Cyrène, soutenues cette année par le Club Immobilier Marseille Provence. Le concept ? Faire cohabiter sous le même toit personnes valides et en situation de handicap. Entre ces murs, on marie le vivre ensemble, lors des repas pris en collectivité, et les moments d’autonomie, puisque chaque résident dispose de son logement. Le concept essaime peu à peu dans l’Hexagone, il pose ses valises aujourd’hui à Marseille. «La première pierre vient d’être posée pour la construction de trois maisons d’une capacité d’accueil d’une douzaine de personnes en situation de handicap. Leur livraison est prévue mi-2020 dans le quartier des Chartreux, dans la résidence Nouvelle Nature, de Jean Nouvel », annonce Emmanuel Gard, président du projet Simon de Cyrène à Marseille. Enfin, pour que cet élan ne laisse personne sur le bord de la route, encore fallait-il s’atteler à une dernière tâche : éradiquer le sans-abrisme. C’est en effet le vœu qui a été formulé par Thierry Garcin, ancien président du Club Immobilier Marseille-Provence. De là à la création d’une véritable commission, baptisée fort justement « les oubliés », il n’y avait qu’un pas. Pour rendre efficiente leur démarche, les membres du club «ont mis en place une veille documentaire, rencontré des interlocuteurs en mairie, qui nous ont campé le décor. Nous avons eu la chance d’entrer en contact avec la structure étatique Lab zéro, Lab comme laboratoire, zéro comme zéro sans-abri d’ici 10 ans », relate Thierry Garcin. D’où la volonté de contribuer à cette noble tâche. C’est ainsi que le 7 juin dernier, au cours de cette 12e journée de l’immobilier, le Club éponyme et Marthe Pommié, coordinatrice du Lab Zéro, ont rendu publiques auprès des membres présents six kits citoyen, du «particulier à particulier solidaire » à l’engagement «sur-mesure», en passant par le smart social, les occupations temporaires mixant les usages ou encore la récupération solidaire d’équipement. Ces opportunités d’œuvrer ont été ébauchées, il appartient désormais à chacun de s’en saisir. Des volontés communes peut-être, pour contribuer à bâtir un autre type d’édifice. Et il se nomme solidarité.
Carole PAYRAU

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