Publié le 9 septembre 2021 à 22h54 - Dernière mise à jour le 1 novembre 2022 à 14h55
Le Groupe SOS a réuni à bord du Kraken, 3 mâts amarré au Vieux Port, 3 associations partenaires « Wings of the Ocean » avec une trentaine de personnes à bord, « Planète urgence », une ONG dont la mission est la préservation des forêts et de la biodiversité en danger et enfin l’association les Amis du Marais du Vigueirat , qui gère une réserve naturelle, en Camargue. Entretien avec Jean-Laurent Lucchesi, son président.
Depuis 30 ans, une association gère une réserve naturelle protégée, en Camargue, c’est les marais du Vigueirat. Comment s’est créée cette association et quels actions menez-vous au quotidien? D’abord le cadre dans lequel nous agissons est public, donc les règles sont données par le Conservatoire du Littoral, dans le contexte d’une réserve nationale. Le premier travail réside dans le fait d’évaluer le patrimoine naturel, d’essayer de voir ce qui est important dans ce territoire, dans l’écosystème Camargue et dans l’ensemble du delta. De déterminer les espèces qui ont besoin d’aide et de coup de main et d’estimer, aussi, comment fonctionne cet espace. C’est la réglementation, les moyens que l’on se donne de dire oui, dans certains endroits et non dans d’autres. Les endroits les plus sensibles on ne les visite pas ou peu. Sur les endroits moins sensibles on va créer, grâce au génie écologique, c’est à dire grâce à la réhabilitation de terres agricoles en terres naturelles. Des lieux que les gens, les enfants, vont pouvoir découvrir. Mais avez-vous la volonté de recréer une activité, de l’emploi, de l’agriculture, dans cette réserve ? Absolument. L’agriculture est liée à l’élevage. Nous sommes sur une des terres où il y a le plus d’éleveurs. On en a besoin, il y a des outils de gestion. Eux c’est leur métier, c’est leur boulot, donc, on a avec eux des accords de long terme. On leur a donné des statuts. Ensuite, on s’aperçoit que l’espace naturel, tout seul, aussi grand soit-il, 1 200 ha, n’est pas suffisant, pour pouvoir offrir des garanties aux espèces qui y sont. Donc, on a besoin d’entraîner avec nous les espaces non-protégés, qui sont essentiellement agricoles ou industriels. Donc est venue l’idée de transférer cette connaissance au public avec l’idée que le tourisme, c’est une activité économique et que peut-être, grâce à ces touristes qui paieront pour découvrir ce lieu, pour faire un tour à cheval, en calèche, ou en canoë, on va pouvoir attirer de l’argent qui va retomber sur les agriculteurs qui seront associés à cela. Un agriculteur peut aussi créer un gîte éco-responsable ou une table d’hôtes, en vendant ses produits agricoles, bio, en circuits courts, etc. Notre mission est de les entraîner dans ce projet économique, avec le Parc de Camargue, avec le Conservatoire du Littoral. Mais quelle est votre ambition? Nous, nous sommes un pôle d’activité, notre ambition est forte. Elle consiste à vouloir attirer 100 000 visiteurs -30 000 aujourd’hui- et d’avoir un seuil suffisant pour que les investissements écoresponsables soient rentables et créent de l’emploi. Et c’est de l’emploi non délocalisable, du quotidien, notamment en saison, parce qu’il faut accueillir les gens, les nourrir, les héberger, etc. On est sur cette logique-là de recréer de l’emploi, parce qu’aujourd’hui l’agriculture intensive camarguaise, c’est beaucoup de production avec très, très peu d’emplois. Sur un territoire rural, la réalité est économique et sociale, elle n’est pas qu’environnementale. L’idée est que l’environnement soit le support d’une activité économique qui ait des retombées sociales: de l’emploi, que des gens vivent bien dans ce lieu-là, arrivent à faire vivre leurs enfants… Donc on est bien dans une logique où en partant de notre mission de protection de la nature, on essaye d’être le plus concret possible de manière à offrir un projet qui va entraîner les agriculteurs vers une protection indirecte mais qui va également, permettre aux gens de vivre SUR leur territoire. C’est pour cela que vous avez un chantier d’insertion tourné vers les habitants du territoire? Tout à fait, c’est à dire Arles et Saint-Martin de Crau, le village de Mas-Thibert, également. Actuellement, on a 45 salariés, la moitié est originaire du village de Mas-Thibert. C’est important d’accompagner les gens sur la base de la bonne volonté, de l’envie et de leur permettre d’avoir des formations, chantier d’insertion ou pas, de manière à trouver un emploi. C’est pour cela que l’on veut que, grâce à l’insertion, aux emplois sociaux, on permette aux gens du coin qui ont envie de pouvoir obtenir un emploi, dans la nature, d’en trouver un. On s’adresse, aussi à des gens qui ne sont pas de ce territoire, qui sont compétents et je dirai que cette mixité entre gens de l’extérieur et du territoire est essentielle. On n’est pas dans la principauté arlésienne de Mas-Thibert, on n’est pas en vase clos. Il faut que ce soit ouvert. Qu’est-ce que le Congrès mondial de la nature représente pour vous ? Cela représente énormément de choses, le Congrès IUCN permet de prendre conscience de la réalité du dommage fait à l’environnement et des menaces. C’est aussi un lieu où les politiques sont invités à déclarer. Notre président du groupe SOS, Jean-Marc Borello interviendra et j’espère que ses déclarations seront ambitieuses. c’est aussi un lieu essentiel pour pouvoir confronter la réalité scientifique de la biodiversité avec la réalité politique du monde. Nous, on se nourrit de ça. On est au Congrès dans des ateliers pour des gamins, avec un CPIE [[Le CPIE du Pays d’Arles est au départ une association d’éducation à l’environnement qui est labellisée Centre Permanent à l’Environnement et à la Citoyenneté, depuis 2005. Son rôle est d’accompagner les projets du territoire, comme on le voit, ici, avec la construction d’un cabinet de curiosités interactif où le public, petits et grands, testent leurs connaissances sur le marais du Vigueirat, et donc en apprenne plus.]] avec qui on est associé on va faire un laboratoire de curiosités, avec des questionnements sur la biodiversité. Les collègues du Marais du Vigueirat vont animer un atelier sur les mouettes et les goélands pour mieux connaître ces oiseaux, qui ne sont pas très appréciés mais qui sont très utiles… Il y a, aussi, des sorties de terrain, où on va amener les congressistes à découvrir les lieux et ses problématiques. C’est aussi entraîner les acteurs des quartiers populaires, vers la biodiversité, il est en train de se créer, une fracture, une rupture entre ceux, comme nous qui aimons la biodiversité et qui avons les moyens d’en profiter et ceux qui n’en ont pas les moyens. J’ai vécu ça, en Afrique -‘ai travaillé longtemps au Sénégal- et là on s’est aperçu que la priorité ce n’était pas la sauvegarde des petits oiseaux, c’était de manger. Il faut, aujourd’hui, montrer à tous ces gens qu’ils ont intérêt à avoir une nature en bon état, de la mettre en bon état, parce que les premières victimes se seront eux. Il ne faut pas en faire les ennemis d’un réflexe et je dirai que le plus gros enjeu, pour moi, de la sensibilisation, elle s’adresse aux quartiers populaires. Marseille, je suis Marseillais, j’ai vécu dans les quartiers Nord, je connais les problématiques de cette ville, ce qu’elle est devenue, voir comment les marchés parallèles liée à la drogue sont devenus l’avenir des gamins, ça fait mal au cœur, il y a un autre avenir, il faut qu’on y mette les moyens, et les congrès comme celui de l’IUCN, c’est une initiative. Et, une initiative comme celle du Groupe SOS permet de se donner les moyens. Nous sommes des passionnés, on va se battre toute notre vie pour que les choses changent mais si on n’en a pas les moyens, on n’y arrivera pas. 210903-000_jean-laurent_lucchesi_marais_du_vigueirat_cri_du_butor_etoile.mp3