4 théâtres, 4 créations – « Acting » : tragicomédie shakespearienne en taule

Publié le 27 septembre 2016 à  23h55 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h45

Trois personnages réunis dans une cellule de prison pour un huis-clos tragicomique (Photo Pascal Gely / Les Bouffes Parisiens)
Trois personnages réunis dans une cellule de prison pour un huis-clos tragicomique (Photo Pascal Gely / Les Bouffes Parisiens)

Dernier rendez-vous en fin de semaine dernière avec ce week-end à rallonge consacré à la création dans les théâtres dirigés par Dominique Bluzet à Marseille et Aix-en-Provence. Le théâtre du Jeu de Paume, à Aix, était plein comme un œuf pour l’avant-dernière représentation (il y en avait sept de programmées) de « Acting », la pièce de Xavier Durringer mise en scène par lui-même. Il est vrai qu’en quelques heures, la réputation de cette production théâtrale avait fait son chemin et que, bouche à oreilles aidant, on a rapidement joué à guichet fermé. Ce qui est logique pour un huis clos. Dans une cellule de prison, Robert, comédien vieillissant condamné à 18 ans pour meurtre (Neils Arestrup) rejoint Gepetto, escroc minable (Kad Merad) et Horace tueur muet et insomniaque (Patrick Bosso). Gepetto a toujours rêvé d’être acteur ; s’établit alors une relation comico-tragique dense entre Robert et Gepetto. Le premier raconte le métier d’acteur en déchirant toutes les images d’Épinal le concernant, en réglant au passage quelques comptes avec la profession, ses contraintes, ses bassesses. De l’autre côté, la naïveté de Gepetto n’a d’égal que sa propension à tout gober au premier degré et sa volonté de devenir comédien n’en est que plus renforcée. L’apprentissage se fera autour du monologue d’Hamlet de Shakespeare.
Entre comédie, parfois bouffonnerie, et tragédie, des ressorts que ne s’est pas privé d’employer Shakespeare en son temps, « Acting » déroule le texte du Durringer, savoureux, populaire, cru et réaliste. Entre Robert et Gepetto, sous l’œil omniprésent et parfois inquiétant d’Horace, les échanges sont souvent tendus mais s’humanisent au fil d’un temps rythmé par les nuits, les films à la télé, jusqu’à ce que la cellule se transforme en théâtre. Oubliés les murs gris, Gepetto deviendra Hamlet et Robert qui sait qu’il ne pourra plus jouer, aura transmis son savoir avant de disparaître. Une mise en abyme remarquablement réussie par la qualité du texte, mais aussi par l’excellence du jeu des trois acteurs meublant ce huis clos. Niels Arestrup est à la fois fragile et puissant ; il émeut parfois aux larmes. Kad Mérad est remarquable d’efficacité dans son rôle de petit escroc naïf et inculte ; il n’en fait pas trop dans la clownerie et arrive à se déshabiller, au sens propre et au figuré, pour réussir son pari. Quant à Patrick Bosso, même si son intervention parlée consiste à crier quatre fois « gardien » à la fin de la pièce, il est, dans cette cellule, le spectateur et le témoin d’une tragicomédie d’une grande humanité. Un beau moment de théâtre auquel il convient d’associer le maton (Edouard Montoute). Des créations de cette qualité, on en redemande.

Michel EGEA

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