4 théâtres, 4 créations – « Le dernier testament » : entre réalisme et angélisme, la résurrection d’un Messie au théâtre du Gymnase

Publié le 22 septembre 2016 à  17h47 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h36

L’interminable chute de Ben après son accident alors que Gaël Mutangana débute sa quête. (Photo Jean-Louis Fernandez)
L’interminable chute de Ben après son accident alors que Gaël Mutangana débute sa quête. (Photo Jean-Louis Fernandez)

Pour sa première mise en scène au théâtre, Mélanie Laurent n’a pas choisi la facilité en adaptant, avec Charlotte Farcet, «Le Dernier Testament de Ben Zion Avrohom », ouvrage de James Frey publié en 2011.
Voici l’histoire en un pitch pour faire court. Qui est Ben ? Apporter une réponse à cette question est la quête de Gaël Mutangana, avocat, humain aux racines multiples incarné par Gaël Kamilindi. Dans le New-York du 21e siècle, Ben est-il le Messie ? Il doit mourir, cinq fois au moins, après avoir été détruit par la chute d’une vitre de 500 kilos et ne meurt pas ! Il sourit, aime les hommes et les femmes, au sens physique et au sens figuré, est en proie à des crises d’épilepsie mystiques au cours desquelles Dieu lui apprend les Saintes Écritures.
Ben sourit, soulage les «autres», il ne croit pas aux miracles qui sont, dit-il, l’apanage des magiciens dans les casinos de Las Vegas, il vit comme un Christ au milieu des pauvres et des faibles ou dans les entrailles de la terre avec les révoltés. Sans violence, sourire aux lèvres. Mais qui est Ben ? Le Messie ? Où tout simplement un bienheureux ouvert sur les autres ? Qui finira dans un fauteuil roulant, le cerveau lobotomisé XXL à la suite d’une décision de la justice américaine traumatisée par le pouvoir d’attraction de cet individu hors normes. Il y a tout ce que nous redoutons là-dedans : la folie meurtrière des intégristes religieux, les inégalités, la destruction de l’environnement, la crédulité, les bons sentiments et l’amour salvateur.
Un tantinet angélique le discours de l’amour qui sauve, très «peace and love» et connoté baba avec l’idéalisation de la communauté autour du respect de la terre nourricière ; mais tellement beau et sécurisant lorsqu’il est positionné face aux images trash de notre société. Alors, on adhère ou pas au propos. Mais force est de reconnaître que Mélanie Laurent et sa troupe, y compris l’équipe technique, nous entraînent dans un trip théâtral aux limites de la science-fiction avec des lumières hallucinantes, une bande son envoûtante, des vidéos puissantes. On embarque dans un voyage initiatique où l’envie d’aimer succède à l’envie de vomir et vice-versa. Il y a du sang, du sexe et des moments miraculeux, qui, eux, ne doivent rien aux magiciens de Las Vegas, comme cette intense comparution de Ben, questionné pour association de malfaiteurs par un flic qui va voir la lumière grâce à celui qu’il interroge. Que dire, aussi, de cette chorale qui, dans la salle, va accompagner l’un des moments les plus paisibles de la représentation.
Pour ces moments hors du temps, lumineux, chargés de sens et d’émotion(s) on se dit qu’elle a bien du talent, Mélanie Laurent… Du talent, il y en a aussi chez les comédiens, chez tous les comédiens. Mais difficile de ne pas parler de Jocelyn Lagarrigue, Ben, au rôle frisant en permanence la schizophrénie, et de Nancy Nkusi, Mariaangeles, corps de liane, femme perdue, redevenue aimante par l’intermédiaire de ce nouveau Messie. Ce «Dernier Testament», adoré ou abhorré, ne laissera personne insensible. Une grande tournée démarre après cette création marseillaise, souhaitons lui du succès.
Michel EGEA

Pratique. «Le Dernier Testament» jusqu’au 24 septembre à 20h30 au Théâtre du Gymnase, rue du Théâtre Français, Marseille (1er) – Réservations : 08 2013 2013 – lestheatres.net/

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