5e Festival de Pâques d’Aix-en-Provence- Martha Argerich et Stephen Kovacevich: joie de jouer et pianos rois

Publié le 20 avril 2017 à  23h42 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  16h02

Martha Argerich et Stephen Kovacevich (Photo Caroline Doutre)
Martha Argerich et Stephen Kovacevich (Photo Caroline Doutre)

C’est non sans humour que Martha Argerich et Stephen Kovacevich se sont présentés au public entre les morceaux mis au programme de leur récital donné au Grand Théâtre de Provence (GTP). Le pianiste américain ayant pour habitude de jouer sur une chaise de moins de 40 cm de hauteur, il poussait lui-même son siège vers l’un des deux pianos utilisés et installait l’autre devant le clavier de Martha, répétant l’opération à chaque changement aussi souvent que nécessaire. Ceci pour rappeler que donner un récital demeure pour chacun d’eux un jeu, et qu’il est hors de question de prendre une quelconque posture de monstres sacrés du piano. Et pourtant ! Il pourrait très bien se prévaloir de ce statut, l’un comme l’autre, tant leur carrière à la hauteur de leur talent n’a été jalonnée que de succès, d’applaudissements, d’un véritable culte pour Martha et d’une admiration considérable pour Stephen. Humilité autant que décontraction, perfection du jeu, les deux solistes réunis autour de deux pianos et sur un seul pour le rappel consacré à Brahms, semblent maîtriser chaque pièce du répertoire classique et donne le sentiment aux spectateurs qu’ils n’interprètent jamais une œuvre de la même manière d’un soir à l’autre. Concert intense donc, qui faillit ne jamais avoir lieu sous cette forme puisque en ce 19 avril c’était Marc Minkowski qui était programmé, puis à la suite de son annulation devait être remplacé par Maurizio Pollini, pianiste italien qui travailla beaucoup avec Abbado. Un accident empêchant Pollini d’honorer le Festival de Pâques de sa présence, Renaud Capuçon et Dominique Bluzet en accord avec le CIC ont donc fait appel à Martha Argerich et Stephen Kovacevich. On se rappelle que la pianiste qui avait donné le 24 avril 2014 dans ce même GTP un concert mythique avec un rappel inattendu offert aux Aixois en compagnie de Daniel Barenboim, dont personne dans la salle ne soupçonnait la présence à la fin du concert. On se souvient que pour raisons de santé, Martha avait annulé ses deux participations au Festival de Pâques en 2015 et 2016, et que cette année elle n’était pas dans la sélection officielle. Elle est donc venue, nous a vaincus comme d’habitude, et avec elle, ce pianiste américain, grand beethovénien devant l’Éternel pour proposer un récital en deux parties. La première plutôt austère consacrée à Debussy, avec une interprétation de Prélude à l’après-midi d’un faune, dans une version pour deux pianos, et une autre plus festive autour des danses symphoniques de Rachmaninov. Le jeu est fluide, aérien même, suscitant des images dans la tête du spectateur, et c’est par une standing ovation que s’est terminé ce concert où si Stephen fut roi, Martha a montré une fois encore qu’elle était l’Impératrice de toutes les pianistes. Respect!
Jean-Rémi BARLAND

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