Publié le 24 avril 2017 à 20h16 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h45
Elle est un peu chez elle, Julie Fuchs, au Grand Théâtre de Provence. N’est-ce pas ici qu’elle a été distinguée par la Victoire de la musique, en 2014, comme Artiste lyrique de l’année ? C’était deux ans après avoir obtenu la Victoire de «Révélation lyrique de l’année »… N’est-ce pas ici, aussi, qu’elle avait presque débuté en 2010 intégrant la tournée d’Orphée aux enfers, production du festival d’Aix-en-Provence (2009) dans le rôle de Diane ? N’est-ce pas ici, enfin, qu’elle triomphait en Alphise des «Boréades» de Rameau en juillet 2014 devant les Musiciens du Louvre sous la direction de Marc Minkowsky, toujours dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence ? Alors, d’un festival à l’autre, la jeune soprano française, qui mène aujourd’hui une carrière internationale, est venue samedi soir recueillir son premier succès auprès du public du Festival de Pâques. Faisant souffler un vent de fraîcheur sur la manifestation avec un programme où elle laissait s’exprimer ses multiples talents de comédienne et artiste lyrique, programme où elle redonnait ses lettres de noblesse au genre de l’opérette qui est tellement agréable lorsqu’il est ainsi servi. Messager, Lehar, Christiné, Oberfeld étaient à son programme, après Rossini et Mozart.
Mutine, enjouée, toujours souriante, Julie Fuchs s’est beaucoup amusée sur la scène du Grand Théâtre de Provence accompagnée par François Lambret, au piano, mais aussi, tour à tour, par Renaud et Gautier Capuçon dont le violon et le violoncelle sont venus compléter le clavier pour le plus grand bonheur d’une salle archicomble et ravie. Sculpturale dans sa robe orange, la soprano a aussi montré l’étendue et les qualités de sa voix parfaite dans ce registre qui impose une gymnastique parfois périlleuse pour les cordes vocales ; à l’instar de cet air de «Broadway» donné en bis où entre diva et chanteuse de jazz, Julie Fuchs a trouvé sa voie et ses voix… Un beau moment en forme de première au Festival de Pâques. A n’en pas douter, au regard de la satisfaction de Renaud Capuçon après ce récital, l’expérience pourrait être renouvelée dans les années à venir. Ce concert était aussi l’occasion, pour les frères Capuçon rejoints par Gérard Caussé à l’alto et Nicholas Angelich au piano, d’offrir une nouvelle perle à leur public sous la forme du quatuor avec piano et cordes n°1 de Brahms. Si la perfection existe, elle ne doit pas être loin de cette interprétation qui sera la seul donnée cette année par les quatre instrumentistes réunis. Du volume, du souffle, de la précision : autant de caractéristiques pour un jeu séduisant, hypnotisant, même. Il fallait y être ! Tout comme il fallait assister à ce « bis » hors du commun, livré par les mêmes rejoints par Julie Fuchs et son pianiste François Lambret, soit « Youkali », chanson de Kurt Weill, qui résonnera longtemps dans les têtes de ceux qui ont pris un énorme plaisir à assister à cette exceptionnelle soirée.
Youkali
C’est le pays de nos désirs
Youkali
C’est le bonheur, c’est le plaisir
Youkali
C’est la terre où l’on quitte tous les soucis
C’est, dans notre nuit, comme une éclaircie L’étoile qu’on suit
C’est Youkali Youkali, en ce samedi soir, c’était un peu le Grand Théâtre de Provence et l’étoile avait les traits de Julie Fuchs… On en redemande !
Michel EGEA