Publié le 28 mars 2018 à 19h27 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h40
Le violoniste Gérard Poulet ne manque pas d’humour. S’avançant seul sur la scène de l’auditorium du conservatoire, mardi à 18 heures, il déclarait: « il paraît que je vais avoir 80 ans… C’est Renaud Capuçon qui me l’a dit et qui m’a proposé de fêter ça au cours de ce Festival. J’ai d’abord regardé ma carte d’identité et j’ai dû me rendre à l’évidence: je suis bien né en 1938… Ce qui nous donne le plaisir de vous accueillir aujourd’hui dans cette salle. » Concertiste réputé et pédagogue de renom, Gérard Poulet, le fils de Gaston, fut aussi l’élève, entre autres de Zino Francescatti. Mardi après-midi, pour lui rendre hommage deux ou trois générations de musiciens avaient été réunies autour du maître pour jouer à ses côtés un répertoire éclectique avec des œuvres de Chostakovitch, Prokofiev, Brahms, Bach et Vivaldi. Concert original où, tour à tour, les violonistes sont venus aux côtés de Gérard Poulet, entre autres pour la sonate pour deux violons de Prokofiev, pour l’interprétation de laquelle la vedette de la soirée tenait le rôle de violon 2. Mais Gérard Poulet sait aussi être le premier, et quel premier. La sonate pour violon et piano de Brahms donnée avec le talentueux Jean-Claude Vanden Eynden était emplie de sentiments, d’émotions et la couleur de l’instrument de Gérard Poulet idéale pour cette partition. C’est avec Renaud Capuçon qu’il donnait le concerto en ré mineur pour deux violons de Bach, devant un orchestre unique, pour un concert unique, sous la direction de Yaïr Benaïm. C’était avant de conclure avec une fort belle interprétation du concerto pour quatre violons de Vivaldi avec les mêmes musiciens.
Aussitôt quitté le conservatoire Darius Milhaud, il suffisait de traverser l’allée pour descendre les marches vers le Grand Théâtre de Provence où l’affiche proposait les concertos de Bach (1, 2, 3, 4, 5 et 7) avec l’orchestre de la Cappella Andrea Barca et Sir Andras Schiff au piano et à la direction. C’est un Bach moderne qui était proposé, le maître jouant un Bösendorfer imposant et les cordes étant celles d’instruments modernes. Une interprétation carrée et rigoureuse de chacun de ces concertos, tenue d’une main de fer par un Andras Schiff appliqué, concentré, récitant presque les partitions avec une précision et une application de tous les instants. Rien à redire sur la qualité intrinsèque de cette prestation qui a eu le mérite de démontrer, comme au tableau noir, le génie du Bach, architecte de la musique mais qui aurait mérité un peu d’émotion, à défaut de passion. Une émotion qui a pointé le bout de son nez avec l’interprétation, en soliste et en bis, des deux derniers mouvements du Concerto italien de Bach par le maestro Schiff. C’est donc une vision moderne de Bach qui nous a été offerte et qui a ses adeptes, à en juger par le succès qui est venu saluer la prestation. Sans aucune intention de rouvrir un débat de chapelles, on nous permettra cependant de préférer le clavecin et les cordes en boyau pour ces concertos… A chacun ses goûts et ses couleurs, non ?
Michel EGEA