Publié le 1 avril 2018 à 21h13 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
En ce samedi festif, le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence avait fait les choses en grand, et par trois ! A 12 heures au Conservatoire Claire-Marie Le Guay racontait Mozart aux familles. Et plus tard dans la journée offrait deux concerts de qualité au Jeu de paume à 18h, et au GTP à 20h30. Le violoniste Vadim Gluzman ouvrait l’après-midi par un récital cordes de toute beauté, où, entouré de ses amis le violoniste Sandis Steinberg, le violoncelliste Reinis Birznieks, et les altistes Ilza Klava et Maxim Rysanov, ce dernier étant tout simplement prodigieux, il nous faisait voyager de Mozart à Schnittke (1934-1998), en passant par Max Bruch (1862-1918), avec un égal bonheur. Mozart tout d’abord pour le quintette à cordes N° 4 donné avec faste et rigueur. Mozart toujours dont il sera finalement question tout au long de l’œuvre d’Alfred Schnittke intitulée «Mozart» où le duo Gluzman-Steinberg s’en donne à cœur joie. On y entend des extraits d’œuvre du compositeur de «La flûte enchantée» dans une sorte de jeu musical. Morceau joyeux, qui demande une dextérité de tous les instants, et qui au-delà de l’aspect farce requiert un investissement artistique de virtuoses. Magnifique, large et ample le «Quintette à cordes N° 1» de Max Bruch terminera le programme (avant une polka de Chostakovitch en guise de rappel), où on notera l’ouverture du 3e mouvement par l’alto. On sent chez les cinq musiciens une telle complicité que l’on se sent dès les premières notes en confiance, en osmose, en partage de musique. Un concert haut de gamme.
Haute tenue également que celle du pianiste Yefim Bronfman, pianiste exceptionnel assez peu programmé en France et qui a proposé au GTP à 20h30 un récital consacré à Schumann, Debussy, et Schubert. Si son interprétation des «Arabesque» et «Humoreske» de Schumann laissait entrevoir une grande retenue, sa vision de la «Suite Bergamasque» de Debussy avait de quoi séduire tous les auditeurs présents y compris les plus rétifs à la musique du compositeur français. On notera de ces morceaux inspirés par les poèmes de Verlaine, un splendide «Clair de lune», moment de grâce et d’intériorité. Ne se lâchant jamais (ce n’est pas dans sa nature) Yefim Bronfman excelle à souligner les couleurs d’une partition. Son piano sonore et impressionniste laisse fuser des notes comme suspendues hors du temps. Ce qu’il entreprend avec Debussy et fera dans la deuxième partie du récital consacrée la Sonate en ut mineur D. 958 (la 21e) de Schubert. Pas de fantaisie là encore. Pas d’ego non plus, Yefim Bronfman étant au service de la musique, et d’elle seule, on savoure la qualité de l’interprétation. Avant que d’être séduit par son nocturne de Chopin offert en rappel, et impressionné par le final de la 7e sonate pour piano de Prokofiev donné en ultime bis. Un grand du piano salue la foule, et s’en va aussi discrètement qu’il était arrivé. La grande classe en somme !
Jean-Rémi BARLAND