70e Festival d’Aix-en-Provence – « Ariane à Naxos » entre ennui et performances vocales

Publié le 5 juillet 2018 à  21h41 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  18h52

Une installation scénique signée Katie Mitchell sur le plateau de l’Archevêché pour cette
Une installation scénique signée Katie Mitchell sur le plateau de l’Archevêché pour cette
Katie Mitchell aurait-elle perdu de sa superbe au fil des ans passés à travailler à Aix ? Ou tout simplement a-t-elle accepté de mettre en scène une œuvre pour laquelle elle ne nourrissait pas une passion débordante, celle là même qui la hissa jusqu’au génie pour «Written on skin» où, plus près de nous, « Pelléas et Mélisande»… Difficile, au soir de la première de l’œuvre de Richard Strauss «Ariane à Naxos», dans la cour de l’Archevêché, de retrouver la pâte émotionnelle qui présidait à la création de l’opéra de George Benjamin ou la puissance onirique louée au soir des représentations de la partition de Debussy.
Travaillant sur des bases qu’elle maîtrise pourtant bien : mise en abîme, dynamisme, espaces biens définis, elle gomme l’humour contenu dans le livret d’Hofmannsthal, privant, entre autres, Zerbinette de son côté pétillant, n’échappant pas au cliché du maître à danser, transformé en folle décolorée tortillant des fesses, perché sur des talons aiguilles. Elle livre l’œuvre au long d’une logorrhée scénique souvent incompréhensible et ennuyeuse avec travestissements incongrus (riche viennois en robe, maître à danser) et de détails devenant illisible passé le deuxième rang d’orchestre (qui a vu le rat pendant le prologue ?). Quant aux dialogues additionnels ils n’amènent rien de plus, bien au contraire. Les lumières, soignées, ne seront d’aucun secours, les ampoules led qui garnissent la robe de Zerbinette et les ceintures des masques ne parvenant pas à rallumer, ou allumer, tout simplement, la flamme; dommage !
D’autant plus dommage que la distribution dont bénéficie Katie Mitchell est homogène et de très haut niveau. A commencer par l’imposante Lise Davidsen succédant sur cette scène à la Stich-Randall, à Régine Crespin ou encore à Jessie Norman dans le rôle titre. La voix est puissante, précise et sombre, bien tenue naturellement dans les graves et maîtrisée dans les aigus. Lise Davidsen en impose vraiment. Face à elle, le ténor Eric Cutler est, lui aussi, tout en puissance physique et vocale; belle ligne de chant et projection idéale. Contrainte par la mise en scène, Sabine Devieilhe livre une Zerbinette un tantinet triste; la voix est belle, fine et élégante et elle se sort parfaitement des difficultés de la deuxième partie de l’œuvre. Une interprétation qui mériterait un peu plus de présence scénique, mais en la matière, la jeune femme n’y est pour rien ! Nul doute que Sabine Devieilhe, qui embrassait ce rôle pour la première fois ici, trouvera prochainement un engagement lui permettant d’affirmer sa Zerbinette avec personnalité. Belle performance vocale, aussi, que celle du compositeur incarné par Angela Brower; voix solide et précise elle impose son personnage entre sensibilité et colère. A ses côtés Josef Wagner est un maître de musique idéal. Quant à Rupert Charlesworth il est le seul qui nous tirera un sourire dans son interprétation du Maître à danser… Nous avons aussi particulièrement apprécié la prestation vocale des trois nymphes, notamment celles de Beate Mordal, Andrea Hill auxquelles venait se rajouter Elena Galitskaya. Dans la fosse, l’Orchestre de Paris en formation de chambre ne demande qu’à magnifier la partition de Strauss qui est jalonnée de moments intenses et somptueux; ce qu’il fait seulement lorsque Marc Albrecht le sollicite et, au soir de la première, ce ne fut pas le cas en permanence…
Michel EGEA
Autres représentations les 6, 9, 11, 14 et 16 juillet à 22 heures au Théâtre de l’Archevêché.Tél. 08 20 922 923. festival-aix.com

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