70e Festival d’Aix-en-Provence – « L’ange de feu » dérangeant very bad trip

Publié le 7 juillet 2018 à  10h18 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  18h52

Ausriné Stundyté totalement habitée par le rôle de Renata tout au long de cet Ange de Feu à découvrir au festival d’Aix-en-Provence. (Photo Pascal Victor/artcompress)
Ausriné Stundyté totalement habitée par le rôle de Renata tout au long de cet Ange de Feu à découvrir au festival d’Aix-en-Provence. (Photo Pascal Victor/artcompress)
Un monumental dispositif scénique pour cette production de
Un monumental dispositif scénique pour cette production de
L’histoire ne dit pas s’il a fallu utiliser un chausse-pieds pour faire entrer l’immense décors de l’Oiseau de feu sur le plateau du Grand Théâtre de Provence. Toujours est-il que de jardin à cour, il ne restait plus un millimètre de disponible à exploiter tout autour du cadre de scène. Une installation monumentale pour une œuvre qui ne l’est pas moins: «L’Ange de feu» de Sergueï Prokofiev. Privé d’une partie de ses installations acoustiques le Grand Théâtre de Provence a rappelé combien le son pouvait rebondir et une réverbération désagréable s’installer. Ce sera le seul bémol que nous poserons sur la feuille d’un compte-rendu qui ne pourra que louer toutes les facettes d’un spectacle total qui surprend, fascine, captive et capture avec des moments où, coincés dans notre fauteuil, nous nous sommes demandés si nous avions absorbé par erreur quelques substances dont il est question sur le plateau pour nous joindre au very bad trip auquel nous assistons. «L’Ange de feu», comme l’explique Mariusz Trelinski dans la plaquette programme, c’est «l’amour en chute libre»; chute mortelle sur fond de violence et de drogue, de sang et de sexe. L’histoire de Renata qui, entre folie et éclairs de lucidité, recherche vainement Heinrich, celui qu’elle a aimé, mais qui l’a aussi détruite. Dans un hôtel minable, Ruprecht va croiser le chemin de la jeune femme dont il va devenir amoureux; point de départ du very bad trip. Difficile d’aller plus loin dans la narration du livret si ce n’est que l’origine de tout cela semble se trouver dans la relation coupable de la jeune Renata avec son précepteur, surnommé l’inquisiteur, dans un internat religieux… Pour traiter un sujet qui ne manque pas d’intérêt, Trelinski a choisi la manière forte: métal, néons, prostituées, trans… Étape après étape nous devenons les témoins de cette mortelle descente aux enfers entre cauchemars et réalité. Une chute accompagnée par la musique de Prokofiev dense, violente, percutante. La partition est parfaitement servie par un superbe orchestre de Paris répondant à la perfection aux sollicitations de Kazushi Ono totalement inspiré. Il y a du volume, des couleurs, de la tension. Du côté des solistes, en haut de l’affiche, très haut, on trouve Ausriné Stundyté la soprano lituanienne en scène de la première à la dernière minute. Totalement possédée par le rôle de Renata elle impressionne par son engagement physique et vocal de tous les instants et hisse son interprétation au niveau des performances exceptionnelles. A ses côtés, dans le même cas, il y a Scott Hendricks, le baryton américain, qui réussit le double exploit d’être un Ruprecht pathétique et émouvant tout en chantant à la perfection en russe. Du très haut niveau théâtral et vocal pour ce couple hors du commun. Puis il y a les autres, au premier rang desquels Krzysztof Baczyk, Faust/Heinrich/l’inquisiteur, inquiétant et pervers à souhait, et Andreï Popov, Mephistophélès/Agrippa von Nettesheim, puissant et acide à souhait. Cette production fait parler; elle a le mérite d’exister. L’œuvre, tombée dans l’oubli, revient en odeur de sainteté (si l’on peut dire !). Nécessitant la mobilisation de masses importantes, la programmer a un coût. Mais le sujet est tellement puissant que des versions moins conséquentes et plus resserrées pourraient voir le jour. Pour y assister à Aix, il vous reste trois représentations.
Michel EGEA
Autres représentations les 7, 13 et 15 juillet à 19h30 au Grand Théâtre de Provence Réservations: festival-aix.fr

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