70e Festival d’Aix-en-Provence – Une « Flûte » de plus en plus enchanteresse

Publié le 7 juillet 2018 à  17h10 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h46

Mari Eriksmoen impose sa Pamina (ici en compagnie des trois garçons) sur la scène du Grand Théâtre de Provence. (Photo Pascal Victor/Artcompress)
Mari Eriksmoen impose sa Pamina (ici en compagnie des trois garçons) sur la scène du Grand Théâtre de Provence. (Photo Pascal Victor/Artcompress)
Thomas Ollemans, Papageno chagrin, espère sa Papagena devant une multitude d’oiseaux. (Photo Pascal Victor /Artcompress)
Thomas Ollemans, Papageno chagrin, espère sa Papagena devant une multitude d’oiseaux. (Photo Pascal Victor /Artcompress)
Ovation debout, vendredi soir au Grand Théâtre de Provence, à l’issue d’une première représentation exceptionnelle de «La Flûte enchantée» de Mozart. Cette production, signée scéniquement Simon McBurney, avait déjà connu le triomphe il y a quatre ans, au soir de sa création ici même. Au-delà de l’inventivité du metteur en scène, parfois facétieuse mais toujours en parfaite adéquation avec l’œuvre, on se souvient que ce fut, pour Stanislas de Barbeyrac, impeccable Tamino, distingué quelques mois auparavant comme révélation lyrique aux Victoires de la musique, un puissant accélérateur de carrière. Le ténor s’en est souvenu, fréquentant avec bonheur, quatre ans plus tard, cette scène qui compte désormais dans sa vie professionnelle. Il n’est pas le seul puisque, pour cette reprise, il retrouvait l’idéale Pamina de Mari Eriksmoen qui, soit dit en passant, a, depuis, fait pas mal de chemin professionnel elle aussi, de même que la Reine de la nuit incarnée par Kathryn Lewek et le Papageno de Thomas Oliemans. Ce fut intéressant, à quatre ans d’écart, d’entendre les mêmes.
Mari Eriksmoen est aujourd’hui l’une des Pamina idéales dans l’univers lyrique mozartien, associant un charme indéniable à une voix de soprano à l’idéale ligne de chant; son jeu de scène est précis et élégant. Difficile de faire mieux. D’autant plus que le couple qu’elle forme, en cette circonstance, avec le Tamino de Stanislas de Barbeyrac, relève des plus beaux qui puissent être réunis actuellement. Le ténor français, a pris du volume et de l’assurance en quatre ans; logique. La voix a mûri sans perdre sa souplesse et son grain soyeux, la précisions et la puissance sont toujours là. De plus, il n’a rien perdu de ce côté juvénile donnant sa raison d’être à son Tamino qui triomphera des épreuves recevant l’ovation de la salle en compagnie de sa Pamina. Mérité ! Pour la Reine de la nuit, rien n’a changé. Grimée en vieille femme, Kathryn Lewek a retrouvé son fauteuil roulant et n’a pas loupé ses vocalises, détaillant chaque note avec précision et cette acidité vocale qui sied au rôle. Quant au Papageno de Thomas Oliemans il est resté le même, vibrionnant, bondissant, peureux, malheureux mâle solitaire et baryton solide, voix toujours bien placée accompagnée d’une projection idéale. Iles étaient donc quatre, quatre ans après, rejoints par de nouveaux amis avides de participer à ce spectacle exceptionnel. A commencer par la Papagena de la soprano Lilian Farahani, jolie brune un tantinet délurée, vocalement à la hauteur de ses partenaires, avec une projection limpide et beaucoup d’assurance. A ses côtés, Dimitry Ivaschenko, Sarastro, physiquement impressionnant basse maîtrisée, l’Orateur, Christian Immler, beau baryton limpide et puissant et le Monostatos aigrelet de Bengt-Ola Morgny ont le droit de revendiquer une part du triomphe. Tout comme les trois dames, exceptionnelles, la soprano Judith Van Wanroij et les mezzo Rosanne Van Sandwijk et Helena Rasker, les prêtres et hommes d’armes, Tristan Llyr Griffiths et Geoffroy Buffière ainsi que les garçons du Knabenchor de l’Académie de musique de Dortmund et tous les autres artisans, sur scène comme en coulisses, de cette production lumineuse.

Raphaël Pichon et Pygmalion au sommet

Mais sur cette reprise de «La Flûte enchantée» le challenge le plus important, assurément, était celui relevé par Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion. A 33 ans, le jeune directeur musical dirigeait un opéra de Mozart pour la première fois de sa carrière. Il fallait oser s’investir ainsi sur une partition rangée au rang des mythes, qui plus est pour une production mise en scène par Un McBurney au sommet de son art. Et pour rajouter de la difficulté au challenge, il convenait de faire oublier qu’il y a quatre ans, à la tête du Freiburger Barockorchester, Pablo Heras-Casado avait obtenu un grand succès. Raphaël Pichon a relevé le défi, à la tête de son ensemble (choeur et orchestre) fondé il y a onze ans, et il a bien fait. Il a livré une direction pointilleuse de la partition, comme à son habitude, respectant «l’esprit» et magnifiant «la lettre», adhérant totalement à la modernité de la mise en scène tout en la soutenant sans trahir le souffle mozartien. Connaissant parfaitement les capacités de ses instrumentistes, et pour cause, il propose des couleurs et des sonorités idéales en parfaite adéquation avec ce qui se passe sur le plateau. C’est aérien, précis, souvent limite sublime. On comprend mieux, dès lors, que Pierre Audi, le nouveau directeur général du Festival, lui ait fait confiance dès l’année prochaine en le conviant, ainsi que Pygmalion, à créer un spectacle, mis en scène par Romeo Castellucci, autour du «Requiem» de Mozart. Après cette Flûte enchanteresse, on a presque hâte d’être plus vieux d’un an…
Michel EGEA

Autres représentations, les 9, 11, 16, 19, 21 et 24 juillet à 19h30, le 14 juillet à 17 heures, au Grand Théâtre de Provence. Réservations : festival-aix.com/fr

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