71e Festival d’Aix-en-Provence – Grandeur et (surtout !) décadence de la ville de Mahagonny

Publié le 9 juillet 2019 à  13h18 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  12h00

Quelle déception ! On imaginait le meilleur pour cette production de l’opéra de Kurt Weill composé sur un livret de Bertolt Brecht, on fantasmait sur la façon dont allait s’en emparer le metteur en scène belge Ivo van Hove, on rêvait le meilleur de la direction musicale du maître Esa-Pekka Salonen, mais rien n’est jamais joué d’avance et, samedi soir, il a fallu s’endormir en compagnie d’espoir déçus.

Les filles de Mahagonny, autour de Jenny Hill, attendent l’arrivée d’un typhon dévastateur qui ne viendra jamais. Photo Pascal Victor.
Les filles de Mahagonny, autour de Jenny Hill, attendent l’arrivée d’un typhon dévastateur qui ne viendra jamais. Photo Pascal Victor.

Scéniquement, tout d’abord, Ivo van Hope remet une copie bâclée. En période de baccalauréat foireux ça semble logique. Mais si ce n’est pas un zéro pointé, c’est une note largement en dessous de la moyenne qui est attribuée au metteur en scène. Mahagonny, la ville où tout est permis, cette cité qui stigmatise, pour Brecht, toutes les vilénies de la société capitaliste vénale et meurtrière, est devenue un vaste foutoir sur la scène du Grand Théâtre de Provence. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits et le spectateur, lui, se demande vers où se tourner. Il y a des images, souvent gros plans peu seyants pour les artistes, des matériels divers et variés, des interprètes et des machinos, un pan de mur vert qui servira, au deuxième acte, à intégrer des images sur des scènes tournées en direct dont une de sexe suggéré qui fut loin d’être appréciée. Exit, donc, les messages politiques et sociétaux qui peuvent être attachés à cette œuvre par la faute d’un traitement scénique des plus confus et désordonnés. La musique allait-elle sauver ce qui pouvait l’être ? Las il n’en fut rien. L’acoustique du Grand Théâtre de Provence, on le sait, est délicate. Pour les besoins de sa non-mise en scène, Ivo van Hove avait dépouillé le plateau de tout cadres et murs provoquant quelques errements vocaux de la part des solistes qui, parfois, ne passaient pas la fosse. Car dès que l’excellent Philharmonia Orchestra jouait un peu fort, c’est une véritable barrière de note qui se dressait entre le plateau et la salle. Esa-Pekka Salonen, pourtant habitué à l’endroit, ne pouvait-il pas mieux maîtriser la puissance de l’ensemble ? Dans le marasme ambiant, on retiendra la performance des hommes du chœur Pygmalion qui sont passés de Mozart à Weill avec un égal bonheur ainsi que celles d’Annette Dasch qui incarne une Jenny Hill émouvante et de Nikolai Schukoff, omniprésent Jim Mahoney, qui donne le maximum malgré les circonstances. Quelques scènes ramènent épisodiquement notre attention vers le plateau mais l’on ne peut s’empêcher de penser à ce que nous avions vu ici la veille, «Jakob Lenz » un monument de mise en scène et de musique, assurément l’un des meilleurs spectacles de ces dernières années donné dans cette salle. Samedi, c’était surtout la décadence de Mahagonny.
Michel EGEA

Pratique. Autres représentations les 9, 11 et 15 juillet à 20 heures au Grand Théâtre de Provence. Plus d’info et réservations festival-aix.com Retransmis en direct le 11 juillet sur France Musique et sur Arteconcert

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