71e Festival d’Aix-en-Provence – « Tosca » grandeur et décadence de la diva

Publié le 5 juillet 2019 à  18h29 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  12h00

Catherine Malfitano (à g.) et Angel Blue (à dr.) la transmission de  l’art entre deux divas. (Photo Jean-Louis Fernandez)
Catherine Malfitano (à g.) et Angel Blue (à dr.) la transmission de l’art entre deux divas. (Photo Jean-Louis Fernandez)

Chaleur et ciel bleu au rendez-vous de la deuxième soirée du Festival d’Aix-en-Provence à l’Archevêché. Au programme, «Tosca» de Puccini ouvrage donné ici pour la première fois depuis 70 ans. C’est à Christophe Honoré que Pierre Audi, le nouveau directeur général du Festival, a confié la mise en scène de cette production, le jeune chef Daniel Rustioni étant, quant à lui, chargé de la direction musicale. Il y a quelques années, Honoré avait fréquenté les coulisses de l’Archevêché pour un Cosi fan Tutte assez controversé et l’on se doutait bien qu’il n’allait pas revenir en s’étant acheté une conduite artistique traditionaliste. L’homme et l’artiste valent mieux que ça. Le metteur en scène s’est emparé de cette Tosca pour l’installer dans un contexte très particulier, celui d’une répétition assurée par une Prima Donna chargée, entre autres, de «former» une jeune soprano au rôle. Christophe Honoré pénètre ainsi dans un univers où la réalité et la fiction se côtoient, où les sentiments s’entremêlent, où les egos règnent en maîtres. Les codes sont cassés, la mise en abyme totale, et il faut un temps d’adaptation pour franchir le pas et entrer dans le propos. Tout le monde ne l’a pas fait et cela s’est entendu aux saluts. Il est vrai que ce regard particulier porté sur cette femme particulière qu’est la diva est un choix fort et clivant. Mais, comme le dit Christophe Honoré, «l’opéra doit sortir de l’entre-soi» et, ici, il y parvient totalement.
Il faut dire qu’il bénéficie de l’investissement d’une Prima Donna d’exception, Catherine Malfitano, qui, en son temps, était adulée dans le rôle de Tosca. Omniprésente sur scène, elle accompagne la naissance d’une nouvelle diva tout en livrant, sans fard, sa personnalité, entre souvenirs lointains d’une gloire passée, plaisirs factices et tarifés, jusqu’à une fin d’étoile laissant la place, et le beau rôle à la jeunesse incarnée par Angel Blue. C’est aussi, pour la soprano, une vraie prise de rôle sur la scène de l’Archevêché. Nul doute qu’elle s’en souviendra. Elle fut exceptionnelle, notamment dans son émouvant «Vissi d’arte». La voix est souple, idéalement placée et la ligne de chant précise. Le Cavaradossi vieillissant, trait d’union entre la prima donna, pour laquelle il a encore des élans de tendresse entre deux verres de whisky, et la diva naissante, est crédible dans ce rôle. Vocalement, les médiums sont beaux et sa grande technique lui sert pour les aigus. Quant au Scarpia d’Alexey Markov, voix franche et tranchante, puissante et souple, il s’est taillé une belle part de succès. Appréciés, aussi, les musiciens de l’excellent orchestre de l’Opéra de Lyon, venus avec le chœur et la maîtrise de la maison, tous placés sous la direction dynamique de Daniele Rustioni. Tout comme nous l’avions écrit il y a deux ans après la Carmen mise en scène par Tcherniakov, le propre d’un festival est de faire bouger les lignes. C’est le cas avec la mise en scène de cette Tosca qui a quand même l’avantage d’être, artistiquement et vocalement, au top niveau.
Michel EGEA

«Tosca» de Giacomo Puccini. Au Théâtre de L’archevêché les 6, 9, 12, 15, 17, 20 et 22 juillet à 21h30. Billetterie, place des Martyrs de la Résistance de 10 à 19 heures – Plus d’info et réservations festival-aix.com – En direct sur Mezzo, concert.arte.tv, francetvinfo et France Musique le 9 juillet. Projections en direct dans la région le 9 juillet.

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