71e Festival d’Aix-en-Provence – Une vision particulière du Requiem de Mozart

Publié le 4 juillet 2019 à  19h41 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  12h00

L'un des tableaux imaginés par Romeo Castellucci pour ce Requiem scénographié. (Photo Pascal Victor)
L’un des tableaux imaginés par Romeo Castellucci pour ce Requiem scénographié. (Photo Pascal Victor)

Il y a quelques années, pour sa première représentation en tant que directeur général du Festival d’Aix, Bernard Foccroulle avait subi l’orage, devant annuler le spectacle programmé à l’Archevêché. Douze festivals plus tard, la même mésaventure a failli se reproduire pour Pierre Audi, son successeur. Caprices d’une météo clémente et caniculaire jusqu’alors qui avait tenu, à sa façon, à souhaiter bienvenue au nouveau directeur, ou à le baptiser, en cette soirée consacrée à la musique sacrée de Mozart. C’est donc avec une bonne heure de retard, histoire de s’assurer que les étoiles s’installaient de façon pérenne dans le ciel aixois, que la production du Requiem de Mozart, augmentée et dirigée par Raphaël Pichon et mise en scène par Romeo Castellucci, pouvait débuter. Au cœur des interviews réalisées ces derniers jours, Pierre Audi affirme vouloir «prendre des risques» tout en poursuivant que «les productions mi-figue, mi raisin ne font pas avancer l’art lyrique.» Aussitôt dit, aussitôt fait avec l’ultime, et inachevé, chef-d’œuvre du Salzbourgeois. Raphaël Pichon avait pour mission de «compléter» la partition. On sait combien est immense la culture du directeur musical ; on sait aussi le profond respect qui préside à sa lecture des œuvres sur lesquelles il est chargé de travailler. Dès lors, ses choix ne pouvaient être que judicieux pour «étoffer» l’œuvre tout en lui conservant sens et intégrité. Entre deux chants grégoriens, Raphaël Pichon s’est plongé dans la littérature mozartienne pour en exhumer, dans certains cas, quelques joyaux. Certes il n’a pas évité la sublime Meistermusik, connue aussi sous le nom de Maurerische Trauemusik mais il donne aussi à entendre un Amen dont la partition a été retrouvée en 1960 ou ce très beau O Gottes Lamm ponctuant l’Agnus Dei du Requiem. Au total ce sont neuf ajouts qui viennent nourrir idéalement une œuvre que le directeur musical qualifie de «soleil noir, teinté d’une infinie tendresse». Concernant la «bande son», le premier pari de Pierre Audi est tenu et gagné. D’autant plus que les «Pygmalion», instrumentistes et voix, se hissent, dans des conditions délicates liées à la météo du soir, à un excellent niveau. Sous la direction sensible et lumineuse de Raphaël Pichon, les musiciens font valoir les couleurs et l’élégance de leurs instruments d’époque. L’interprétation est puissante et sensible. Un travail nécessaire, pour être raccord avec un plateau très sollicité. Car, il ne faut pas s’y tromper, ce sont les voix, solistes et choristes, qui sont les triomphatrices de la production. En acceptant de devenir les éléments essentiels d’une scénographie sautillante, en ne refusant pas de danser, se mouvoir et même se mettre à nu, au sens propre et au sens figuré, jusqu’aux limites du possible pour les organes vocaux, les choristes sont tout de même d’une précision et d’un niveau artistique hors du commun. Pour les apprécier depuis plusieurs années, on savait l’excellence des membres de Pygmalion : à l’occasion de ce Requiem aixois, sous la direction de leur directeur musical et fondateur, ils confirment qu’ils comptent actuellement au rang des meilleurs sur la planète musique… Les solistes, Siobhan Stagg, Sara Mingardo, Martin Mitterrutzner et Luca Tittoto concourent au succès musical, tout comme l’enfant chanteur, Chadi Lazreq, sollicité par les ajouts de Raphaël Pichon. La scénographie de Romeo Castellucci, elle, ne nous a pas convaincus, loin s’en faut. Sur fond d’extinction de notre monde, l’italien installe un chaos «à l’envers» à force de danses folkloriques sur les temps forts de la partition. Pourtant, le premier tableau, celui de cette femme qui se couche et disparaît à vue dans son lit, laissait augurer de puissantes choses. Las il n’en fut rien ! Difficile d’y trouver son compte tant ce qui se passe sur scène est en décalage par rapport à la musique qui, soit dit en passant, se suffit à elle même. Un remake de la vie, la mort et tout le bazar d’où émerge, outre le premier tableau évoqué plus haut, l’avant-dernière scène avec le plateau qui se soulève, offrant au regard la vision d’un champ de ruines dévasté par on ne sait trop quel conflit, avant que tout ne glisse laissant la place à l’enfant symbole de vie, sur les accents grégoriens de l’antienne In Paradisum.
Michel EGEA
Représentations les 5, 8, 10, 13, 16, 18 et 19 juillet à 22 heures au Théâtre de l’Archevêché, à Aix-en-Provence. Billetterie, place des Martyrs de la Résistance de 10 à 19 heures. festival-aix.com

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