7e Festival de Pâques d’Aix-en-Provence – L’étrange Requiem de Monsieur Teodor

Publié le 15 avril 2019 à  22h10 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h47

Enigmatique Teodor Currentzis qui a dirigé le
Enigmatique Teodor Currentzis qui a dirigé le

Placé sous le signe du cinéma dès sa soirée inaugurale, nous resterons sous ce signe pour narrer le premier concert dominical du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence consacré au «Requiem» de Verdi. Chez le directeur musical du soir, Teodor Currentzis, Friedrich Wilhelm Murnau n’aurait pas renié un petit côté «Nosferatu » et Tim Burton aurait pu y penser en réalisant le génial «Edwards aux mains d’argent» ou en écrivant son «Étrange Noël de Monsieur Jack» qui a inspiré notre titre. Pour les mélomanes aixois, Currentzis n’est pas une découverte. Celui qui est souvent surnommé «l’enfant terrible de la musique classique» était, en 2010, au Festival International de Musique et d’Art Lyrique, à la direction musicale du «Don Giovanni» à la mise en scène très controversée signée Dmitri Tcherniakov. Puis, cinq ans plus tard, il dirigeait idéalement «Iolanta» de Tchaïkovski et «Perséphone» de Stravinsky, deux opéras, réunis en une unique production, mis en scène par Peter Sellars dont la personnalité et le travail avaient quelque peu occulté la performance du chef gréco-russe. Avec cette «Messe de Requiem» de Verdi, Teodor Currentzis a décidé de conserver (presque) seul la vedette en livrant une vision, et une audition, très personnelles de l’œuvre qui, après Paris, Lucerne et Genève, est venue scotcher dans leurs fauteuils les auditeurs rassemblés au Grand Théâtre de Provence. Hans von Bülow qualifiait le «Requiem» de Verdi d’ «opéra en soutane». Qu’à cela ne tienne, c’est en soutanes noires que les quelque 160 exécutants, chœur et musiciens du MusicAeterna de l’Opéra de Perm, hommes et femmes, sont entrés sur la scène sous le regard parfois médusé des 1300 personnes composant le public ; comme descendus du monastère d’Aghia Triada, perché sur un rocher des Météores que l’on découvre dans le film «Rien que pour vos yeux» où Roger Moore est James Bond pour la cinquième fois. Chasuble noire et lacets rouges aux godillots, Teodor Currentzis a pris les commandes de ce monumental ensemble pour faire trembler les murs du Grand Théâtre. Dans cette interprétation, n’allez pas chercher des miettes de pathos à l’italienne ou d’émotion à tirer des larmes. C’est un requiem d’apocalypse, ou presque, que proposent le chef et les exécutants debout; pas de sensiblerie mais un blindage comme celui du cuirassé Potemkine. Plus qu’une direction musicale, c’est une direction d’acteurs à laquelle se livre Currentzis ; en toute connaissance de cause puisqu’il est, lui-même, comédien. Il faut dire qu’il bénéficie de la totale adhésion de ses troupes, son premier violon assurant sans faille un rôle de «chef d’orchestre bis». Le chœur est monumental, les cordes démoniaques et les vents infernaux. Tout est millimétré, rien n’est laissé au hasard et même les solistes vont au bout de leurs voix avec un grand coup de cœur pour la soprano Zarina Abaeva, plus que puissante et à la ligne de chant d’une précision étonnante dans des conditions extrêmes. Chacun trouvera donc matière à gloser sur cette interprétation à la sortie du théâtre. Une chose est cependant certaine, elle n’aura laissé personne insensible… N’est-ce pas là le principal pour le spectacle vivant ?
Michel EGEA

Peter Serkin remplacé
Pour des raisons de santé, Peter Serkin ne sera pas présent au Festival de Pâques. Pour le concert de Génération @ Aix, jeudi 18 avril à 18 heures au Théâtre du Jeu de Paume, Robert Levin accompagnera les jeunes musiciens. Pour le concert des Variations Goldberg, samedi 20 avril à 18heures au Théâtre du Jeu de Paume, c’est David Fray qui sera l’interprète
Plus d’info : festivalpaques.com/fr/

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