7e Festival de Pâques d’Aix-en-Provence – La lumière et l’espoir du poème d’Ernest Chausson

Publié le 16 avril 2019 à  18h52 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  23h39

Lahav Shani et Renaud Capuçon : duo gagnant devant un splendide orchestre symphonique de Vienne qui a offert avec joie valse et polka de Johann Strauss en bis alors que le violoniste avait proposé, lui, sa méditation favorite, celle de Thaïs, avant de quitter son public. (Photo Caroline Doutre)
Lahav Shani et Renaud Capuçon : duo gagnant devant un splendide orchestre symphonique de Vienne qui a offert avec joie valse et polka de Johann Strauss en bis alors que le violoniste avait proposé, lui, sa méditation favorite, celle de Thaïs, avant de quitter son public. (Photo Caroline Doutre)

«Vous le savez certainement, la cathédrale Notre-Dame de Paris est en feu… Je ne sais pas quoi dire… » Ému, au moment d’entamer une somptueuse interprétations du «Poème pour violon et orchestre» d’Ernest Chausson, Renaud Capuçon lâchait ces quelques mots, associant à ce dramatique moment les musiciens du Wiener Symphoniker et le directeur musical Lahav Shani. Sobrement, mais intensément, la salle et les interprètes se retrouvaient unis pour pleurer sur les cendres de l’un des monuments tricolores entré depuis la nuit des temps au patrimoine de l’humanité. Étonnante coïncidence, le programme de cette troisième soirée du Festival de Pâques était consacré aux compositeurs français, Dukas, Ravel et Chausson. A leur service, aux côtés du violoniste star, les musiciens de l’un des fleurons mondiaux de la musique symphonique, le Wiener Symphoniker, et l’un des jeunes chefs les plus talentueux qui soient actuellement, l’Israélien Lahav Shani ; celui-là même qui, dans un CD publié ces jours derniers par le label Erato, met aussi à contribution ses immenses talents de pianiste, aux côtés de Renaud Capuçon et du violoncelliste Kian Soltani, pour offrir les trios pour piano de Tchaïkovski et Dvorak. Un opus enregistré, il y a un an, au cœur de ce même Festival de Pâques d’Aix-en-Provence. Au sortir du concert de lundi soir au Grand Théâtre de Provence, une évidence s’imposait : celle de l’immense stature de chef d’orchestre Lahav Shani. Nombreux comprenaient mieux, dès lors, pourquoi le jeune homme, il vient de fêter ses trente printemps, était appelé à succéder, dans quelques mois, à l’immense Zubin Mehta au poste de directeur musical de l’Orchestre Philharmonique d’Israël. A la tête de l’orchestre symphonique de Vienne dont il est le principal chef invité, il a livré des lectures précises, dynamiques et intelligentes des œuvres accrochées au programme de la soirée. A commencer par cet «Apprenti sorcier» de Paul Dukas, qui ravivait, sans peine, dans les mémoires, les images de «Fantasia», le film d’animation des studios Walt Disney, images qui ont, entre autres, enchanté notre enfance. Décidément le cinéma préside à tous les rendez-vous de ce Festival… Une fois terminée la sautillante marche des balais transportant des seaux d’eau, place était faite pour «Tzigane», la rhapsodie de concert pour violon et orchestre de Ravel, une partition totalement maîtrisée par un Renaud Capuçon jouant avec bonheur sur le registre de la virtuosité. Pour la suite «Daphnis et Chloé », tout comme pour «La Valse» qui concluait plus tard le concert, c’est le son exceptionnel de l’orchestre viennois qui s’imposait, lumineux, coloré, avec des cordes souples et soyeuses, des vents précis et chatoyants, des percussions attentives et totalement maîtrisées. Pour conduire cette Roll’s musicale, Lahav Shani ne boudait pas son plaisir, augmentant le nôtre au fur et à mesure de l’avancement de la soirée. Mais c’est, sans nul doute, le «Poème pour violon et orchestre» d’Ernest Chausson qui restera gravé dans nos mémoires, déjà comme l’un des temps forts de cette septième édition du Festival de Pâques. Par la qualité de l’orchestre et de son directeur musical, mais aussi, et surtout, par l’immense talent de Renaud Capuçon et par son extrême sensibilité qui, au-delà du contexte particulier lié à la triste actualité du soir, allait donner à cette partition une puissance émotionnelle hors du commun. «Je ne joue pas souvent ce poème, nous confiait le violoniste à l’issue du concert, mais je crois que ça va changer…» De la lumière et de l’espoir dont nous avions bien besoin en ces lourds moments !
Michel EGEA

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