Tribune du Pr. Hagay Sobol : La France en sursis !

S’il est une vérité que l’on peut tirer de ce 2e tour des législatives 2024, c’est que le peuple est souverain. Les voix appartiennent aux électeurs et non aux partis qui devront s’en souvenir. Car l’on a très probablement assisté à l’ultime incarnation du front républicain.

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Pr. Hagay Sobol @Destimed/Philippe Maillé

Devant le spectre du RN au pouvoir, une majorité de candidats et d’électeurs ont pris leurs responsabilités. Les premiers en se désistant majoritairement en cas de triangulaire et les seconds en votant souvent contre leur inclinaison politique, pour faire barrage à l’extrême droite. Le résultat est sans appel, Bardella a perdu son pari. Par cette discipline, la communauté nationale a montré qu’une autre voie était possible, en lieu et place des sempiternelles luttes partisanes : se rassembler autour de ce que nous avons tous en partage, la République !

Une devise qui divise ?

« Liberté, Égalité, Fraternité », une devise pour rassembler tous les citoyens de notre pays, que l’on croyait éternelle, a été attaquée par ceux-là mêmes qui étaient censés la défendre. Les extrêmes ont chacun « UNE France » qui exclut et fracture l’unité nationale : celle du RN rejetant une partie des Français en fonction de leur supposée « double allégeance » et celle de LFI qui communautarise en réduisant les Français à leurs seules origines et qui exacerbe l’antisémitisme. Le pays de Voltaire et Diderot, c’est tout l’inverse, celui des lumières, phare des nations qui a donné espoir aux opprimés du monde entier, venus pour s’émanciper et échapper aux ténèbres. Allons-nous les livrer à nouveau à l’obscurantisme qui nous dévorera tout autant ?

L’unité doit être notre priorité première afin de faire nation tous ensemble. Aussi, l’importation de conflits étrangers, l’antisémitisme, le racisme sous toutes les formes, la misogynie, l’homophobie, n’ont pas leur place dans une Démocratie. Pour cela il faudra rappeler et appliquer la Loi trop souvent bafouée, ce qui a fait reculer la République, sous prétexte d’accords politiciens et de tolérance à l’intolérance.

Personne n’a gagné !

Le premier à prendre la parole, comme s’il incarnait le succès du Nouveau front Populaire et « La République » à lui seul, a été Mélenchon. Discours lunaire, en décalage total avec la réalité. Il ne représente ni la majorité des Français, ni toute la gauche, loin s’en faut. Il faut désormais compter avec les autres formations et en premier lieu, le PS. En contre-point parfait, la parole mesurée de Raphaël Glucksmann remerciant les électeurs qui par leur choix ont évité le pire.

Pour les courants issus de l’ex-majorité, si nous n’avons pas assisté au naufrage annoncé, placée en seconde position, cette famille politique prend désormais ses distances d’avec le Chef de l’État. Ainsi, Gabriel Attal, après avoir été sur tous les fronts lors de la campagne, a affiché son émancipation en se dissociant de la dissolution voulue par le Président. Quant à Édouard Philippe, il a appelé à nouveau à la constitution d’une grande coalition des démocrates, au-delà des partis. François Bayrou étant sur la même ligne.

La troisième place du RN est un échec cuisant même s’il peut se targuer d’être la première formation politique de France. Et ce n’est pas la conséquence « d’un bidouillage des partis ». Ce sont les électeurs mobilisés en masse qui n’ont pas voulu concrétiser les résultats du premier tour. Sur le court terme, il était déjà difficile de cacher les « brebis galeuses », les « moutons noirs » et les candidats fantômes. Désormais le vernis craque de toute part. On ne peut pas tout miser sur le marketing, convaincre est essentiel !

Enfin, LR existe toujours malgré le coup de Jarnac infligé par son président, Eric Ciotti qui a échoué en s’alliant avec le RN. Le « Canal historique » est désormais en convalescence et devra décider s’il s’isole pour se reconstruire où s’il le fait dans le cadre d‘une coalition.

La conclusion est limpide. Personne n’a obtenu de majorité absolue. Il n’y a que deux solutions, soit l’instabilité politique, ce que les électeurs feront payer chèrement au prochain scrutin, soit tenir compte du coup de semonce du premier tour et faire preuve de créativité politique, denrée malheureusement fort peu répandue en ces temps troublés.

Le minimum commun

Désormais, nous vivons la fin du régime présidentiel, tel que la Ve République l’a conçu. Les résultats déplacent le centre de gravité du pouvoir vers le Parlement. Même si trois forces politiques, d’égale importance, siègent aujourd’hui à l’Assemblé Nationale, il n’y a qu’une seule France. Le Président Emmanuel Macron et les partis politiques, dont la dernière mission était de faire élire des députés, doivent se réinventer pour éviter le chaos. Cela suppose des convergences et donc des compromis si l’on ne veut pas reproduire les erreurs de la IVe République, tombée face l’intransigeance de partis aux exigences irréconciliables.

Depuis la fin du scrutin, les tractations vont bon train et les extrêmes commencent à se fissurer, à l’image de Clémentine Autain ou de François Ruffin qui ne siégeront pas avec LFI. Une coalition entre modérés semble se dessiner. Pour qu’elle se concrétise, il faudra définir les lignes rouges et proposer des mesures acceptables par tous ses membres afin de bâtir un programme commun. Ce ne sera pas chose aisée, car plus une coalition compte de formations; avec des visions éloignées, plus il y a d’obstacles à surmonter, surtout entre anciens adversaires politiques. Mais pourquoi la France ne le pourrait-elle pas alors que nombre de nos voisins européens l’ont réalisé.

Une victoire contre le RN qui oblige !

Cette victoire contre le RN oblige les forces démocratiques de la droite, du centre et de la gauche à s’unir. Il n’y a pas d’autres alternatives. Les Françaises et les Français, par leur maturité, ont montré le chemin. Ils ne pardonneront pas de ne pas le suivre !

Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée. Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d’Abraham ».

 

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