Publié le 5 mars 2013 à 4h00 - Dernière mise à jour le 10 août 2023 à 10h16
LES FRALIB EN TETE DE GONDOLE
Plusieurs milliers de salariés en grève à l’appel de la CGT, FO, la FSU et Solidaires ont exprimé ce mardi matin dans les rues de Marseille que l’accord national interprofessionnel (ANI) avait un arrière-goût de régression sociale dont ils ne veulent pas entendre parler. Avec, mieux que de longs discours, l’exemple de la lutte des salariés de l’usine Fralib de Gémenos qui en est l’éclatante démonstration.
« Et un, et deux, et trois-zéro ! Et un, et deux, et trois-zéro ! » : c’est ce chant, devenu culte suite à la victoire des Bleus face au Brésil (3-0) en finale de la Coupe du monde de football 1998, que les salariés de l’usine Fralib de Gémenos (Bouches-du-Rhône) ont entonné ce mardi 5 mars au bas de la Canebière à Marseille, où se rassemblait le cortège interprofessionnel venu manifester son opposition à l’accord national interprofessionnel (ANI). Une mobilisation contre l’accord « pour un nouveau modèle économique et social, au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés », signé le 11 janvier dernier par le patronat, avec la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC, à laquelle avaient appelé dans les Bouches-du-Rhône les syndicats CGT, FO, FSU et Solidaires, ainsi que le syndicat étudiant de l’UNEF.
Une joie légitime des salariés du thé de l’Eléphant puisque, le 28 février, ils ont réussi à faire annuler par la justice, pour la troisième fois, le Plan de sauvegarde pour l’emploi (PSE) présenté par la direction de Fralib et le groupe Unilever. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a en effet estimé dans son arrêt que ce plan est « sans valeur », pour cause de nullité dans la procédure et les licenciements. La Cour d’appel a ainsi annulé tous les licenciements réalisés dans le cadre de la fermeture de l’usine de Gémenos et ordonné au groupe de reprendre la procédure à son commencement. « Après trois ans de lutte, on est toujours debout. Unilever doit redémarrer un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) à 182 salariés », se réjouit Olivier Leberquier, le délégué syndical CGT de l’usine Fralib de Gémenos.
Cette nouvelle victoire remportée, après 884 jours de lutte, par les salariés face à leur direction sur le terrain judiciaire a été saluée par Eugène Caselli (PS), président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM), qui estime que « ce combat a été particulièrement difficile et courageux ». « Aujourd’hui, je reste très attentif à l’évolution du dossier et à la ré-industrialisation du site dont MPM est désormais propriétaire. J’espère que cette décision va accélérer le processus de revitalisation et permettre de débloquer la situation économique et sociale. C’est ma priorité ! », a-t-il précisé dans un communiqué de presse le jour même de cette nouvelle victoire judiciaire des salariés.
Une bataille judiciaire impossible à mener si l’ANI avait été mis en œuvre
Une revitalisation du site que les salariés ont continué de construire au fil des mois parallèlement à leurs combats judiciaires contre le géant de l’agroalimentaire. « Nous avons déposé les statuts de la Société coopérative ouvrière provençale de thés et infusions (Scop T.I.), notre projet alternatif qui prévoit la reprise de 103 salariés. Tous les jours nous bichonnons nos machines. Nous avons les salariés, l’outil industriel et les compétences pour redémarrer la production. Il nous manque plus que le feu vert d’Unilever qui va être obligé, suite à l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, de refaire des feuilles de paie aux salariés. Désormais la balle est dans leur camp », précise Olivier Leberquier.
Si plusieurs milliers de salariés en grève, avec de forts bataillons de FO et de la CGT, ont défilé ce mardi matin du Vieux Port à la préfecture pour demander au gouvernement de ne pas ratifier l’ANI – « Députés, ne votez pas la loi du Medef qui démolit le Code du Travail », pouvait-on lire sur de certaines pancartes –, la présence des salariés de Fralib n’en était pas moins hautement symbolique. « Si cette loi avait été mise en place au début du conflit de l’usine Fralib de Gémenos, nous n’aurions pas pu mener l’action judiciaire qu’on a conduite qui a fait que trois ans plus tard, l’usine est toujours ouverte, ne manque pas de rappeler Olivier Leberquier. D’où l’importance de se mobiliser aujourd’hui puisque l’on fait la démonstration que la loi proposée va à l’encontre du progrès social et qu’elle n’est là que pour accompagner les fermetures de site. »
Serge PAYRAU