28 août 1944. Marseille se libérait du joug nazi

Marseille outragée, Marseille brisée, Marseille martyrisée… Le général De Gaulle a donné ces qualificatifs à Paris pour des raisons politiques mais Marseille les méritait largement. 80 ans après, il est temps de reconnaître ses souffrances et de saluer ceux qui se sont battus pour la libérer.

Destimed IMG 20240828 WA0007
©Joël Barcy

 Marseille est libérée !

Destimed IMG 20240828 WA0001
©Joël Barcy

 

Marseille s’est replongée 80 ans en arrière en découvrant, sur l’esplanade de la mairie, une somme d’engins militaires qui ont concouru à sa libération. Chars américains Sherman, jeeps, véhicules blindés ou de secours. Beaucoup de familles étaient présentes. L’occasion de donner une leçon d’histoire in situ aux enfants. « C’est pour ça qu’on est là, indique Sylvie, pour montrer à mes enfants et petits-enfants que cela a existé et on espère qu’ils ne verront jamais ça ». Pour Déborah « ces cérémonies sont nécessaires, elles permettent de se souvenir ».

Parachutistes et patriotisme

Destimed IMG 20240828 WA0009
©Joël Barcy

Des parachutistes se sont posés au pied de l’Hôtel de ville de Marseille. Une manière là aussi de rappeler l’histoire de ces soldats souvent américains largués dans l’arrière-pays pour prendre les Allemands à revers. Les retrouver au pied du public permettait de faire vivre plus intensément leur rôle dans la guerre.  « C’est une commémoration indispensable, selon Patrice, on parle beaucoup du souvenir mais il faut se souvenir de qui a libéré la France, de qui a libéré Marseille ».

Destimed IMG 20240828 WA0002
©Joël Barcy
Destimed IMG 20240828 WA0008
©Joël Barcy

Tous les engins présents sur l’esplanade appartiennent à des passionnés qui veulent faire vivre le devoir de mémoire. Marc Vérola, à bord de sa Jeep,fait partie de l’association Forty Four Memory (FFM) d’Aix-en-Provence.  «Les derniers survivants de cette époque sont rares, on est en quelque sorte les garants du devoir de mémoire pour que les jeunes générations reprennent le flambeau et qu’elles soient là encore dans 80 ans». Les pilotes de huit Alfa-jets de la patrouille de France ont ensuite inscrits les couleurs nationales dans le ciel avant qu’un bal populaire ne termine cette journée placée sous le signe de la victoire.

Cérémonie officielle

Destimed IMG 20240828 WA0010
© Joël Barcy
Destimed IMG 20240828 WA0011
© Joël Barcy

Auparavant une cérémonie officielle, avec ministre des anciens combattants, autorités civiles et militaires et élus, a rendu hommage à ceux qui ont libéré Marseille. Après un dépôt de gerbe au pied du char Jeanne d’Arc, détruit au pied de la montée de l’oratoire alors qu’il voulait déloger les Allemands de la place forte de Notre-Dame de la garde, les discours se sont déroulés sur l’une des plateformes de la basilique. Patricia Mirallès, la secrétaire d’État aux anciens combattants, a rappelé le martyr de la ville. « Ce que le général De Gaulle a dit le 25 août à Paris, il aurait sans doute aussi pu le dire ici : Marseille outragée, Marseille brisée, Marseille martyrisée et Marseille libérée, libérée par elle-même… A Marseille, les voiliers et les bateaux pêche du Vieux-Port avaient disparu on ne voyait plus que croiseurs et torpilleurs à croix gammée ».

Hommage à l’armée d’Afrique

Destimed IMG 20240828 WA0012
© Joël Barcy

Le maire de Marseille s’est attaché à valoriser tous ces tirailleurs algériens ou goumiers marocains qui ont donné leur vie pour sauver la nôtre. « Ils ont su pour Marseille et pour la France dépasser les différences et les différends. Surmonter les clivages et relever le drapeau. Rappelons-nous de leurs souvenirs, de ces accents étrangers qui criaient ensemble vive la France ! A quelques mètres de nos souvenirs, le corps sans vie d’Ahmed Lintim repose sans linceul. Son nom, c’est celui de tous ces frères d’armes. Célébrer Ahmed Lintim c’est célébrer le sacrifice de ceux qui ont donné leur vie pour sauver la nôtre ».

Le chant de partisans a conclu cette cérémonie.

Marseille oubliée

La cité phocéenne a été l’une des oubliées de la Libération. Pas un manuel scolaire pour évoquer ses faits d’armes grâce aux résistants et à l’armée d’Afrique. Pas un mot sur les bombardements alliés destinés à réduire la puissance allemande ni sur la destruction des quartiers du Vieux-Port par la volonté de Hitler. Benoît Payan veut noircir cette page blanche. « Les maires qui se sont succédé n’ont pas selon moi assez porté cette histoire-là. C’est une ville qui a été martyrisée, c’est une ville qui a été sous le joug des nazis. C’est une ville où les juifs ont été raflés. C’est une ville où des quartiers ont été dynamité sous ordre d’Hitler parce que Marseille était un port, une ville où les gens vivaient librement quelle que soit leur religion ou leur couleur de peau. C’est un symbole qu’il a voulu éradiquer de la carte et ça on l’a trop souvent oublié ».

Plaque et pavés de bronze

Pour éviter l’oubli le nom des soldats morts pour libérer Marseille sera gravé sur des carrés de bronze qui viendront paver le chemin de l’oratoire. Une plaque sera aussi apposée à l’Opéra avec cette fois le nom des enfants juifs qui ont été raflés avec leurs parents.

Denise Toros-Marter, une voix indispensable pour la paix

Destimed IMG 20240828 WA0016
Denise Toros Marter ©Joël Barcy

Au cours de la célébration des 80 ans de la Libération de Marseille un hommage appuyé a été rendu à Denise Toros Marter. Rescapée d’Auschwitz, elle s’est vue remettre l’une des plus haute distinction par la ministre des anciens combattants. Elle a été élevée à la dignité de grand officier de la légion d’honneur.

 En décorant Denise Toros-Marter, la ministre des anciens combattants a évoqué l’infini reconnaissance du pays pour son action. A 96 ans, celle qui a connu l’enfer des camps, en est revenue en pesant 30 kg avec des doigts de pieds en lambeau, continue de témoigner dans les collèges et les lycées pour défendre et transmettre la mémoire de la Shoa.

Appel à la paix

 Dans son discours la rescapée remercie «les Justes parmi les nations qui ont permis de sauver des juifs en risquant leur vie. Sur 76 000 déportés de France seuls 3% sont revenus des camps » ajoute-t-elle. Elle lance aussi un vibrant appel à la paix. « A notre libération des camps les rescapés avaient proclamé plus jamais ça, hélas devant tous ces conflits actuels au Moyen-Orient et en Ukraine nous devons poursuivre notre requête de la paix avec nos différences et grâce à nos différences ».

Attention à l’extrême-droite

 Pour Denise Toros Marter, la dignité de grand officier salue ceux qui ont lutté pour la liberté ou qui ont été victimes d’une idéologie mortyifère. Elle demeure une voix indispensable. Elle éclaire la jeunesse mais elle porte aussi vaillamment le fer contre Serge Klarsfeld, le chasseur de nazis, quand il invite les juifs à voter pour le rassemblement national aux dernières élections.

Reportage Joël BARCY

 

Articles similaires

Aller au contenu principal