« Ombres et lumières » : tel est l’intitulé de l’exposition accrochée aux cimaises de l’Hôtel Boadès sur la place Jeanne d’Arc (Rotonde) à Aix-en-Provence. Ombres et lumières sur une centaine de tirages photographiques du studio Henry Ely, mais aussi ombres et lumières sur une période de l’histoire de la ville qui, entre 1930 et 1950 a vécu avec autant de douleur que la France entière une guerre mondiale qui a pris fin il y a 80 ans.
Il y a quelques mois, la ville d’Aix-en-Provence, par le truchement de Sophie Joissains, son maire, s’engageait à participer à la sauvegarde et à la promotion du fonds photographique issu du Studio Henry Ely contraint de quitter ses murs « historiques » du passage Agard. Deux millions de clichés ont ainsi été transférés et sécurisés dans les locaux des archives municipales Vovelle après avoir subi une anoxie, privation totale d’oxygène éliminant les parasites. L’inauguration de l’exposition « Ombres et lumières », le 21 août dernier, jour anniversaire de la Libération d’Aix-en-Provence, marque une nouvelle étape de la vie de ce pan du patrimoine aixois et constitue la première pierre de la création du Centre Ely de la photographie à l’Hôtel Boadès.
Pour raconter ces vingt ans d’histoire de la ville, Jean-Eric Ely et l’association Ceppia (Collectif Ely Patrimoine Photographique Iconographique Aix-en-Provence) ont sélectionné une centaine de photographies réparties en six chapitres : l’entrée en guerre, l’occupation, la résistance, la libération, l’épuration, le renouveau.
Images fortes, souvent inédites, qui témoignent d’heures sombres avec, en point d’orgue, cet espace où sont montrés les visages des résistants exécutés par les nazis dans la campagne aixoise, photographies réalisées clandestinement par Jean Ely au péril de sa vie; il était âgé de 16 ans… Des photos, mais aussi des documents parfois terribles comme ces certificats attestant qu’une personne n’était pas juive.
L’histoire « à la maison »
On parcourt cette exposition comme on lirait un livre d’histoire à la seul différence que les images de ce livre donnent à voir l’histoire dans des lieux de vie connus de tous. Pétain à la Rotonde, le collaborateur pendu sur le cours Mirabeau devant les « 2 G », les Allemands festoyant dans la cour d’un hôtel, les jeunes résistants posant sur la terrasse du Studio Ely passage Agard : d’un coup ces moments qui appartenaient jusqu’alors à la mémoire collective entrent dans notre propre univers et prennent une dimension différente, gagnent en émotion.
Alors oui, il aurait fallu pousser les murs du rez-de-chaussée de l’Hôtel Boadès pour laisser respirer les chapitres d’une exposition débordant de pépites historiques, pour développer une muséographie esquissée ici avec talent, mais a minima… Pour l’heure, pour les documents qui y sont proposés, pour l’émotion qu’elle peut générer, pour l’intérêt patrimonial, il ne faut pas hésiter à aller visiter cette exposition. Et en cette période de rentrée scolaire on peut penser que de nombreux enseignants auront à cœur de proposer une visite à leurs élèves.
Michel EGEA
Pratique. « Ombres et lumières » à l’Hôtel Boadès, place Jeanne d’Arc à Aix-en-Provence, jusqu’au 27 octobre; du mercredi au dimanche de 10 à 12 heures et de 14 à 18 heures. Entrée : 5 €. gratuit pour les moins de 18 ans et les scolaires. Renseignements et adhésions à l’association CEPPIA : associationceppia.fr